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Un rêve de
directeur.
" J'ai eu une soper-idée
! " nous annonça dés son arrivée le directeur, l'air un peu exalté.
Cela ne lui ressemblait guère, la suite fût encore plus étonnante :
" En vue de faire connaître partout l'art abscontemporain, la Fondation
Gellipane se doit (dans le nez) d'aller plus loin que tout le monde ...
Dans l'espace, là, là et puis là ! "
Le directeur désignait
des points précis du firmament.
Nous nous regardâmes en silence, qu'entendait-il par là ?
Nous le sûmes bientôt en ouvrant les caisses qui arrivaient jour après
jour, nous allions construire une fusée avec nos petites mains.
On en commença l'assemblage dans la grande salle d'exposition rebaptisée
" Cap Cadavéral " par notre équipe de bras cassés d'avance.
L'absence de toit nous facilitant les opérations, pour une fois.
La décision
- La direction - La construction
Les premiers essais furent
catastrophiques, la population alentour croyant à une attaque de farouches
scuds*du désert ou à un nouveau " blitz "londonien.
Les multiples
dommages collatéraux.
* scuds : Arme de terreur
pure, son imprécision fait donc toute son efficacité.
Enfin après une semaine de
balistique approximative, la fusée était prête, son instable carburant
débordant de partout, il fallait hâter son chargement.
Mais qui seront les artistes choisis pour représenter l'humanité pensante
et créatrice ?
" Moi, moi, non moi, j'étais là avant vous, justement ! "
C'était la bousculade, tout le monde revendiquant cet honneur, le directeur
avait prévu sa petite liste :
" La fusée est petite, la place et le poids limité, nous ne pouvons
emmener que trois oeuvres :
un dessous-dessus de Christian Lévier, une peinture " Blue Ray numéro
4O27 " de Daniel Burin et une paire de carreaux de Fernand Raynaud.
"
Daniel Burin, d'habitude peu
expansif, laisse éclater sa joie rayée :
" Je vais dans l'espace, je vais dans l'espace ! "
" Pour les carreaux, on en choisit des cassés, ou pas ? " demanda
l'agent conservateur.
Problème.
" Comment leur faire comprendre que nous le faisons exprès ? "
réfléchit le directeur.
" C'est trop difficile, même pour un martien, mettez-en des neufs.
"
" Et vous pensez réellement que cela va leur donner envie d'entrer
en contact avec nous ? " questionna un pessimiste.
Le discours
- Le délicat chargement : " Attention, y en a pour des ronds ! " - Le
décollage
Peldugland était furieux, il
partit en claquant la porte du champ de tir.
Et en perdant la clef ; qu'importe, le compte à rebours s'égrenait déjà
: 10-9-8-7-6-5-4-2-1-0 Vrrraoum-pshitt-pshitt-wouizzz !!!
Quelle fumée, on ne voit plus rien, des ombres aveuglées errent entre
les cimaises cherchant ... on ne sait trop quoi.
L'hésitante
trajectoire - Le désastreux résultat
Toute frémissante la fusée
s'arrache du plancher, s'éleve d'une cinquantaine de mètres avant de retomber
lourdement sur le musée d'art abscontemporain voisin.
" Cette fois c'est la guerre ! " s'inquiétait le directeur en examinant
à la jumelle le cratère encore fumant.
Le directeur
de l'institution dévastée promet déjà des représailles à la télévision
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L'indigné
: " Voici les coupables ! "
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" On veut nous faire
taire (ça ne va pas être facile), c'est une atteinte de plus à la
liberté d'excrétion (pardon d'expression) mais nous allons contre-attaquer
dés cet après-midi grâce à nos armes secrètes de destruction passive
! "
Nous voilà prévenus.
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Aussitôt on se met à entasser
des sacs de sable, creuser des tranchées, faire des réserves et consolider
nos abris, c'est une vraie fourmillière.
On improvise
des barricades avec les grosses pièces de la collection.
Ainsi parée,
la Fondation en tenue de combat est prête à soutenir un siège confortable.
C'est la veillée d'armes, Peldugland
vérifie nerveusement et pour la dixième fois son éjaculateur ; la tension
est palpable.
Du haut du pot de fleur
renversé Guy mollet et octave des Obres scrutent les environs, monsieur
Gaston s'occupe du téléfon.
" Nous somes prêts, archi-prêts et nous vaincrons parce que nous sommes
les plus forts, c'est simple ! "
Notre directeur a toujours les mots pour dire.
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" Moi quand je pense
à ces pauvres extra-terrestres bêtement privés de culture, j'ai
de la peine pour eux ! " soupire Miss Clitorini, le bout de son
petit nez tout noir de suie.
Nous compatissons aussi, en imaginant une autre fin à cette histoire
tragi-cosmique : la fusée est miraculeusement bien partie, elle
file et disparaît dans la stratosphère.
Une semaine plus tard, un objet non identifié tombait du ciel sur
le parking en explosant le 4x4 directorial.
Grande fureur, on maudit les cieux à l'envie, puis on défait la
toile cirée enveloppant un morceau de notre ex-fusée, un billet
est coincé dans la ferraille, Octave des Obres s'en empare pour
nous en faire lecture :
" Ex-amis terriens, nous vous demandons d'arrêter d'envoyer vos
poubelles dans l'espace pur et sans joie, nous ne sommes pas la
déchetterie galactique !
Signé :
ùçè,^^,^,_?;?
de la constellation du Vieux Bouc. "
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Allez, encore une autre
réponse possible, du même :
" Amis terriens, vos
petits présents sont bien appréciés, surtout les toiles rayées qui
feraient de jolis sacs pour aller à la plage, si seulement il y
avait de l'eau.
Vous pouvez par contre garder les carreaux cassés et le double-bidet
(?) car nous ne possédons pas de salle de bain non plus.
Par contre s'il vous
reste des pots de fleurs, des coffre-forts vides, des tissus rayés
d'une autre couleur ou de belles amies terriennes, n'hésitez pas.
Bien à vous, signé etc ... "
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