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SONIA
L'après-midi du 14 avril à Dargelais-sur-Mer
Dargelais-sur-mer est plutôt
une ville moche qui porte cependant bien son nom car les incorrigibles
promoteurs ne pouvant plus construire sur la plage surencombrée, bâtissent
directement sur l'élément liquide.
Et du liquide il en faut beaucoup pour construire de pareilles merdes.
" A Dargelais-sur-mer normalement,
il y a la mer ... se disait Bertrand qui ne manquait pas totalement de
logique.
On la voit maintenant difficilement, la grande bleue.
Le garçon trouva quand même une fissure dans ce nouveau mur de l'Atlantique.
Il s'assit sur une dune toute chaude, prit un air dégagé et fixa l'horizon
avec la ligne d'horizon avec intensité.
" Et les baigneuses ! " ajoutait son double bandant qui avait de la suite
dans ses idées roses.
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Ces deux-là étaient aussi
inséparables qu'une paire ... de chaussures.
Impossible de voir l'un sans croiser l'autre des frères ennemis
:
à ma droite, Biquet, gentil, serviable, timide et bien élevé ; à
ma gauche, Bertrand, son double, jouisseur, sensuel et un tantinet
manipulateur*.
* manipulateur :
Mais toujours avec des pincettes car il est malgré tout raffiné.
Un peu trop même.
" Psittt, plus bas
la serviette ! "
" Ah pardon ... "
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Ils s'affrontent en permanence,
mais nous en sommes au dernier round.
Biquet est déjà allé plusieurs fois au tapis (il adore ça), en se relevant
il jette l'éponge sur Bertrand qui, momentanément K.O se couche à son
tour.
Dans leur coin respectif, les soigneurs s'activent, la cloche résonne,
on compte jusqu'à 9 et on recommence.
Il ne reste rien du nobla art et tous les mauvais coups sont permis.
C'est la confusion (et la contusion) générale sur le ring, difficile de
savoir qui est vainqueur, le match est encore déclaré nul.
Entre ces deux avatars gantés mon coeur balance dans les cordes et le
fratricide combat peut continuer.
Devinez quel est celui qui longe nonchalament la plage de Dargelais, une
serviette jetée avec soin sur l'épaule ?
Le garçon gardera quand même son t-shirt car il est fort pudique et a
bien conscience de n'être pas une reproduction exacte de l'Appolon du
Miribelvédère (Lien Nature Ballade Rencontre).
Donc il retient sa respiration pour camoufler son petit bedon tout rond
; cependant la plage est longue et il commence à suffoquer.
Une petite pause, on respire un peu d'iode...
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Bertrand fixait l'horizon
d'un air inspiré mais ses regards déviaient en permanence vers les
poitrines des baigneuses qui animaient cet espace tout plat d'un
délicieux relief mamelonné, tout en ouvrant sur de fabuleuses perspectives
d'avenir.
De quoi avoir envie d'investir.
Il avait beau se répéter :
" Homme libre, toujours tu chériras la mer ... " ou " Salut à toi,
vieil océan ... ", ses pensées étaient ailleurs au milieu des nénés
qu'ils voyaient danser devant ses yeux clairs.
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Ou tressauter joyeusement par
petites croupes (pardon, groupes) agitées.
Incapable d'atteindre l'océan salvateur beaucoup trop lointain, il se
planta littéralement dans le sable chaud comme un parasol horizontal.
A Dargelès
Bertrand n'eut droit
qu'à des coups de soleil.
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Bertrand crut à une rechute
de sa matinale pathologie.
Mais ici pas de doctoresse dévouée, que des sirènes dissipées, et
la mer plate..
Il pria, supplia, s'exhorta à la décence.
" Défense d'y voir !
Défense d'y voir ! " se répétait la fausse ombrelle.
Comment sortir de ce guépier salé ?
Une paire de lunettes de soleil sur la plage abandonnée lui fournit
un début de solution, il les pose sur son nez déjà bouillant, elles
étaient vraiment très noires et faites pour une myopie* intense,
c'était parfait, il ne voyait plus rien.
* myopie : Presbyte,
ce n'était vraiment pas le moment.
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Il décida à regrets d'abandonner
nymphes et sirènes afin de remonter sur la littorale route reprendre ses
esprits et son sang-froid.
Se fiant au bruit des vagues, il partit en sens inverse.
Son aveugle progression était lente, hésitante et fastidieuse, peut-être
que ce n'était pas une bonne idée de venir ici ?
Il en était là de ses tristes irrésolutions quand un bras potelé vint
se caler sous le sien tandis qu'une voix douce lui proposait :
" Vous voulez que je vous aide, monsieur ? "
C'était une femme, une jeune, il en était sûr, son sens tactile le lui
disait, lui criait même fort tant il est vrai que la privation d'un sens
permet aux autres d'immédiatement se développer.
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Bertrand accepta bien
sûr et c'est guidé par son ange gardien de plage dont les boucles
lui chatouillait les épaules qu'il se sortit des dunes traîtresses.
En chemin sableux,
Lapin.Blanc.Rapide fit la conversation à sa sauveuse, il apprit
qu'elle se prénommait Sonia (quel joli nom !), était esthéticienne
(quel joli métier !), adorait sa région (quelle jolie région !)
et le wind-sky-surf (quel joli ... truc ?).
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Et qu'elle attendait son petit
ami d'un instant à l'autre pour la traditionnelle baignade.
Patatrac !
Le monde s'écroula sous les pieds légèrement palmés du faux non-voyant
qui manqua défaillir avant de se raccrocher au biceps rond et chaud de
Sonia.
Devant son état critique la jeune femme redoubla d'attentions à son égard
si vulnérable de lapin ; comme il rougissait dangereusement, elle lui
proposa de lui passer de l'huile solaire.
D'habitude il détestait
ce corps gras, huileux et collant mais là il dit oui, évidemment, et avec
gratinée.
Ce massage improvisé finit de le convaincre que le paradis était bien
sur terre, à Dargelais-sur-mer plus précisemment, entre les mains habiles
d'une professionnelle de la beauté.
Croyant plus que jamais
à sa cécité, Sonia ne se gênait plus devant lui, elle se changea
rapidement, allant et venant avec ses petites affaires qu'elle pliait
et rangeait avec soin.
" Ca doit vraiment être
dur de ne rien voir ? " se souciait l'aimable demoiselle.
" Sans doute, je veux dire, ça dépend des jours ! " répondit vaguement
Bertrand que ce stip-tease inconscient (et gratuit) enchantait.
Pendant l'effeuillage, il sifflotait d'un air détaché mais ne quittait
pas Sonia de ses yeux gris grands ouverts.
Cette fine adepte du deux-pièces enlevait d'abord le haut, ensuite
le bas puis elle remettait le bas pour finir par le haut, à nouveau,
toujours dans cet ordre.
Si le maillot ne lui
plaisait pas, elle en essayait un autre.
Souvent encore plus petit.
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La
belle Sonia
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Par dessus
ses lunettes noires, Bertrand ne perdait pas une miette de peau hâlée.
Il faillit cependant se trahir en soutenant qu'il préférait le premier
bikini, ou en complimentant la fille sur son bronzage quasi intégral.
Quel maillot ?
Le jaune évidemment, lui, il convoitait secrètement celui du meilleur
grimpeur.
Cette impudeur était si pleine de grâce qu'à l'inéluctable et catastrophique
arrivée de l'amoureux en titre, il ferma vraiment très fort les yeux
pour ne pas le voir.
" Ce monde est trop sombre ! " se plaignait-il ; le garçon voulut
tenter sa chance voyeuristique un peu plus loin.
" Mesdemoiselles, ayez pitié d'un pauvre aveugle qui n'y voit (presque)
plus rien ..." gémissait Bertrand en agitant sa ... sa quoi déjà ?
Mais les naïades qu'il croisait toutes ruisselantes d'écume semblaient
ne pas l'entendre, aussi sourdes, pardon, mal-entendantes, qu'il était
non-voyant.
Et aussi incrédules, ces bichettes, qu'il était non-croyant.
Car il ne croit que ce qu'il peut toucher, de près. |
Aperçus
Dargelais-sur-mer
déssalée
Verte et toujours démontée
Par ton culot
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