IRIS
Le 14 mai à Paissaque

Aujourd'hui, la femme-fleur.

 

Bertrand se sentait le coeur plein d'amour, il en débordait comme un vase trop plein et il décida donc de se faire une fleur, sinon plusieurs ; telle était sa résolution.
Et pour cela, rien de mieux que l'étalage multicolore et entêtant d'une fleuriste :
Chrysanthème, Dalhia, Myosotis, Narcisse, Eschscholtzia ... ou Iris ?

Elles sont toutes jolies, en boutons ou en bouquets.
Il prit la douce et simple Capucine.
Le garçon lui jeta rapidement son dévolu avant de la mettre ... à sa boutonnière ainsi il se sentait moins misérable de lapin.
Il était même plutôt fier.
Il ne se rendait pas compte qu'il venait de mécontenter, que dis-je, d'offenser gravement Iris en lui préférant cette mièvre géraniacée.
Quel bulbe et comme il est difficile de toutes les contenter.
Sans les cueillir ni les effeuiller, ou encore pire, les froisser ?

La botanique rivalité fût encore exacerbée par l'apparition de Rose Crémière, une belle plante régionale qui ne manquait pas de piquants.
Ni d'essences rares (si la décence le permet).

Elles étaient maintenant trois à se disputer les faveurs du garçon, c'était flatteur mais leur interminable polémique pour savoir laquelle était la plus belle rendait son séjour paissaquois fatiguant.

 

Entre fleurs les querelles de préséance sont perpétuelles.
Et inévitables, même les bucoliques et humbles pissenlits s'en mèlent.

 

Les fleurs n'étaient d'accord que sur une chose : elles exigeaient de Bertrand qu'il fasse un choix, ce que justement il voulait à tout prix éviter car sa polygamie parfumée lui convenait très bien.
Tout comme son rôle de pollinisateur ambulant.

 


Et pourquoi pas un harem protestent les protestataires.
Lapin.Blanc.Rapide n'était pas du tout contre ayant toujours rêvé d'une existence lascive, somnolente et paresseuse de prince oriental.

 

Rose.

Mais ça n'allait pas être possible car les disputes continuaient et gagnaient en intensité, la nouvelle venue se révélant une sacrée peste qui agressait en permanence la pauvre Capucine Dujardin qui ne savait comment s'en défendre.
Elle pensa même acheter du désherbant, ou demander l'aide et la protection d'un gang de pucerons proxénètes.
Afin d'apaiser les tensions entre ces trois grâces parfumées, Bertrand dut se résoudre à organiser un concours de beauté à l'issue duquel il désignerait enfin l'élue de son coeur, et de son nez.
Il entendait ainsi gagner un peu de temps et peut-être désamorcer le conflit.
En appliquant la vieille et inusable rêgle : diviser pour mieux rêgner.
Ce fut très normamement le contraire qui se produisit.
Capucine refusa d'abord tout net, il fallut l'amadouer :
Mais ça n'allait pas être possible car les disputes continuaient et gagnaient en intensité, la Rose nouvelle venue se révélant une vraie peste agressant en permanence la pauvre Capucine Dujardin qui ne savait comment s'en défendre.

 

Capicine.

Afin d'apaiser les tensions entre ces trois grâces botaniques, Bertrand se résolut à organiser un concours de beauté à l'issue duquel il désignerait l'élue de son coeur, et de son nez.
Il entendait ainsi gagner un peu de temps et peut-être désamorcer le conflit.
Ce fut tout le contraire qui se produisit.
Capucine refusa tout net, il fallut d'abord l'amadouer :
" Mignonne, allons voir si la Rose est d'accord, lui proposa le garçon, tu ne crains quand même pas sa concurrence ? "
C'était habile, diablement.
Capucine haussa des étamines avec mépris.
Iris penchait de son côté et Rose était sûre de l'emporter.

Bertrand se fait envoyer sur les roses à chaque fois, c'est le langage des fleurs.

Ils pouvaient donc commencer la compétition fleurie.
A cette annonce, des spectatrices sont immédiatement accourues, on les organise en massifs pour que tout le monde puisse voir.
Dans un premier temps l'indécis chronique demanda aux concurrentes de passer et de repasser devant lui dans leur plus simple appareil*, ce qu'elles firent sans protester.

* appareil : De projections simultanées.

Bertrand faisait semblant de prendre sérieusement des notes (en fait il remplissait des mots fléchés) mais son petit jeu ne pouvait pas durer.
Le trio floral, fatigué des allées et venues et des interminables poses, lui demanda sa décision, laquelle avait-il enfin choisie ?

C'était le moment critique et il ne fallait pas se louper sous peine de les perdre toutes les trois dans la nature.
Bertrand s'éclaircit longuement la voix avant d'annoncer solennellement :
" Aucune n'est plus ou moins bien que les autres, vous êtes seulement différentes, également belles et charmantes ... (soupirs impatientés) ... hum, hum, ainsi je vous déclare en mon âme et conscience ex aequo.
Vous avez gagnées toutes les trois le premier prix*, félicitations ! "

* prix : Et le premier prix c'est lui, évidemment !


Sa misérable ruse n'eut pas l'effet escompté et ce fut un véritable concert de protestations qui acceuillit la con-testable décision :
" Ce concours est débile, et truqué, clame la grande Rose, je suis bien mieux que ces deux pouffes de serre chaude ! "
De rage elle jette ses pétales à terre et part en claquant la porte, criant jusque dans les escaliers qu'à Paris ça ne se passerait pas comme ça.
Car on y respecte les artistes ...
Une en moins.

C'était au tour de la rondelette Capucine d'exprimer sa juste colère florale :
" Coment ça, ex arquo ? Ah vraiment c'est le bouquet ! Moi j'ai quand même ça, et puis ça aussi, en double exemplaire ! Et ma corolle, elle est pas magnifique ... la plus belle du sud-ouest ! "

 

Elle se met à pleurer :
" Ce tiers-état mine ma délicate structure psychologique, pistil être maudit celui qui fait de pareilles choses ... sans même vous mettre au parfum ! "

Bertrand tente de la butiner :
" Laissez-moi, c'est une vraie honte* cette histoire ... jamais plus je ne ferais confiance à un lapin ! " et elle sort à son tour dans un nuage de pollen orangé.
Et de deux.

* honte: Elle n'a pas tort.

Ne reste plus que la tendre et silencieuse Iris, une svelte hollandaise que Bertrand essaye à tout prix de retenir en lui expliquant que tout se déroule exactement comme prévu, pile-poil, et que sa préférée c'est elle, évidemment.
Et ce depuis le début (dans la vie amoureuse il faut savoir être diplomate).
La longue et souple tige se laissa peu à peu fléchir, le garçon chercha vite un vase ... et en vrai faux-bourdon, tente de la lutiner.
" Vas-y, ose Iris ! " ainsi encourage t'il son amoureuse mais la guèpe batave n'est pas folle et échappe à une fécondation aussi artificielle.
L'insecte à lunettes se pose puis se repose en se frottant les ailes, et les pattes.
Puis il s'envole pour une nouvelle tentative d'accouplement aérien.
Pourquoi ?
Parce que sa vie sera très courte et qu'il lui faut se reproduire avant la nuit.
Pourquoi ?
Parce qu'il est venu pour ça.
Pourquoi ?
Parce que ... il n'en sait rien, ce doit être dans le programme ... ah, il vient de repérer une nouvelle source phérormonique ... Monique ?
Non, c'est toujours Iris.
Bzzzz - bzzzz - bzzzz
Bertrand pousse un soupir de soulagement :
on avait vraiment frôlé le n'importe quoi !
Il avait du pollen plein le nez.

Les filles naissent dans les fleurs et en voici la preuve ...
prise au ralenti (mais avec son consentement chimique).

Les garçons eux naissent dans les choux,
c'est aussi douillet mais ça sent moins bon.

Butiner c'est bien mais papillonner c'est encore mieux, et surtout plus efficace, génétiquement parlant.
Alors le garçon papillonne de fleur en fleur, de réceptacle en calice*, de vase en vase*.

* calice : Au pays des merveilles ?

Heureusement il a plus de 24 heures devant lui (enfin il suppose).
Mais il ne faut pas perdre de temps ... une autre piste effluviale, et donc naviguable, vient titiller ses récepteurs gonflés ...

Bertrand la remonte tout au pif, les mollécules se concentrent, lui aussi.

 

" Minute, papillon ! "

 

Réflexions croisées

W.S.R :
" Je vous parle comme un ami.
Un ami qui a de l'expérience, vu mon âge. "

Iris :
" Merci ... "

 

Il le faut car des centaines de papillons tournent tout autour, pour beaucoup ce sera leur unique chance de ne pas totalement disparaître, alors ils s'y accrochent en battant de leurs ailes multicolores et translucides.
Autour de quoi s'agitent-ils si frénétiquement ?
Autour d'un orifice, d'un contenant, d'un vase*, d'un réceptacle, en tous les cas un endroit où il faut mettre ou déposer quelque chose, tout est dans la manière.

 

* vase : La ressemblance entre les organes géntaux femelles des fleurs et celui de la femme est ici évidente :
Séduire, attirer, recevoir, protéger et faire fructifier, ce pourrait être la publicité d'une banque.
Ainsi la fonction crèe l'organe, nous n'en doutions pas.
La comparaison avec un simple trou est donc grossière autant que fausse, car même avec des poils autour, c'est toujours dans le fond que ça se passe de commentaires.
Nous n'en ferons pas car il faut être discret, c'est toujours apprécié, même par les tulipes.

 

Iris.

Iris dort paisiblement, son souffle léger soulève régulièrement ses pétales étalées, un mouvement brusque dévoile sa corolle.
Elle sent divinement bon, Bertrand a envie de la lutiner.
Il le lui dit, avec des fleurs, encore et encore parce que c'est leur langage.

Aperçus

A Paissaque*, on fête la rosière arrosée
Je me trompe d'Eustache
Et je tombe dans la rivière

* Paissaque : Elle mérite son label " citée fleurie " , sans réserve.

 

 

 

 
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