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DACHOISE
Le 24 avril à Dache
Dache est
une ville nouvelle où il n'y a que des bureaux ...
C'est donc surtout joli de nuit, by night.
Mais pour y trouver
une des croissants, ce n'est pas de la tarte au sucre.
Surtout le lundi de Pâques ; Bertrand faisait donc la queue devant la
seule boulangerie qu'il avait pu dégoter après une heure d'errance automobile.
Et elle était fort longue.
" Mais pourquoi aussi être allé à Dache ? " s'interrogeait le garçon impatienté.
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A ce moment sortirent
de la boutique à l'ancienne une fillette accompagnée de sa charmante
maman.
En passant devant Lapin;Blanc.Rapide à l'arrêt, l'enfant lui donna
avec un grand sourire un petit lapin en chocolat blanc qui promettait
de fondre rapidement.
" Elle m'a posé un
lapin ... dans la main ! "
D'habitude il n'appréciait pas, là Bertrand est tout content. Il
prit un regard doux et humide, spécial dédicace pour la jolie maman.
De quoi le réconcilier
avec les poules.
Surtout celles élévées en plein air.
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Bertrand alla
déguster la friandise sur un banc, dés la première bouchée il se sentit
bizarre.
Mais le lapin était petit et il engloutit le reste rapidement.
Puis il se mit à grandir, grandir, grandir à n'en plus finir jusqu'à
devenir un lapin blanc géant dont les immenses oreilles transperçaient
les nuages*.
Il n'osait plus bouger
de peur d'écraser les fourmis qui allaient et venaient dans les rues minuscules.
" Vu d'en haut, Dache c'est vraiment tout petit ! " se disait Bertrand.
Le garçon avait maintenant très envie de jouer avec les petits éléments
épars, comme avec un Lego hyperréaliste.
Il remua un peu la patte, d'affreux craquements se firent entendre, il
décida de ne plus bouger.
Et de simplement regarder.
Il adorait construire des modèles-réduits quand il était enfant (avant
de ne plus s'intéresser qu'aux maquettes grandeur nature) et là, tout
était à sa disposition.
A la bonne échelle.
Les enfants
regardent stupéfaits le lapin blanc géant qui ne cesse de grandir encore.
"
Dommage que la chasse soit fermée ... " dit un ancien.
" J'espère qu'ils ne vont pas se reproduire ! " s'inquiète son collègue
de banc.
* nuages :
L'irruption de ces deux grandes oreilles dans le ciel provoqua un certain
désordre dans le transport aérien, et d'étranges messages traversaient
l'éther :
" Tango Zoulou à tour de contrôle, j'ai deux grandes oreilles de lapin
pile sur ma trajectoire, que dois-je faire ? "
" Tour de contrôle à Tango Zoulou, vous devriez surtout ne plus boire
pendant le service, ou ne pas fumer des herbes de Provence à l'escale,
passez donc au milieu mais surtout, ne nous cassez plus les oreilles !
Terminé. "
" Crumble
! " c'est l'alerte, le lieutenant Tanguyéla-Verdure saute sur son
képi abandonnant ses petites cousines à leurs jeux érotiques de bonne
société.
Lui doit impérativement s'envoyer en l'air, tout seul et de suite
; il court vers son appareil, dentaire d'abord, à réaction ensuite.
Le chevalier du ciel est déjà là, juste derrière le mur du son. Un
seul chevalier, à cause des restrictions budgétaires mais on dit toujours
- Les - pour tromper l'ennemi et l'enduire en erreur tactique. |
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L'incroyable
face à face aérien.
Quelques
centièmes de seconde plus tard, le lieutenant était sur place, il
ne vit que quelques longs poils blancs flotter dans le ciel serein.
Mais pas de lapin !
Il fit un scrupuleux rapport, sans faire malheureusement le rapport.
C'était surtout un homme d'action.
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Les effets du
petit lapin en chocolat ne tardèrent cependant pas à se dissiper et Bertrand
se retrouva à la même place qu'auparavant, assis sur son banc d'essai.
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A ses côtés se trouvait un très vieux monsieur, sec comme une écorce
mais encore vif d'esprit.
Notre héros était encore tout trempé par l'humidité des cucumulus
et des brouillards traversés dans son ascension, il décrivit au
vieillard le prodige qui venait de lui arriver.
Celui-ci n'en parut pas étonné, au contraire, l'évènement lui rappela
un fort ancien souvenir toujours bien présent à sa mémoire débordante.
" Jeune homme, tout ça ne m'étonne pas du tout, j'ai moi-même été
témoin en 1907 d'un phénomène aussi étrange : je jouais au cerceau
avec d'autres petits camarades (tous disparus maintenant) quand
un gros lapin rose passa dans le ciel serein en battant lentement
des oreilles.
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Un pionnier de
l'aviation, Louis Blérot, le
futur " as des as " tenta de le suivre pendant quelques centaines de mètres
avant de se reposer.
Et le lapin poursuivit
imperturbable sa route au rythme lent et saccadé de ses longues
ailes avant de disparaître dans un nuage de lait ... "
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Le vieux narrateur, fait une
pause, fixe le sol, visiblement il cherche ses mots par terre.
" On a beaucoup parlé de zeppelin à l'époque, d'un modèle nouveau et totalement
révolutionnaire, une sorte de prototype à la Jules Verne ... secret-défense,
mystère total, il ne s'est rien passé dans le ciel.
Mais je sais bien ce que j'ai vu, juste un lapin, et rien d'autre ! "
" C'est incroyable ce que vous me dîtes là, et il n'est rien resté de
cette fantastique histoire ? " questionne Bertrand stupéfait.
" Si, les quelques énormes crottes que vous voyez au milieu de la pelouse
... " répond l'ancêtre avant de s'éloigner à petits pas.
" Je croyais que c'était une sculpture de la société Armand, ou un monument
spécifiquement dachois. " analyse notre enquêteur en contemplant le tas
de boules sêches non puantes et encore légèrement rosées, malgré un siècle
d'intempéries. Comme quoi il ne faut pas hésiter à (se) poser des questions
!
Derrière l'accumulation fossile, le nouveau Dache prenait son envol.
Puis tout devint flou
... il avait une grosse poussière dans l'oeil.
" Coucou ! "
En face de lui se tenait
droite comme un i la petite fille de la boulangerie.
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Elle
aussi semblait avoir poussé depuis tout à l'heure.
Elle lui
tendit un autre lapin en chocolat blanc.
Bertrand fit simplement non de la tête :
" C'est tout pour aujourd'hui ! "
La petite dachoise lui montra le ciel l'air de demander :
" C'était bien là haut ? "
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La redoutable dachoise
dans son monde encore vert.
Puis elle se sauve en
courant, avant de revenir presque aussitôt, accompagné d'une bande
d'autres gamins du quartier des favorisés.
Bande dont elle est le chef assurément.
Bertrand est toujours sur son banc, et sur son séant, il récupère,
la tête encore dans les nuages, la dachoise s'approche à nouveau
et lui tend un autre petit lapin, vert cette fois (probablement
à la pistache).
Et dire qu'il y en a à la carotte !
Lapin.Blanc.Rapide hésite un moment, prend le chocolat et le met
dans sa bouche : c'est bon.
Et c'est vert, autant que le vert paradis des amours enfantines
... ah, comme elle était verte ma vallée sous le soleil vert qui
dardaient ses rayons verts vers nous (en Vivarais).
Et c'est tout ... un flash dirait-on.
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Déjà l'infatigable
dachoise est repartie avec son groupe surmotivé et dispersif.
Un quart d'heure après, elle est de retour, seule et tenant dans ses bras
un adorable petit lapin brun, bien vivant qu'elle vient déposer sur les
genoux du garçon.
Trois claquements de mains, la fillette a disparu, pour de bon.
Bertrand est bien encombré, il panique, le voila responsable ... de l'existence
d'un autre être, vivant !
Pendant ce temps
la dachoise continue de grandir à vue d'oeil ... elle a du aussi manger
un petit lapin magique. Cependant ils ne vont pas passer l'après-midi
ici ... le garçon prend le lapereau dans ses bras et rentre à son hôtel.
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En chemin toutes les
femmes qu'ils croisent s'exstasient :
" Oh qu'il est joli ce petit lapin ! "
Ca ne rate jamais et
Bertrand pourrait en être jaloux
car d'habitude c'est lui qu'on papouille.
Il caresse l'animal qui
est indiscutablement mignon, et ne craint pas son contact.
Cependant ils ne vont pas passer l'après-midi ici ... le garçon
prend le lapereau dans ses bras et rentre à son hôtel.
" On devrait
faire équipe tou les deux ! " souffle t'il dans l'oreille soyeuse
et mouvante.
En attendant il lui faut faire la nounou, pendant ce temps le petit
rongeur explore la chambre en rongeant tout ce qu'il trouve, Bertrand
va lui chercher les plantes vertes du couloir.
L'animal n'en veut pas, ce lapin est difficile, le garçon le baptise
donc Difficult.
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Maintenant il a un copain,
ça le change.
Et il a aussi un bon plan pour égayer sa solitude et sa soirée :
" Ce lapin crèe l'évènement, il provoque une sorte de " buzz " maternel,
profitons-en ! "
Lapin.Blanc.Rapide
campe devant sa fenêtre attendant l'arrivée* de clientes disons
... faisables.
* clientes
: A dache en cette saison, il risque d'attendre longtemps ; mais
cet obsédé est chanceux, nous l'avons déjà remarqué.
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Bertrand guette
sans bouger, comme à la pêche, il faut être patient ...
Rien que des hommes affairés et fatigués, ses semblables représentants
; il ne recherchera pas leur compagnie.
" Où sont les femmes ? " se demande t'il inquiet.
Ah, en voici justement
une, modèle assez récent, bon état extérieur, carrosserie impeccable malgré
un important kilométrage.
Certaines parties étaient refaites, c'est évident, mais avec soin (un
bel exemple de ce que devrait être une restauration réussie).
Notre gagaragiste aimerait bien soulever son capot, histoire de voir le
moteur ...
Pour se faire, il n'y avait pas une seconde à perdre !
Bertrand se dépêche d'aller déposer Difficult dans l'escalier, puis il
attend caché derrière sa porte, le coeur battant.
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Difficult fait le
beau, facile pour un animal plutôt pas mal dans le sens du poil.
" Ah qu'il est mignon
le petit lapin ! " s'exclame une voix douce et suave, dont la suavité
parvient jusqu'aux narines dilatées et frémissantes de l'embusqué.
" C'est presque trop
facile ! " se dit Bertrand en ricanant dans l'ombre jaune.
" Dans dix secondes, j'entre en scène ! " il compte sur ses doigts,
prêt à bandir (pardon, bondir).
Il a trop attendu, une porte se referme et la minuterie s'éteint.
" Mon petit lapin ! " s'écrie le garçon affolé en dévalant les marches.
Hélas, trois fois hélas, hélas, hélas, hélas, Difficult a disparu
... sans doute enlevé par la femme douce et suave (les pires !)
de tout à l'heure.
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Le lapin
fait le mort mais pas la tête en bas
comme sur les marchés.
" Impossible
de savoir dans quelle chambre le lapereau se trouve, ni ce qu'il
y fabrique ? "
Bertrand trouve l'histoire un peu saumâtre, son tout nouvel (et
unique) ami l'avait abandonné pour la première pétasse qui passait
à l'horizon !
C'est pour ça qu'il n'avait pas d'amis, eux seuls pouvant vraiment
vous trahir.
Il préféra ne pas imaginer ce que faisait Difficult avec sa cliente,
des histoires de fourrures sans doute, car il avait trop d'imagination.
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" Je ne vais quand
même pas être jaloux d'un rongeur ! "
Et pourtant si, Bertrand aurait du s'en méfier depuis le début :
" Il ne faut jamais donner sa confiance à un lapin ... surtout un petit
! "
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Sa chambre
était dans un triste état, les coupantes incisives de Difficult
s'y étaient données à coeur joie et il y avait des crottes partout.
" De Garenne* en plus ! "
* Garenne
: Notez bien que Bertrand n'a rien contre cette ville vu qu'il n'y
est jamais allé.
Comment
savait-il que Difficult était d'origine garennoise ?
Notre
rongeur fait le zouave, il dévaste tout.
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Il était
grand temps de se reposer un peu, le garçon nettoya un petit coin
avant de s'enrouler dans un épais couvre-lit.
De la chambre en dessous lui parvenait de curieux échos, en fait
on entendait tout (et on ne perdait rien) :
" Un, deux, trois, hop ! Un, deux, trois, hop ! ... "
" Comme il est chaud ce lapin ! " répétait la même voix douce et
suave.
" Un, deux, trois, hop* ! "
Difficult
veut faire l'amour, copuler comme on dit pour les bêtes ; mais il
est si jeune.
* hop
: Ce " hop " répétitif indiquait seulement que Difficult essayait
de monter sur le lit, avec Difficulty ?
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" Bonne nuit Bertrand,
fais de beaux rêves ... "
" Un, deux, trois, hop ! " Vlamm ! (encore raté, prends de l'élan Difficult
!).
" Et ce pauvre lapounet qui n'arrivait pas à grimper, le voila tout essouflé
... viens, je vais te trouver une pelouse acceuillante ! "
Plus suave
et tu meurs de suavité.
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Aperçus
:
Allez
à Dache
Vous n'en reviendrez pas
De si taudis
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