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GLADYS
Le 13 avril à
Foigrat
" Black is
bioutifoule ! " dixit the beauty-fool.
Tout les matins
il achetait son petit pain au chocolat, zai, zai, zai, zai !
C'était son petit rituel.
Et son innocent plaisir de parier sur l'âge, la plastique ou la couleur
des yeux de la boulangère.
Mais ce jour là à Foigrat, il avait tout faux.
Car la main qui lui tendait sa viennoiserie préférée était noire.
Le contraste avec la blancheur immaculée de la blouse était net et sans
bavures ; Gladys n'était pas totalement d'ici, enfin pas depuis toujours
comme ses clients foigratins.
Si Bertrand connaissait déjà son prénom c'est qu'il lisait toujours ce
qui était affiché à l'entrée des magasins, vieux et utile réflexe de commercial.
Le jeune homme était peu sensible à ce qu'on appelle l'exotisme, notion
qu'il ne comprend pas car pour lui, tout est exotique, tout le temps.
Quand ce n'est pas érotique.
Il revint plusieurs fois pendant la journée acheter des pâtisseries, caressant
du regard les brioches rondes aux gros tétons ou les grosses miches encore
tièdes.
Dont il faisait compliment.
Heureusement
le temps des " têtes de nègres " post-coloniales était révolu, il
en aurait été affreusement gêné.
Lapin.Blanc.Rapide se gava de gâteaux jusqu'à en être écoeuré, profitant
d'un moment où la boutique était déserte pour poser quelques impudentes
questions sur le gâteau de Foigrat à qui sa forme si particulière
a valu le doux nom de " vulva ".
Et sur l'indispensable quenelle qui va avec (ou dedans, ça dépend
des traditions culinaires).
Sans oublier l'épaisse sauce blanche le nappant d'abondance ...
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Réflexions croisées
:
W.S.R :
" Il est où le problème ? "
Gladys :
" Que je lui dise deux mots ! "
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" C'est un peu
bourratif, je vous l'accorde, et même le con cède à la rigueur, mais ça
se mange sans pain ... et sans fin ! " élucubrait le garçon anormalement
bavard.
" Ce n'est pas assez épicé à mon goût ... répondit la sombre pâtissière,
vous voyez je trouve ça un peu lourd ! "
" Elle n'est pas encore con vaincue ! " se dit Bertrand, gastronome en
culottes longues et chaussettes trouées.
Mais personne ne le sait.
Sauf vous.
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De digressions en digressions,
c'était (enfin) l'heure de la fermeture.
On tape à la vitre, Ric
et Yul, les deux frères de Gladys sont venus la chercher pour l'emmener
danser au Bonangua, une boite pas à la mode de chez nous.
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Le temps de baisser
les rideaux métalliques et les voila partis.
Gladys était ravie et ses yeux brillaient, Bertrand beaucoup moins car
danser n'était pas pour lui une activité naturelle, du tout.
Pour sortir,
Lapin.Blanc.Rapide se recouvre de cuir noir, il a le chapeau qui va
avec. |
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La chaleureuse façade
: au Bonangua, quoiqu'en disent les zoulous blancs, on a pas le
droit de s'asseoir.
A l'intérieur surchauffé
de l'établissement, les visages pâles étaient assez nombreux, la
musique bien bonne et la jeune fille allait pouvoir s'en donner
à corps joie.
Elle ne s'en priva pas.
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Bertrand faisait de méritoires
efforts mais n'arrivait toujours qu'à être désespérément robotique.
Les mains moites et le sourcil froncé, il alternait savamment petits
mouvements des mollets et des avant-bras. Fastidieux et Répétitif,
ses compères chorégraphes admiraient sans réserves.
" Il est où le plaisir ? " se demandait le garçon essouflé avant
de gagner le bar pour y siroter quelques petits verres (presque
des dés à coudre) de rhum du Père Lafaisse - 69°de latitude et 100%
de longitude - du sérieux.
Couple super mixte.
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Bertrand avait
un brasier dans la gorge, cependant à travers les flammes, il percevait
la douceur le la canne à sucre sur son palais d'hiver.
Sous l'influence du produit il devenait petit à petit un autre et une
certaine souplesse finit par envahir jusqu'à son récalcitrant bassin.
Le popotin de Gladys, quand à lui, virevoltait aus quatre coins de la
salle sans efforts.
" Et sans contrôle apparemment,
c'était beau ... moi aussi, je voudrais être noir ! exigeait Bertrand
:
" Noir comme le café,
le Pinot, la mer, la marée aussi (malheureusement), la forêt, l'aigle
à Barbara, les chaussettes à Eddy, la nuit, les veuves à huit pattes,
les gueules, la musique saoûle, les hussards (mais seulement ceux
de la République !), la discrète panthère et la terrible peste,
l'humour, l'humeur, la colère, les pieds, le lieu (quand il n'est
pas commun), les papillons, le dahlia, les trous, la truffe du Périgord,
les lunettes, les chemises italiennes, l'Afrique bien sûr, les cygnes
australiens, l'or, le carré (mais sans le fond), certains yeux,
des cheveux, un prestigieux cadre angevin, la misère, la Montagne,
le chocolat, le printemps d'Henry, le soleil de Gérard, la barbe
du pirate ou la peau de Gladys ... "
Ce qui fait beaucoup
de choses.
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Mais lui resterait blanc comme
un cachet d'aspirine, très légèrement rosé à ses moments d'émotion forte
comme la moutarde.
Il pouvait même espérer devenir encore plus blanc en se lavant avec Bonux*
(et son rituel petit cadeau).
The Gospel
Dugland
* Bonux : Grande soeur de
Malux, elle vous essore après usage, en prime.
Malux ne donne pas jamais de petit cadeau car elle est radine.
Mais peut-on être plus blanc
que blanc ?
Oui, avec du White-Spirit (ou une cagoule pointue).
Ou en se faisant régulièrement rouler dans la farine.
Il retourna consulter le Père Defaisse et ses soixante-neuvièmes rugissants,
Gladys ajouta une pincée d'une poudre marron très amère dans son verre.
" Allez vas-y, cul-sec* ! " Ouahhh !
Bertrand repartit illico faire une nouvelle tentative mouvementée.
* cul-sec : Et cul-mouillé
jamais ?
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Le grand Jacques, le
patron regardait en riant de toutes ses dents chevalines les efforts
du danseur de coin* en commentant cette non-action :
" Au début je pensais qu'il était malade, ou qu'il avait des problèmes
psychomoteurs, après on s'habitue ... ah, ah, ah ... je sais bien
qu'il faut que le corps exulte mais là c'est trop bizarre ! "
* coin : Bertrand
ne danse que dans les coins car il ne supporte pas qu'on le voit
de dos, ça commence bien !
Le garçon comptait tout
haut, prenant ses repères en faisant des marques sur le sol, il
s'en donnait du mal pour avoir l'air ...
De quoi au juste ?
En nage et les dents serrées, Lapin.Noir*.Rapide s'évertuait à imiter
ceux qui l'entouraient.
* noir : Vous avez
noté le changement ?
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Cela finissait par les
mettre mal à l'aise y voyant une caricature ou une moquerie alors
qu'il s'agissait d'une révérente et envieuse imitation.
On finissait par s'écarter du balai mécanique (ou du mécanique ballet).
Bertrand retournait alors à l'abreuvoir s'envoyer quelques godets
d'eau de feu ... ouahhh !
Parce que ça lui donne du courage ; et lui remet le coeur à l'ouvrage
corporel, et rythmé.
C'est parti pour un énième tour de piste aux étoiles fixes, parfois
stroboscopiques.
Ainsi de suite, toute
la nuit.
On le ressortit avec difficultés du tropical Bonangua.
Il avait changé d'avis sur l'exotisme, et sur pas mal de choses,
se sentant soudain tout triste il passa son bras blanc derrière
les sombres et soyeuses épaules.
" Oh Gladys, I am so glad, hips ! "
" Oui, oui mon petit lapin blanc ..."
" Pas petit, rapide ! " rectifia Bertrand dont l'haleine terrassait
les moustiques en plein vol.
" Il est noir ! " commenta sobrement Yul à droite.
" Complètement ! " compléta Ric à gauche.
C'était réussi.
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Après, et seulement après,
vint sa transe.
Transe que Bertrand a le bon goût de garder secrète.
Ou pour la bonne bouche.
Sa possession est peu spectaculaire, imperceptible même, pour en
saisir le frémissement, il faut le voir en contre-jour et sur un
fond bien lisse.
En fait il est en transe uniquement dans son esprit, son corps*
restant parfaitement stationnaire et immobile. Immobilité que trahit
juste un battement incontrôlé du soucil droit.
Et l'agitation stromboscopique de son cristallin.
* corps : A un questionnaire,
qui demandait aux personnes questionnées et donc soumises à la question
:
" Quelle perception avez vous de votre corps ? "
Il répondit (après avoir beaucoup réfléchi) :
" C'est ... un bon moyen de transport ! "
De transports amoureux voulait-il dire ?
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Pas de transports en commun
; même dans le taxi, la transe continuait.
Gladys était partie avec ses deux frères, la pauvrette ayant dansé toute
la nuit devait se lever tôt, c'est à dire dans pas longtemps.
Because
la boulangerie et ses petits pains au chocolat.
Zai, zai, zai, zai !
Bertrand est dans le petit jardin de son hôtel, Foigrat dort encore
comme un bébé.
Mais pas sa transe.
Le garçon ne sait plus que faire pour calmer l'invisible et extatique
tremblement.
Il s'allonge face contre terre, le nez dans la courte et tendre
pelouse (comme il les aime) recouverte de fine rosée.
Et s'incruste de toutes ses forces dans le sol.
Dans une étreinte désespérée.
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Douce transe
?
Je suis dans le noir où j'ai du mal à voir (revomi).
Noir c'est noir, il me reste l'espoir ... ou le cirage. |
Bertrand était
seulement (et salement) bien comme ça, pris dans la terre comme un vivant
fossile, il était parti pour des millénaires.
Rentrer à l'hôtel ?
Il en jaunit à l'idée.
Qu'allait-on s'imaginer, ou conclure, en le trouvant dans quelques siècles
?
Qu'il avait baisé la terre entière ou qu'il avait glissé sur une peau
flasque de scitaminée ?
La confusion était possible, et donc probable.
Cette idée lui déplaisait ...
Bertrand se remit donc péniblement à quatre pattes puis se redressa progressivement,
retrouvant ainsi sa dignité d'homme en court-circuitant quelques millénaires
d'évolution.
Enfin debout mais transformé en Lapin.Noir.Lent à cause de son intense
fatigue et de la terre qui recouvrait maintenant sa figure.
" Mieux vaut dormir debout que mourir couché ! " c'était sa devise du
matin.
Foigrat s'éveillait doucement, c'était l'heure du laitier.
Il aurait préféré l'heure
de la laitière* ; hélas ce n'était plus de son âge, l'halètement.
Quoique une bonne tétée
lui aurait fait du bien tant sa bouche était sêche.
* laitière
: Vermair ou Rambourcy,
quel pot choisir ?
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Le garçon éteint
sa radio nostalgie, de l'autre côté de la rue une boulangerie relevait
ses rideaux de fer avec un bruit caractéristique.
Il boucha ses grandes oreilles pour atténuer l'infernale vibration puis
se dirigea vers le petit commerce pour acheter un pain au chocolat tout
chaud, zai, zai, zai, zai !
Bertrand entra dans la boutique à reculons pour ne pas effrayer la boulangére
par sa faciale noirceur.
Aucun risque, c'était Gladys.
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Aperçus
A Foigrat,
tout est gras
Sauf le persil local
A grandes feuilles
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