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JOURNAL
DE LA PAVEINTAVURE
(Visite
à l'atelier.)
LA DECOUVERTE
Octave des Obres voit sa tour
avec les yeux de l'amour, c'est à dire ceux de l'obsession, pour nous
qui ne sommes pas atteints, elle apparaît juste pataude, un peu ridicule,
parfois poétique lorsque elle s'enveloppe frileusement de ses sept voiles
de brouillard artificiel.
Elle en deviendrait presque jolie, surtout la nuit quand elle rayonne*.
La Pavart.Davieu rayonne aussi
le jour (même le dimanche après-midi) mais il faut de bonnes peldunettes.
Après tout elle appartient au patrimoine mondial de l'humanité de Lyon.
* rayonne : Ce n'est pas
le rayon vert, ni le rayon frais, c'est le célèbre R.I.L
(Rayonnement International de Lyon).
Il faut le voir pour le croire, nous on ne l'a jamais vu.
Pourtant on a attendu.
Mais quand on l'interroge sur
la Pavart-Davieu, il devient lyrique et sur-bitement (pardon, subitement)
sérieux.
Il nous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître,
la première fois où il vit se dresser devant lui le futur objet de ses
délires (et de ses désirs) :
" C'était dans l'horreur
d'une profonde nuit d'insomnie, je tournais au coin de la rue des Vieux-Nibards
quand je vis se dresser devant moi, surgissant de l'épais brouillard hivernal,
le polyèdre de verre scintillant et translucide comme une station spatiale
européenne en bandaison ! "
Initiatique et déterminante,
cette première vision provoqua chez lui une invincible attirance,
une fascination de Lyon terrible, ce que j'appelerais un plaisir
enfantin de la tour.
" Ah, ah, ah !
Elle est très bonne Peldugland, mais soyons un peu sérieux :
la dimension symbolique du bâtiment devint une évidence que les
portes grandes ouvertes par la psychanalyse me permettait d'approcher
sans risques.
L'interprétation freudienne classique ferait de la Pavart-Davieu
un symbole phallique qui se dresse fièrement comme une grosse érection*
de Lyon.
J'affinais l'analyse en émiettant l'hypothèse suivante :
la Pavart-Davieu serait effectivement un phallus dont le gland,
usé par l'affreuse pelade du temps complet, aurait lentement disparu.
Il fût remplacé par l'incontournable pyramide, preuve sensible de
la municipale prétention et de la pudibonderie ambiante ; c'était
hardi (comme l'O.L), cohérent et totalement révolutionnaire..."
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Quatre projets octaviens
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I
: mélangeur - idéal pour redistribuer
la pollution - |
II
: Vil aplomb (pardon, fil à plomb) de Lyon |
III
: Avec dispositif pour le R.I.L.* intégré.
*R.I.L.
: Rayonnement International de Lyon
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IV
: Excentrifugueuse à double-flux monétaire. |
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* érection : A ce sujet
droit, Miss Clitorini faisait justement remarquer que toutes les érections
n'avaient pas cette ampleur, cette fermeté et surtout cette durée.
C'est vrai mais à qui la faute ?
Le plastichien en convint sans
difficultés, et que se passa t'il donc après ?
" On se moqua cruellement,
ce fût une vraie levée de boucliers* et cela m'attira les pires ennuis.
Alors je me résolus au silence ; mais certains soirs d'été suffocants
et bruyants, quand à ma fenêtre j'essaie d'aspirer comme un poisson un
reste d'oxygène et que je vois cette mini-tour de Babel* couleur Bonbel
se dresser, incongrue et ridicule au milieu des faux nuages roses de l'automobile
pollution, je ne peux m'empêcher de marmonner : et pourtant, on dirait
vraiment une grosse bite !"
Trois états
possibles de la tour
-
Un tout nouveau parking, le " Toto-boguant " qui servira de
toto-logis. |
- Un C.L.A.C*
post-moderne
* C.L.A.C
: Comité Lyonnais des Artistes Consensuels
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-
Le siège flambant neuf (Ah, ah, ah !) du Débit Lyonnais. Pour
en savoir toujours plus sur le Débit
Lyonnais, c'est impossible. |
Peldugland, ému à son tour
:
" Encore merci cher
Octave ! "
* boucliers
: La levée de boucliers est un très ancien jeu d'origine celtique
pendant lequel les chevelus participants jetaient en l'air des boucs
bien attachés, le gagnant étant celui qui lançait le pauvre caprin
le plus haut. quelle époque où les distractions étaient rares !
Par altérations successives (ou par souci du politiquement correct
?), on est passé de boucs liés à boucliers sans même s'en rendre compte.
C'est classique mais décevant pour ceux que l'érudition exalte comme
moi. |
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Babel : Nom pas toujours propre par lequel les habitants, souvent
d'origine étrangère, désignaient la tour.
En fait ils voulaient dire :
" Elle est pas belle ! " mais leur accent les trahit encore ; cependant
ne nous moquons pas car ils font de réels efforts pour se désintégrer
afin de mieux s'intégrer. |
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Conclusion
Le bon résultat est toujours
renversant.
Cette paveintavure, bel
exemple de la fascination que peut exercer la Pavart-Davieu sur
des esprits égarés, nous est offerte par Peldugland, un des premiers
touristes de l'histoire de l'art.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes pointus si
de persistantes (et résistantes) rumeurs ne faisaient états de contacts
secrets réguliers entre Octave des Obres et la N.B.A
(Nouvelle Bureaucratie Artistique).
Notre plastichien y animerait des workshops clandestins et forts
lucratifs.
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Un tourisme
sous-marin ?
Alors Octave
des Obres : agent double vue, provocateur silencieux ou simple touriste
?
Le dossier reste entier et le mystère reste ouvert.
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