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          | Jean-Régis Trundisc n'est 
              pas un artiste comme les autres car il est un artiste virtuel*, 
              du moins il le prétend et la prétention, c'est son rayon. Il veut réaliser des oeuvres immatérielles et dans le domaine qu'il 
              a choisi, le roi, c'est lui !
   * artiste virtuel 
              : ils sont en fait très nombreux, ce sont les artistes virtuoses 
              qui ont disparu. 
 L'extraordinaire 
              machine et le non moins extraordinaire résultat.
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 L'artiste 
              et la machine   Pas un point, pas une 
              tache même minuscule, pas une ligne quasi imperceptible qui ne reste 
              visible, donc risible donc nuisible pour Jean-Régis qui voudrait 
              tant devenir transparent et que toute trace, même infinitésimale, 
              de matérialité empêche de dormir. I.R.L - I.V.L ;
 In real life - In virtual life ; ces deux propositions tournaient 
              dans son esprit à la vitesse de la lumière.
  " Lumière ! Voila 
              LA solution ! Merci Einstein, Newton et Astro ! " Il imagina puis fit fabriquer dans l'usine de son papa, une machine 
              destinée a capter puis projeter sur les murs le spectre lumineux.
 En théorie c'était parfait mais il y a loin du rêve à la réalité 
              et au lieu du bel arc-en-ciel espéré apparurent seulement quelques 
              vagues traînées mélancoliques, pâles mais régulières comme un encéphalogramme 
              en phase d'aplatissement.
 Jean-Régis tomba à genoux et implora :
 " Je viens à toi, la machine est notre auxiliaire, c'est le meilleur 
              intermédiaire et sa vapeur est l'encens qui plaît à ton coeur ..."
   |  Comme d'habitude, c'est au 
        moment où tout semblait raté, foutu, minable que survint l'extraordinaire 
        ; en un éclair aveuglant, les murs vides et immaculés de la fondation 
        furent illuminés et animés de fantaisistes et impalpables vibrations colorées. 
        Une voix grave et puissante retentit entre les cimaises :
 " Trundisc, la prochaine fois que tu veux me parler, utilise mes anges, 
        Couriel et Imel, ils me porteront tes messages à travers l'éther niqué 
        !"
 C'était trop et 
        je m'évanouis. Quand j'ouvrais 
        mes petits yeux, le décor avait changé, la salle était vide, les murs 
        redevenus blancs, seules quelques vagues lueurs immatérielles finissaient 
        de s'effilocher ; du coin opposé parvenaient les échos de sanglots à demi 
        étouffés. C'était Miss Clitorini qui était malencontreusement tombée amoureuse de 
        Jean-Régis trundisc lors de sa performance.
 Autant glisser sur une peau de banane.
 " Il est pourtant pas terrible ? " s'étonnait faussement Peldugland 
        car il sait l'étrange pouvoir qu'exerce les artistes sur le beau sexe.
 Ils n'ont pratiquement pas d'efforts à faire, sinon de rapidement s'éloigner, 
        ce qu'avait fait le prudent Jean-Régis ; car depuis belle Lurette*, il 
        se méfiait.
 * Lurette : 
        Lorette, avec une faute de frappe, un modèle à ne pas suivre.  
 Le gros chagrin. 
         Et la miss demeurait 
        inconsolable : " Jean-régis, Jean-Régis ... " ne cessait-elle de répérter barbouillée 
        de rimmel violet.
 " Les artistes c'est vraiment tous des salauds ! " commença le 
        directeur pour commencer.
 " Il ne pense qu'à son oeuvre et il veut s'y consacrer, moi je trouve 
        ça beau. " tenta de plaider Daniel Burin sans beaucoup de succès.
 " Oui mais c'est pas que beau, il faut le dire ! "
 Alors disons le.
 " Moi, si ma fille voulait épouser un ariste, je la tuerais tout de 
        suite ! " affirmait Octave des Obres (méfiez-vous, il est sérieux).
 " N'exagérons pas, il y en a des biens ; nous en connaissons tous, 
        par exemple ... "
 Un long silence et quelques reniflements.
 Le gardien Paul y va aussi de son grain de sel revendicatif :
 " Et beaucoup ne sont pas français ! "
 
  Tout le 
        monde donne son avis, même la comète.  " Si j'avais 
        le choix entre un artiste et une machine à écrire, je prendrais le parapluie, 
        bien plus pratique et qui n'a pas peur de se mouiller ... pas comme ce 
        Jean-Régis ! " C'est Peldugland qui revient à la charge croyant pouvoir profiter d'un 
        moment de faiblesse féminine, c'est aussi habile que dégoûtant ; tout 
        à fait lui.
 Bref, le personnel assemblé faisait ce qu'il pouvait pour remonter le 
        moral de l'abandonnée.
 " Snif, abandonnée avant même d'être séduite, c'est pire que tout, 
        snif, Jean-Régis ... "
 " Ecoutez Miss, changez de Trundisc, s'il vous plait, lui demanda 
        cruellement le directeur fatigué, nous allons appeler ce triste sire 
        ... "
 Le répondeur du séducteur malgré lui ne faisant que répéter :
 " Jean-Régis Trundisc enregistre un disque, Jean-Régis Trundisc ... 
        etc "
 C'était ajouter de l'huile sur le feu de la douleur particulière et de 
        l'agacement général.
 
 Seul un artiste 
        peut faire ça.  
 Sans culpabilités. 
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