FONDATION GELLIPANE

PROGRAMMATION

 

 

 

" FUGACITES "
ARTISTE : ALAIN BOMBYX
GENRE : longue conservation
EXPOSITION n° 41

.

 

 

 

" Artiste scientifique toujours à la pointe effilée de la modernité la plus radicale " c'est ce que nous pouvions lire sur les prospectus, pardon, le programme de la fondation Gellipane ; aussi la curiosité était vive dans le public qui confond souvent la fin et les moyens, nouveau avec moderne et la charrue avec les boeufs qu'elle attire (pardon, qui la tirent).

 

  Alain Bombyx utilise
(où plutôt fait utiliser, lui, il ne fait rien, il supervise) le numérique, les nouvelles technologies et surtout le four à micro-ondes, idéal pour réchauffer les plats, les tièdes et les idées.
Ses images, il les fait fabriquer en Chine où les gens ont pris la bonne habitude de ne pas poser de questions.
Les " fugacités " de retour à leur envoyeur, étaient lisses, glacées et sans défaut bref, idéales pour les nouveaux riches qui étaient la clientèle visée et tant espèrée dans cette exposition de luxe et de prestige.
 

Une belle exposition bien propre.

Le directeur était content et se frottait les mains, allant et venant entre les futurs acquéreurs.
Tout se passait comme prévu mais la technologie à ses caprices et l'expérimentation, ses dangers ; sensibles au changement de température et de climat, les précieuses icônes post-modernes pâlirent et en quelques minutes, il ne restait plus rien de leur artificielle brillance et de leur subtile polychromie ; on ne pouvait même pas dire qu'elles vieillissaient mal, elles n'en avaient simplement pas le temps.

 

  Bombyx réagit aussitôt et en bon sophiste (dont il était largement diplômé) proclama illico " la fin de la peinture " ou, au moins, celle de la couleur.
On applaudit à tout rompre cette révolutionnaire position, on le loua pour son audace, son courage et sa pertinence.
 

L'imprévu c'est le temps

 

 
" Chapeau ! Vous nous avez bluffé, et où allez-vous cherché tout ça !" lui glissa en douce le directeur admiratif et soulagé car on avait vraiment frôlé la catastrophe financière.
" Ici ! " répondit l'artiste en touchant du doigt son front surdimmensionné.
Mais nous restons sur notre faim de merveilleux après cette pirouette en queue de poisson.
Quelques mécontents manifestent devant l'entrée :
" Assez de sous-expositions, plus de lumière ! "
Aujourd'hui (c'est exeptionnel) nous allons leur donner pleine et entière satisfaction en leur proposant une visite immédiate de leur première surexposition.
 


Bombyx peut souffler,
il a sauvé la baraque..

 

Deux peintures bombyxiennes beaucoup trop sous-exposées

Dirigeons-nous donc hardiment vers la surexposition, l'avenir de l'espèce artistique.

 

SUREXPOSITION " EXPOSITION DE REVES "
ARTISTE : E.MAGINAIRE
GENRE : somnambulique

Dans une surexposition de bonne facture, les lois qui régissent les expositions normales sont vite dépassées.
D'abord les visiteurs restent scotchés silencieusement au plafond ce qui libère l'espace.

 

 

Ensuite tout peut (et doit) advenir n'importe quand : ici et maintenant un python réticulé et articulé de la N.B.A (Nouvelle Bureaucratie Artistique) se glisse furtivement hors de la Fondation de Lyon.
Il a sa petite idée toute reptilienne, attraper et avaler la souris artistique qui joue faux de la vraie lyre sur le parking.
Le buraucratique serpent ne voit presque rien mais il entend tout, le rongeur musicien voit tout mais serait plutôt du genre dur d'oreille.
En fait, il est seulement sourd aux sirènes institutionnelles, espérons qu'il a de bonnes papattes ...

 

" Mimi petite souris je n'ai que des bonds sentiments ... "

 

Pour changer de surexposition, vous clignez simplement des yeux en disant :
" Quelque chose ! "
Sans oublier de bien plier les genoux d'abord une fois, et puis une deuxième.

Cette (re)flexion faite vous pouvez bien dire ce que vous voulez car nous sommes déjà dans la salle suivante où un certain Georges s'applique à terrasser le terrible et visqueux dragon Déguadézo.
La tarasque entrouvre et referme lentement sa gueule poilue dégageant une infâme puanteur ; Georges n'a pas trop de ses quatre bras pour se boucher le nez, mener le cheval, pointer sa lance et retenir son casque trop grand.
Il ne peut donc pas téléphoner sauf avec son kit Carson (en vente heureusement partout).
Les vilains réfugiés sur la cimaise l'encouragent, et le remercient d'avance :
" Merci de ton soutien Georges ! "
Les jolies vilaines manifestent leur allégresse en jetant leurs culottes de perles sur chanvre stressé (pardon, tressé) par dessus les moulins.

Georges accroche une fine dentelle à sa grande lance, à ce moment " il porte la culotte " ; suivant l'usage ancien, il est devenu le champion de ces dames.
Douce pluie et charmant spectacle ... mais je crois que je vais encore cligner des yeux - - ah, nous voilà revenu dans une Fondation Gellipane de rêve.

Deux oniriques personnages se tiennent ... debout.
Approchons-nous (car dans un songe tout est possible) pour les espionner (car dans un songe, tout est permis).
Paul, le mateur-dard et Peldugland se moquent de quelques peintures fraîches et frissonnantes dans l'air toujours conditionné.
Ils font ça tous les matins à la même heure, c'est ce qu'ils appellent " casser la croûte ".

" Quelle horreur ! " s'exclame Peldugland devant un curieux lever de soleil.
Son interlocuteur est encore plus acide devant un nu nu aux fesses énormes.
" Elle peut aller se rhabiller ! "
Voilà qui va encore ranimer la querelle des anciens et des post-modernes, laissons tomber.

 

Une croûte bien cassée !

 

Le cruel rituel fût heureusement interrompu par l'arrivée du directeur accompagné de Vil de Lyon.
Ce dernier, toujours à l'affût d'une possible défaillance culturelle, demande à brûle-pourpoint au pauvre Paul :
" Si je vous dit support, vous me répondez quoi ? "
Le gardien rougit, il s'embrouille car il n'a pas assez regardé son histoire de l'art avant de s'endormir.
" Surface ... " souffle obligeamment le plastichien.
" Support ... sur place ! " répond enfin l'interrogé avec un grand sourire.

Vil de Lyon et le directeur s'éloignent en haussant les épaules.

 

Ils laissent Paul rubicond, la honte !
C'était un moment de la vie culturelle, il y en aura d'autres.

Après un intermède* musical sursaturé, mais bien dansé, nos deux bavards reprennent leurs stupéfiantes analyses :
P : " En fait la vraie surexposition, ce serait d'exposer l'exposition ? "
P : " Seulement ça a déja été fait, depuis longtemps. "
P : " Ah oui, et par qui ? "
P : " Par la Fondation Gellipane of course ! "

* intermède : Il nous est offert par les infirmiers.
" Je dessine et me voila plongé dans la joie. " chante le groupe.

 

 

Surexposition de rêve.

 

 
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