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          |  | C'est souvent durant 
              sa vingt-cinquième heure que le plastichien se dédouble, opération 
              indolore que favorise le " sommeil efficace " et la digestion. On se croirait au théâtre ce soir, une porte proche claque ... Peldugland 
              fait son entrée, il est très beau mais aussi très en colère, il 
              grince constamment des dents :
 " Misère, misère, le chauffage est en panne d'une durée indéterminée, 
              l'eau courante n'arrive plus, même en marchant ... De l'eau chaude 
              ?
 Ne rêvons pas trop ...
 Sa vieille télé va exploser d'un moment à l'autre et les toilettes 
              classées* (de style Louis 13) sont devenues carrément dangereuses, 
              surtout la nuit ... non mais tu t'es vu l'état des lieux ?
 Froid, solitude 
              et pauvreté, une vraie vie de Saint Ture* ! 
              "
 * classées : Au patrimoine 
              mondial de l'inhumanité.  |   " Justement ! " reprit 
        un maigre personnage dissimulé dans un coin d'ombre dont il ne sortira 
        pas. C'est saint Bernard (lequel bon sang !) qui apostrophe vertement le plastichien 
        :
 " Tu dois rester pur et sans taches, sinon de peinture, d'ailleurs 
        tu devras remettre ta virginale enveloppe après usage pour un sérieux 
        examen.
 En attendant ce jour, le plus long, tu supporteras tout sans te plaindre 
        et le travail sera ton unique joie, espérance, passe-temps, source fictive 
        de revenus et soutien.
 Signe ici ! "
 Le saint lui tend un petit 
        carton délicieusement ouvragé.  * Saint 
        Ture : Il a maintenant son boulevard prostitutionnel, pas mal pour 
        un ermite.  * Saint Bernard : De 
        Miribel dit le Nouvel Observator à cause de sa vilaine habitude de 
        se mêler de tout et en premier lieu commun, de ce qui ne le regarde pas. 
        Lui ne se gène pas pour regarder, surveiller, épier, rendre-compte et 
        punir.
   
        
          |  | L'Aintrus    Le plastichien réfléchit 
              longuement, il a déjà refusé dans la passé de conclure un pacte 
              avec le diable (à des conditions peu avantageuses, c'est vrai), 
              il demande quelques précisions : " Et qu'est-ce que j'y gagnerais ? "
 Silence méprisant.
 " Serait-il possible, sans vous indisposer, d'en savoir un petit 
              peu plus ? "
 No comment.
 Saint Bernard sifflote comme s'il n'avait rien entendu, il regarde 
              distraitement le bout de ses ongles dorés.
 Finalement le plastichien se décide, il paraphe vite, retourne le 
              carton et lit ceci :
 - Félicitations, vous avez gagné le droit de continuer, encore merci 
              de toute vôtre âme
 - La signature est énorme mais illisible.
 Peldugland a la vague 
              impression de s'être fait avoir, il fait plutôt grise mine.  |  " Fallait regarder avant 
        de signer ! " lui fait remarquer sarcastique le saint homme en rangeant 
        prestement le divin contrat dans son cartable en cuir céleste. L'affaire est faite, le plastichien peut enfin se rendormir, difficilement 
        car sa nouvelle auréole* le gêne un peu.
 Franchement à qui se fier, de nos jours ?
 * auréole : Les filles ont 
        aussi des auréoles, mais juste sous les bras.    Ce que fait le 
        plastichien à deux heures du matin ne regarde que lui, malheureusement.
 
        
          | Contrat  Normalement le plastichien 
              avait une semaine pour changer d'avis mais il ne le fit pas et n'en 
              eut jamais l'intention car, même si sa situation était inconfortable 
              (disette* matérielle, sociale et affective), il avait TOUT son temps.Ce qui pour lui signifiait TOUTE la liberté possible.
 Il ne demandait rien de plus, si, qu'on lui foute la paix sociale.
 |  |  * disette : Toujours relative, 
        le manque n'est pas l'absence, les vrais miséreux vous le diront.      |  |