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Expo de chambre " est une exposition de prestige qui à déjà fait plusieurs
fois le tour de la terre autant dire qu'elle est pratiquement sur orbite.
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à Los Angeles (sans les portes) |
L'" Expo de chambre
" autour du monde :
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à la B.A.A.H (Biennale d'art abscontemporain de Hambourg) |
- à Tokyorama
(où dormir sur des nattes lui fit mal au dos ; de qui se futon ? râlait
l'artiste) |
- à Tombouctou,
malgré la climatisation à fond, il faisait une chaleur de four et
Franck Asanier broya du noir pendant une semaine. |
Le chambreur ne
pouvait manquer dans son éternelle giration la cité du patrimoine mondial
de l'humanité qui rayonnait comme à son habitude.
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" L'expo
de chambre " lyonnaise
L'inventeur*
du concept déteste pourtant voyager ; cet agoraphobe que l'avion
terrorise est aussi une victime chronique du mal de mer mais le
succès l'oblige en permanence à d'incessants déplacements.
Son étrange popularité lui pèse ce qui explique son caractère grognon
malgré tout son pognon.
Comme quoi la vie d'artiste ce n'est pas que de la rigolade même
si, et dans le cas de Franck Asanier c'est spécifié dans le contrat,
on peut rester couché toute la journée.
Alors pendant les expositions, il vaque vaguement à ses occupations
ménagéres allant du fauteuil à l'armoire vide, de l'armoire à la
table vide et puis enfin du lit toujours vide* au lit car c'est
l'heure de la fermeture.
* inventeur
: Comme les découvreurs de trésors en sont légalement déclarés les
inventeurs, Franck Asanier est l'inventeur du concept de chambre
et il va bien la garder.
* vide
: C'est le rêglement, même si des admiratrices tentent en permanence
de se cacher sous la couette.
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L'artiste se donne
en spectacle vivant.
Derrière le triple vitrage, on suit les moindres faits et gestes de Franck,
certains voyeurs prennent de rapides notes, des petits films téléphoniques
ou des photos-souvenirs (sans flash évidemmnt).
De costauds acolytes veillent aux encaissements du bon " droit à l'image
"; il n'est pas donné, et même curieusement, plus cher pour les enfants.
Les sourcilleux
avocats.
Franck n'a pas le choix*, il n'a que ça à vendre.
* choix :
Sinon il devrait chercher un emploi, ce seul mot le pétrifie d'effroi.
On cloue à la
hâte un petit écriteau dérobé au zoo municipal.
" Défense d'y voir trop longtemps et surtout de donner à manger aux fauves*
- barré et remplacé par - à l'actuel résident. "
" Au coeur de la moule " a rajouté un plaisantin vraiment obscur.
Franck travaille mieux (et surtout plus) quand il est affamé.
* fauves :
Sinon ils mettent trop de couleurs.
Attention : s'il
est officiellement interdit de nourrir l'artiste, de délicats visiteurs
déposent devant la glace des petits flans au caramel, signes évidents
d'une vraie complicité entre l'artiste et son public.
Le don déposée
par une flane* discrète.
* flane : Femelle
du flan, mais pas fan de carottes.
La Fondation ferme
les yeux, détourne obligeamment le regard et finit les restes au déjeuner.
" Il n'y a pas de petits profits ! " comme le répète assez Mordicus,
notre radin directeur, en ouvrant son douzième flan.
Franck attire
beaucoup les chauves qui viennent par dizaines, l'exhibé fait alors
semblant de dormir.
Nous passons
le voir pour l'exciter un peu.
Derrière la transparente barrière, Franck Asanier furibond nous
dévore des yeux, il semble vouloir crier quelque chose, en fait
il crie mais nous n'entendons rien.
Guy mollet qui posséde (entre autres dons) celui de lire sur les
lèvres nous traduit le message :
" Bandes d'exploiteurs, ça ne vous dérange pas de vivre sur le
dos des artistes, tas d'affameurs, de tordus, de vicelards, d'emplois
fictifs (ah bon !) et de lèche-bottes déjà cirées, arghh ! "
L'artiste s'étrangle, c'est l'émotion.
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Sans oublier
l'indignation.
" Et toi Mordicus
le lubrique, tu niques même les ... "
Le directeur fit signe d'arrêter la traduction simultanée :
" Ils disent tous la même chose, c'est lassant ... "
D'un doigt distrait il appuya sur la commande du rideau électrique qui
se déroula avec son bruit si caractéristique ; Franck le claustophile
disparut progressivement à nos yeux ennuyés.
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