Un lieu vraiment inattendu
pour cette exposition hors les murs :
le hall des toilettes publiques du parking souterrain du centre commercial
de la Pavart-Davieu est.
A l'ouest rien
de nouveau, à part les vigiles.
Des milliers d'autres peintres
sont furieusement jaloux.
" Comment ce masturbateur professionnel a t'il pu dénicher une exposition
dans un endroit aussi ... Aussi tellement fréquenté ? "
Jute préfère ne pas le dire, tout le monde a ses petits secrets.
L'accrochage laisse perplexe car les toiles sont restées vierges (pas
comme les toilettes !) de toute souillure.
" Le vernissage est dans trois heures ... " s'inquiète le technicien
de surface promu curateur pour l'occasion.
" Le grand chef des services techniques, sanitaires et sociaux sera
là, ainsi que Vil Delyon et Mick Michèle (sous réserves), on va avoir
l'air drôlement conditionné ! "
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Pendant
ce temps
Jute se branle, littéralement.
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" C'est sa façon de se concentrer ! " explique une des assistantes
de l'artiste avant de refermer les portes des W.C masculins sur les mystères
de la création.
Tout le monde est bouclé dehors, et attend.
" Et ça peut prendre combien de temps ? " demandent ceux qui avaient
simplement une envie pissante.
" AAHHHH ! " un cri transperce soudain les cloisons de papier mâché.
On entend Jute dire d'une voix pâle :
" Et d'une ! "
" C'est
la quète du râle ... " nous confie à voix basse un habitué.
" Il souffre ... A cause de ses terribles affres ..." sanglote
une compatissante.
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Peldugland
est admiratif :
" Enfin de la vraie sublimation
de Lyon ! " |
Les assistantes crient tout
en claquant des doigts pour encourager l'artiste dans son effort ; c'est
aussi une manière subtile de prouver qu'elles n'interviennent aucunement
dans le processus.
" Jute, Jute, Jute! "
" AAAAAHHHHHHHH ! "
Cette fois ce doit être un grand format.
" Youpeee ! " s'extasient en choeur les pom-pom girls du cabinet
particulier.
La porte s'entrouvre, une assistante sort et fend rapidement la foule
pour aller se changer.
Moralité passagère : ne jamais se mettre entre l'artiste et son oeuvre.
Le temps de " travail " est
finalement assez court, dans un ultime râle à déchirer même les tympans
des églises, Jute met la traînée finale à son exposition en sous-sol.
Il ne lui reste plus qu'à signer avant d'être emmené sur une civière roulante
vers le centre de secours du deuxième niveau.
Par la sortie
des artistes.
Deux heures plus tard l'artiste
était de retour parmi les vivants normaux, tout frais et disco même s'il
semblait avoir du mal à marcher.
Maintenant Jute attend les officiels.
Ajoutons, afin de bien restituer l'ambiance de ce moment supraculturel,
ajoutons donc que durant le vernissage les toilettes furent normalement
ouvertes.
Préoccupé par ce détail acoustique Jute, en plasticien d'expérience, en
tira de suite parti.
Il posa des micros au dessus des différente cabines ce qui lui permit
de diffuser en direct leur continuel fonctionnement.
Les discours des personnalités présentes furent ainsi ponctués (et surtout
enrichis) d'impressionnantes flatulences, de fraîches cascades cristallines
et d'autres sons moins identifiables.
Du coup les allocutions furent brèves et le public ravi.
Jute avait ses vertiges, il était temps qu'il aille se reposer soutenu
par ses "jutettes" un peu inquiètes, leur artiste était-il allé trop loin
cette fois ?
Oui, car sept fois c'est beaucoup trop !
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La critique
(comme la météo) est plutôt clémente :
" C'est très pictu-râle. "
" Quel dépouillement, je dirais même plus, quel découillement !
"
" C'est quand même un peu cher pour une branlette ! "
" Je dirai même plus ... Quand j'aurai bien réfléchi. "
" En tout cas il nous a bien pris le chou. "
" Jusqu'à Bruxelles ! " |
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