FONDATION GELLIPANE

PROGRAMMATION

 

 

 

" EXPO DE CHAMBRE "
ARTISTE : FRANCK ASANIER
GENRE : pantoufle-art
EXPOSITION numéro 62
.

 

 

 

" Expo de chambre " est une exposition de prestige qui à déjà fait plusieurs fois le tour de la terre autant dire qu'elle est pratiquement sur orbite.

- à Los Angeles (sans les portes)

L'" Expo de chambre " autour du monde :

- à la B.A.A.H (Biennale d'art abscontemporain de Hambourg)
- à Tokyorama (où dormir sur des nattes lui fit mal au dos ; de qui se futon ? râlait l'artiste) - à Tombouctou, malgré la climatisation à fond, il faisait une chaleur de four et Franck Asanier broya du noir pendant une semaine.


Le chambreur ne pouvait manquer dans son éternelle giration la cité du patrimoine mondial de l'humanité qui rayonnait comme à son habitude.

 

" L'expo de chambre " lyonnaise

 

L'inventeur* du concept déteste pourtant voyager ; cet agoraphobe que l'avion terrorise est aussi une victime chronique du mal de mer mais le succès l'oblige en permanence à d'incessants déplacements.


Son étrange popularité lui pèse ce qui explique son caractère grognon malgré tout son pognon.
Comme quoi la vie d'artiste ce n'est pas que de la rigolade même si, et dans le cas de Franck Asanier c'est spécifié dans le contrat, on peut rester couché toute la journée.


Alors pendant les expositions, il vaque vaguement à ses occupations ménagéres allant du fauteuil à l'armoire vide, de l'armoire à la table vide et puis enfin du lit toujours vide* au lit car c'est l'heure de la fermeture.

 

* inventeur : Comme les découvreurs de trésors en sont légalement déclarés les inventeurs, Franck Asanier est l'inventeur du concept de chambre et il va bien la garder.

* vide : C'est le rêglement, même si des admiratrices tentent en permanence de se cacher sous la couette.

 

L'artiste se donne en spectacle vivant.
Derrière le triple vitrage, on suit les moindres faits et gestes de Franck, certains voyeurs prennent de rapides notes, des petits films téléphoniques ou des photos-souvenirs (sans flash évidemmnt).
De costauds acolytes veillent aux encaissements du bon " droit à l'image "; il n'est pas donné, et même curieusement, plus cher pour les enfants.

Les sourcilleux avocats.
Franck n'a pas le choix*, il n'a que ça à vendre.

* choix : Sinon il devrait chercher un emploi, ce seul mot le pétrifie d'effroi.

On cloue à la hâte un petit écriteau dérobé au zoo municipal.
" Défense d'y voir trop longtemps et surtout de donner à manger aux fauves* - barré et remplacé par - à l'actuel résident. "
" Au coeur de la moule " a rajouté un plaisantin vraiment obscur.
Franck travaille mieux (et surtout plus) quand il est affamé.

* fauves : Sinon ils mettent trop de couleurs.

Attention : s'il est officiellement interdit de nourrir l'artiste, de délicats visiteurs déposent devant la glace des petits flans au caramel, signes évidents d'une vraie complicité entre l'artiste et son public.

Le don déposée par une flane* discrète.

* flane : Femelle du flan, mais pas fan de carottes.

La Fondation ferme les yeux, détourne obligeamment le regard et finit les restes au déjeuner.
" Il n'y a pas de petits profits ! " comme le répète assez Mordicus, notre radin directeur, en ouvrant son douzième flan.

Franck attire beaucoup les chauves qui viennent par dizaines, l'exhibé fait alors semblant de dormir.

Nous passons le voir pour l'exciter un peu.
Derrière la transparente barrière, Franck Asanier furibond nous dévore des yeux, il semble vouloir crier quelque chose, en fait il crie mais nous n'entendons rien.
Guy mollet qui posséde (entre autres dons) celui de lire sur les lèvres nous traduit le message :
" Bandes d'exploiteurs, ça ne vous dérange pas de vivre sur le dos des artistes, tas d'affameurs, de tordus, de vicelards, d'emplois fictifs (ah bon !) et de lèche-bottes déjà cirées, arghh ! "
L'artiste s'étrangle, c'est l'émotion.

Sans oublier l'indignation.

" Et toi Mordicus le lubrique, tu niques même les ... "
Le directeur fit signe d'arrêter la traduction simultanée :
" Ils disent tous la même chose, c'est lassant ... "
D'un doigt distrait il appuya sur la commande du rideau électrique qui se déroula avec son bruit si caractéristique ; Franck le claustophile disparut progressivement à nos yeux ennuyés.

 

 
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