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Dans le cadre en inox du développement
des relations culturelles entre nos deux pays (et dans l'espérance des
subventions afférentes) la Fondation Gellipane a organisé un échange avec
une des nombreuses ex-républiques soviétiques à la géographie imprécise
: le Balnavistan.
Nous eûmes l'immense honneur
et la joie profonde de recevoir un artiste balnave, P.Liganoff, caucasien
blanc et cocasse, au moins à son arrivée.
En échange, on leur envoya un artiste lyonnais, tout content que sa réputation
ait déja atteint les confins du monde civilisé et qui de toute façon n'avait
rien à perdre ici que le mépris général.
Il téléphona une fois à son arrivée pour réclamer certaines denrées introuvables
sur place puis ce fût un grand silence qui arrangeait bien tout le monde.
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Deux
mois plus tard arrivait à la fondation un petit paquet contenant
une lettre en pidgin local d'où il ressortait que notre pauvre
artiste avait été kidnappé par des bandits balnaves avec, pour
preuve, un doigt sectionné du malheureux. |
Les bandits et leur
malheureux otage,
en dessous, le lieu de détention.
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Il nous
serait rendu contre une modeste rançon sinon, la " suite " nous
parviendrait bientôt.
Le directeur
décida qu'il n'était pas question de payer un rouble pour un
peintre inconnu alors que les rues en sont pleines et qu'il
n'y a déja pas assez de place pour tout le monde.
" D'ailleurs, je suis sûr qu'il se porte très bien !
" conclut-il, en appelant son chat pour lui donner le contenu
du paquet.
" Et c'est son petit doigt qui me l'a dit !" la plaisanterie
était un peu grosse mais tout le monde rit quand même car c'est
ainsi qu'on fait carrière. |
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Et comme
le chaton, habitué à des nourritures plus raffinés, délaissait
le morceau de chair, il le mit à la poubelle en concluant :
" Comment peut-être artiste quand on a si mauvais goût ! ",
tout le monde alla vomir dehors et la vie repris son cours normal.
Durant les semaines suivantes, les colis continuèrent d'arriver
avec régularité et nous décidâmes courageusement de les renvoyer
à l'expéditeur sans les ouvrir, sinon la poste peste, mais sans
attendre non plus sinon la poste empeste.
Revenons à P.Liganoff qui semblait s'être bien adapté, au moins
au début, il avait beaucoup grossi et un peu travaillé mais bientôt
la terrible nostalgie orientale le prit et il restait des heures
à rêvasser et baver en croquant des cornichons salés.
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Premiers
travaux de P.Liganoff.
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Interrogé, il ne
pouvait que répondre :
"Pas assez de bouleaux ici, et sapins pas du tout !"
Après avoir bien
réfléchi, nous l'avons naturalisé (mais pas empaillé, nous
ne sommes pas des balnaves) et installé dans le jardin* au
milieu des nains porteurs de paraboles.
* jardin : nous
avons déjà eu des propositions d'achat intéressantes, encore
un qui va accéder à l'e-mortalité ; les artistes (même balnaves)
sont vraiment des privilégiés.
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L'artiste balnave
et son oeuvre ; l'artiste disparaît (ou disparu),
il reste l'oeuvre en l'occurence des lavis au grand air.
L'artiste naturalisé.
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