MORGANE
Le 16 mai à Dègles

Les entrailles, ou boyaux, de Bertrand lui jouaient une symphonie abdominale, son ventre était vide et le lui disait, lui criait presque (famine ?).
Il serait peut-être temps dans cette histoire d'aller manger un bon cassoulet ... avec de grosses saucisses !
Mais déjeuner tout seul ce n'est pas rigolo, et ça n'ouvre pas vraiment l'appétit.
La séparation* d'avec Lise avait secoué le garçon dans toute sa structure, il repensait au C.L.I.T.E et à son incroyable dévoilement ...
Et au dévoiement de l'agente, tout aussi surprenant.

* séparation : A l'amiable, après constat.

Bertrand eut un vrai coup de cafard et de grosses larmes tombaient sur ses haricots refroidis en faisant " Floc, floc, floc " dans la graisse d'oie.
" Ce n'est pas un accès de molle du lac, ce n'en sont pas les habituels symptômes ... j'ai du choper le blues de Dègles, nous voila pas frais ! "
On l'avait prévenu mais il n'imaginait pas que ce serait si fort. Il décida d'aller faire un tour à pied dans la campagne alentour mais Dégles ce n'est plus la campagne depuis longtemps et Lapin.Blanc Rapide se traînait dans l'interminable, abominable mais inévitable zône industrielle.

S.O.S ! Lapin en perdition ... je répète : lapin en perdition ! Manifestement, tout le monde s'en fout.

Entre TARTY, NIKEA, les cars OUFFE, les magasins PUT, les hypers METROPE et les stations-services automatiques, il tournait en rond de plus en plus lentement, suant sous sa fourrure épaise, les bronches irritées, en éternuant sans cesse.
" Ils doivent être jumellés avec Sapu-Sitti ! "
Le pauvre lapin agonisait lentement sous un lampadaire, et si c'était la mixomatose ?
" S.O.S ! Lapin en perdition ... je répète : lapin en perdition ! "
Il crie dans le désert périurbain, manifestement tout le monde s'en fout.

" Une lapine, par amour ou par pitié ! "
Ce seraient ses dernières paroles dans ce monde cruel où le bitume vous colle au poil.
Comme souvent, c'est lorsque tout est au plus mal que cela se met à aller étrangement bien.
En clair, faites un voeu et vous aurez une chance d'être exaucé !
Une voix caressante tira Bertrand de son néant programmé :
" Oh, le pauvre petit lapin blanc, comme il a l'air pas bien ! "

 

Le sauvetage

" Ca mu, ça mu ! " murmure encore faiblement notre rongeur.
Une douce main lui a attrapé ses deux esgourdes velues qu'elle lisse lentement dans le sens du poil :
" Quelles jolies oreilles ! "
Bertrand entrouvrit un oeil rose et gonflé, incroyable, il voit une lapine* ... une vraie en chair fraîche et en os (grands et solides car la demoiselle était ce qu'on appelle une belle plante).

* lapine : C'était encore plus vrai avant que Morgane* ne porte l'appareil dentaire qui rapprocherait stupidement ses deux brillantes incisives.

* Morgane : C'est le prénom de la géante, autant le dire tout de suite.

La grande fille mit le lagomorphe affaibli sur son ventre chaud et le ramena dans son moblile-home dèglais.

Chez Morgane, Bertrand se remet rapidement, il est si chouchouté.

 

Réflexions croisées

Morgane :
" Pourquoi veux-tu la voir ? "

W.S.R :
" Alors, j'ignorais ce qu'était l'amour ... le vrai. "

Deux heures plus tard, Bertrand allait beaucoup mieux.
Réfugié bien au chaud entre les deux seins doux de Morgane, il reprenait goût à la vie ce qui, chez lui, se manifeste toujours de la même (et si prévisible) façon.
" Vous êtes en chaleur, dirait-on ? " remarqua son hôtesse.
" C'est chronique ! " répondit Bertrand, suspendu à un mamelon grumeleux, couleur lie-de-vin le garçon s'endormit profondément ...


... et revoilà Bertrand tout équipé en intrépide sexplorateur, il se trouvait maintenant au bord d'une longue faille béante qu'entourait un petit muret de pierres roses et moussues :
" Me voilà au bord du gouffre, courage Sperme* ! " et il lança son échelle de corde.

* Sperme : C'était son prénom de sexplorateur , son nom cétait Atozoïde, il avait donc de qui tenir.
Par la queue.


L'avantage de la sexploration par rapport à la spéléologie classique, c'est qu'ici, il fait toujours chaud alors que dans les autres grottes, anticalcaire ou pas, on grelotte.
Par contre, il y fait tout aussi sombre et Sperme alluma sa lampe frontale* fixée sur son casque.

* frontale : C'est aventure est vraiment bien documentée !
Vous remarquerez aussi que notre aventurier est correctement équipé, et couvert ; c'est une sage prudence que les générations nouvelles de sexplorateurs devraient imiter.

Sperme descend de plus en plus.
La lueur éclaira des parois quasi-verticales, fissurées par endroits, très humides et sûrement glissantes, il discerna dans le halo jaunâtres quelques gravures maladroites mais ô combien émouvantes :
" A Toto pour la vie !
Je t'aime - moi non plus que toi !
Vas-y Sperme, fonce ! (un message perso, c'est sympa)
Toujours avec moi, jamais sans toi !
Pour Béber, de, de ... c'est effacé.
Les concrétions finissent par recouvrir les sentiments ... ah, une petite niche abritée, on peut encore lire :
" Merci de m'avoir bien (lacune) avec ton gros (lacune), j'en suis encore toute (lacune) !
Mille bisous au lapin (Tiens, tiens !) de Margueritte (?) !
J'ai le coeur grenadine qui augmente à l'eau, allo !
Voici des roses blanches ... "

" Manifestement, je ne suis pas le premier visiteur ! ", ça lui était bien égal car il n'était plus jaloux.
Dans le fond de la cavité, il y avait un tunnel étroit dans lequel il hésitait à s'engager plus avant, il se rappelait les conseils de son vieux maître, Asthmatic-Man :
" Le plus dangereux, et le plus traître, ce sont les brusques coulées de ragnagnas*qui arrivent sans crier gare et emportent tout sur leur passage ! "

* ragnagnas : Mais il ne faut surtout pas en parler, et la liste des victmes de s'allonger.

Cependant l'appel de l'inconnu était plus fort que tout, Atozoïde se mit à quatre pattes et rampa lentement dans le boyau suintant, au fur et à mesure de sa difficile progression, l'odeur devenait de plus en plus forte, il était temps de mettre son masque.
" Attention, si je continue, je m'égare (de Lyon ?) "
La température augmentait et il transpirait à grosses gouttes sous son équipement plastifié.
Il arriva à une bifurcation, alors à droite ou à gauche ?

 

Bertrand déteste faire des choix, qu'importe, Atozoïde est là pour ça.

Le sexplorateur choisit la gauche comme toujours (par tradition familiale sans doute), suant et étouffant, il continuait son interminable reptation quand il vit devant lui une petite tache blanche au mileu du passage, c'était un mouchoir presque propre.
Quant il lut ses initiales " B.B " brodé* sur la tissu, il sut qu'il était complètement perdu ...

* brodé : C'est sa maman qui le faisait pour qu'il ne perde pas ses affaires.

" Alors ça pour une trouvaille ! ... "

Bertrand se réveilla à cet instant critique, curieusement heureux ; mais, plongé dans sa rêverie, il s'était un peu abandonné.
La honte !
" Tu es vraiment rapide, lapin blanc ! " commenta sobrement la demoiselle en s'essuyant discrètement.
Le garçon était confus de ce petit incident.

On sonna opportunément à la porte, c'était une copine de Morgane qui passait boire le thé :
" Ah bonsoir Machine, comment vas-tu ? " Bises
" Super bien et toi ma peite fée ? " Bises
" C'est qui, c'est qui ? " s'enquit de suite l'arrivante en désignant Bertrand, sa petite taille l'obligeant à sautiller pour satisfaire sa curiosité.
" Un pauvre lapin blanc qui manquait d'affection ! " répondit Morgane de lui.
" J'adore les lapins abandonnés ! " déclara de suite Machine en le couvant du regard.
On but le thé sur le vieux canapé, Bertrand était au milieu, la géante Morgane à gauche et la lilliputienne Machine à droite.


Et entre l'infiniment grand et l'infiniment petit, il y avait lui, gentiment assis.
Devant le cake tiède aux fruits confits chimiquement purs (et qui n'avaient pas glissé au fond).
En pleine régression.

Aperçus

A Dègles tout le monde
Est à l'envers, les coeurs croisés
Ex fans des Radis

 

 

 

 
Pour revenir à la page d'accueil