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La généreuse mais imprudente
politique d'acquisition d'oeuvres de la Fondation (voir exposition numéro
5O) a mis ses finances à rude épreuve.
En clair, nous étions au bord du gouffre et allions bientôt toucher le
fond et le fond*, en peinture, c'est important.
* fond :
parfois même le fond fond et là c'est la catastrophe esthétique.
Le directeur alerté nous fit
part (confidentiellement) de son projet qui devait nous sauver de la faillite.
"
Vendons quelques faux certifiés, vu les tarifs en vigueur, nous pourrons
ainsi tranquillement passer l'hiver !"
L'idée, quoique malhonnète, paraissait bonne mais il fallait d'abord les
fabriquer.
Octave des Obres demanda à ses étudiants de délaisser la Pavart-Davieu
(voir dossier Denion de Lyon-Tourisme) quelque temps et de s'atelier (pardon,
s'atteler) à la copie des maîtres disparus.
Les maîtres
ont vraiment disparu.
Les résultats furent variables,
on choisit les plus réussis (ou les moins ratés) qui furent aussitôt mis
en vente.
Le directeur ajouta quelques zéros pour plus de crédibilité ; nous avions
le feu vert et la patte (bien graissée) de l'expert.
Il reste
de grimaçantes copies.
Menoir, Ranet, Vegas, Dembrandt,
l'affiche et l'offre était alléchante et tout fût rapidement vendu.
Donc on recommença la frauduleuse opération.
On privilégiait les maîtres modernes plus faciles à copier que les méchants
anciens.
Ces anciens qui étaient eux-mêmes
de grands copieurs de l'antiquité, antiquité où l'on se copiait déjà braucoup
les uns sur les autres.
Et encore avant, quand il n'y avait rien à copier ?
On inventait.
Il fallait encore augmenter la cadence (comme dans Ben-Hur), nos peintres
forcés s'effondraient de fatigue sur leurs chevalets, on les réveillait
en leur faisant sniffer de la térébenthine, c'était terrible.
Des coups de bâton réguliers évitaient à nos apprentis-faussaires de se
laisser aller à cette non-activité si fréquente chez les peintres : la
rêverie.
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Autre défaut
récurrent, l'irrépressible besoin de s'exprimer, de faire preuve d'imagination,
voire de fantaisie, nous réagissons vite en leut tapant sur les doigts
et en leur soufflant dans les bronches un irritant fixatif.
Inévitablement la qualité finit par s'en ressentir.
" Du moment qu'on voit bien la signature ... " commentait le
directeur en examinant une nouvelle monstruosité.
" A part l'odeur, rien n'indique clairement qu'il s'agisse de peinture.
" ajouta le sourcil froncé Octave des Obres.
Le directeur le fit taire d'un coup de coude, un acheteur potentiel
approchait, hypnotisé par notre croûte ; il attaqua de suite son boniment
:
" C'est une oeuvre de jeunesse, il a fait ça à 10 mois, rendez-vous
compte ... "
Tout le monde s'en rendait compte, sauf le client, l'affaire culturelle
était faite.
Et les comptes étaient bons, exellents même.
Voila comment la Fondation Gellipane se sortit d'affaires d'argent.
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Epilogue
A cette occasion frauduleuse,
la Fondation fût à son tour victime d'un vol ce qui ne lui était jamais
arrivé (et pour cause).
Nous avions, pour la vraisemblance, recruté de faux gardiens et collés
au mur des alarmes bidons mais une toile fût cependant dérobée par un
amateur myope qui s'écria bouleversé " Le Titien, Le Titien !"
Paul, le vrai gardien, donna l'alarme mais on ne retrouva jamais le petit
chien en question ; pendant ce temps et profitant de l'agitation simulée,
l'indélicat visiteur dérobait la croûte désormais sans défense, le lâche
!
C'est fou ce qu'il y a comme gens malhonnètes.
L'original,
la copie dérobée et le copieur à l'ouvrage..
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