|  | AMANDINELe 19 mai à 
        Postillonnès
 
        
          |  | La question du jour : 
              la femme peut-elle être classée parmi les légumes ?
 
 Bertrand enleva la neige 
              qui restait sur son capot. Il arrivait tout déboussolé de Péligueux où il était effectivement 
              mort plusieurs fois sous les ongles effilés de l'invincible dragon 
              noir.
 Un coup d'oeil dans le rétroviseur lui fit réintégrer son véhicule.
 De longues balafres rouges ornaient ses deus joues.
 Ce n'était ni profond, ni douloureux et il trouvait ça plutôt joli.
 Mais avec la figure ainsi griffée, il était parfait pour le rôle 
              du violeur en série illimitée, il s'emmitoufla donc dans une écharpe 
              avant de ressortir pour se mêler à la foule.
 
 Ici il faisait normalement 
              chaud.  |  |  Le garçon suivait distraitement 
        les habitants qui semblaient tous se diriger dans la même direction pour 
        y faire leurs emplettes. Les vieilles halles en bois résonnaient des échos du marché hebdomadaires, 
        et les marchés sont toujours un lieu de rencontres intéressantes pour 
        qui a tout son temps et rien à acheter.
 C'est le cas de Bertrand qui déambulait lentement entre les étals bien 
        garnis en faisant semblant de s'intéresser aux produits du terroir, surtout 
        les dindes.
 
        
          |  | Au marché 
            de Postillonnès on trouve de tout : " Oh, une belle bête, bien en chair ... ça peut faire pour combien 
            de personnes ? "
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          | Par contre il regardait pudiquement ses pieds quand il longeait 
              la camionnette du charcutier où certains de ses frères amputés et 
              dépouillés pendaient lamentablement.
 " Quelle cruauté ! " se disait-il et alors il pressait le pas en 
              rentrant les oreilles.
 Comme à l'accoutumée 
              d'érotiques rêveries occupaient agréablement son esprit décidément 
              mal tourné, et toujours du même coté comme ses regards, vers le 
              fessier des ménagéres postillonnaises.  Il n'y pouvait rien, 
              en souffrait même parfois tout en enviant ceux qui, ayant une libido 
              moins contraignante et tyrannique.que la sienne, pouvaient parfois 
              penser à autre chose. Mais on ne se refait pas, surtout quand on en a pas envie, et Bertrand 
              venait justement d'entrevoir derrière une pyramide de choux-fleurs 
              ventrus, une merveilleuse maraîchère au profil de madone.
 |  |   Cul, cure, 
        bite, assez ! 
 
  Il ne tomba pas 
        aux genoux ronds de la marchande en lui déclarant simplement :" Vous êtes légumineuse ! "
 Personne n'aurait compris (Gourdes était si loin) mais sa petite asperge 
        s'était soudain dressée bien verte, juste un peu violette au bout.
 Alors le garçon griffonna rapidement un petit poème qu'il enroula autour 
        d'une branche de céleris à l'intention de la belle Amandine ainsi que 
        l'appelaient ses habituels clients.
 
 
         
          | 
              Voici le texte de son 
                billet doux et légumineux : " Oh mon chou, fleur de province (choux-fleur)
 Vers moi cours, jette ton tablier aux bêtes raves (courgette, 
                bette + rave = betterave)
 Irradie tes épis narcotiques* (radis, épinard)
 Oignons-nous et si tu es d'accord, nichons (oignon, cornichon)
 Comme tu n'avais pas compris, tâte moi ça ! (navet, patate)
 Mon petit poids sera léger, j'irais jusqu'où mes potes iront (petit-pois, 
                potiron)
 Et j'irais jusqu'où celles rient, ton concombre masqué (céleris 
                et donc, concombre)
 Suivaient l'heure et le lieu d'un discret rendez-vous.
 Ce n'était pas de la 
                grande poésie mais il fallait faire vite et l'intention y était, 
                c'est bien le principal dans ce genre d'affaires.  |  |  * narcotiques 
        : Là c'est vraiment obscur, on dirait du Mallarmé, même avec une licence 
        4 poétique, ça ne passera jamais à la postérité.  
        
          | Bertrand 
            imaginait la belle jardinière après la lecture de son billet mou, |  | était-elle 
            émotionnée ou seulement bouleversée ? |    
        
          |  | Planqué parmi les 
              légumes frais, Lapin.Blanc.Rapide surveille les réactions post-poétiques. 
                 Maintenant il fallait 
              attendre. c'est bien une activité de séducteur attendre ... et attendre quoi 
              ?
 Le dégel.
 Bertrand se replongea dans sa réverie des quatre saisons : femmes-fleurs, 
              femmes-fruits, lèvres cerises, seins en poire et peau de pêche ...
 |    
         
          | " Tiens, 
              ça s'agite un peu ? " dirait-on. Un attroupement s'est formée dans un coin de la vieile halle, une 
              postillonnaise entre deux âges mûrs faisait à haute voix (mais sans 
              postillonner) la lecture du poème de Bertrand, et tout le marché 
              couvert de rigoler.
 " Oignons-nous et si tu es d'accord, nichons ! "
 La foule reprenait en choeur les noms de légume :
 " Oignons ... Cornichons ! " renvoya l'écho joyeux et boisé des 
              vieilles halles d'antan.
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              Réflexions croisées :
 Amandine : 
 W.S.R : " Tu a raison chérie. "
 |  Amandine, plantée les mains sur les hanches, aussi rouge qu'une tomate 
        " coeur de boeuf " fulminait, cherchant des yeux un possible coupable.
 " Son ire est palpable d'ici, mais la colère lui va bien au teint ... 
        bon, assez de salades* pour aujourd'hui ! "
 
        
          |  | Lapin.Blanc.Rapide 
            sauta d'un bond derrière un tas de cagettes vides parmi les épluchures 
            et les trognons avant de rejoindre sa toto-logis où l'attendait une 
            grosse botte de carottes toutes nouvelles (Miam !). Il fut pourtant déçu car il aurait aimé trouvé neuf ombellifaires 
            alors que ses carottes n'étaient que huit ... et lui il les préférait 
            crues, évidemment.
 Et surtout pas rapées ... sniff, pour Amandine aussi c'était rapé, 
            espèce d'endive précuite !
 |  *  salades 
        : Bertrand préfère la mignonne petite frisée à la grosse blonde paresseuse 
        qu'il faut toujours tirer du lit.  " Manger salades, 
        jamais malade ! " lui disait toujours la première, tentatrice au coeur 
        dur et blanc. " Oh Scarole, ne me regarde pas comme ça ! " répondait-il invariablement.
 
  
 Le suiveur " Tiens en parlant 
        de blonde paresseuse, en voici un magnifique spécimen, ce qu'on appelle 
        une belle plante ! "Lapin.Blanc.Rapide était déjà sur ses pattes, en finissant sa carotte 
        (il avait aussi le bâton !) il décida de la suivre afin de la célébrer 
        à son tour.
 L'indolente désoeuvrée remontait lentement la rue.
 Son large, rond et moelleux derriére oscillait comme le balancier d'une 
        pendule, à chacun de ses souples et augustes battements, il semblait repousser 
        des deux côtés de la chaussée la réalité, comme un tas de balayures.
 Aujourd'hui il se sentait vraiment inspiré.
 Il doit y avoir une muse quelque part ?
 
        
          |  | L'auguste 
            pétard, merveilleux sismographe qui enregistre chaque tremblement 
            du réel. |   Fasciné, le garçon 
        le suit, filant ce train arrière qui parfois s'arrête à une station commerçante, 
        bavarde ou simplement distraite. Bertrand s'arrête alors aussi, s'absorbant dans la contemplation vide 
        d'un horodateur, d'un abri-bus voire le bout de ses chaussures quand il 
        n'y a rien d'autre.
 Combien de temps de sa vie aura t'il passé à suivre des femmes inconnues 
        ?
 Le roi de la filature 
        pas discrète préfère ne pas le savoir
 
         
          | Qui 
              est-elle ? D'où vient -elle ?
 Où va t'elle ?
 Guillaume t'elle ?
 Allez savoir.
 Pourquoi le fait-il ?
 
 |  |  Pour le plaisir 
        de se raconter des histoires, de se bâtir rapidos un roman et de s'illusionner 
        complètement car, même si l'on pense le contraire, le rêve dure beaucoup 
        plus que la réalité. Et il est bien plus résistant aux successifs lavages du cerveau.
 Bertrand avait beaucoup trop chaud, il enleva son écharpe et se décida 
        à voir ce qui se cachait de l'autre côté de la femme, à l'avant, côté 
        pile.
 Il accéléra le pas, dépassant la blonde promeneuse puis se retourna vers 
        elle avec un grand sourire.
 Elle poussa un cri d'épouvante avant de s'enfuir à toutes jambes.
 Il fit la même curieuse expérience plusieurs fois de suite :
 le garçon était tout content, enfin il faisait peur aux dames.
 
        
          | C'est en 
              tout cas ce qu'il croyait, alors il s'amusa un bon moment à promener 
              son visage lacéré dans les rues étroites, piétonnes et si pittoresques. 
              " Coucou ! "
 " Bonjour monsieur ! "
 Certaines ne remarquent absolument rien, c'est très vexant.
 " Coucou 
              ! " " Ah, au secours, serial tueur de femmes ! "
 |  |   Qu'est ce qu'on 
        s'amuse à semer le trouble, n'en déplaise à l'ordre pubic. On était en pleine série B.B (pour Bertrand Biquet) ; heureusement on 
        se lasse de tout, même de la terreur et Lapin.Blanc.Rapide remit son cache-nez.
 
        
          | Etant plutôt 
            du genre " mentaliste " il préférait prendre le contrôle de l'esprit 
            des femmes |  | et les diriger 
            à sa guise ... dans ses rêves. |  Il ne voulait traumatiser personne ou donner des insomnies, peut-être 
        des cauchemars aux beautés locales, ce qui aurait nui à leur fraîcheur.
 
        
          |  | Aucun risque 
            du côté allongé car les postillonnaises ont la réputation d'avoir 
            le sommeil très lourd (microclimat ?), apès le départ de Bertrand 
            elles purent aussi faire de beaux rêves. Au fait, à qui, ou à quoi songent-elles ?
 " Devinez ! " demande finement Bertrand qui a toujours sa grosse idée 
            devant la tête.
 " On dort beaucoup mieux sans lui ! " affirment-elles unanimes.
 Est-ce vraiment un compliment ?
 |  Ce que ces belles 
        endormies ne disent pas (car elles ne disent pas tout) c'est qu'en fait, 
        elles le regrettent déjà. L'assoupie du centre-ville est en plein sommeil paradoxal, elle voit les 
        pieds de Bertrand flottant au dessus de la jungle, ce que notre spécialiste-intervenant 
        en médiation symbolique a de suite décrypté comme signifiant :
 " Lapin.Blanc.Rapide, c'est vraiment le pied ! "
 D'ailleurs elles ne savent pas ce qu'elles perdent (ou gagnent) car ce 
        garçon, si peu loquace debout et de jour, devient insupportablement bavard 
        la nuit.
 Couché !
 
        
          |  | Aperçus 
               A Postillonnès, 
              les taons sont durs Pas les moustiques
 Anormalement polis
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