|  | EOLIENNE 
        Le 22 mai à Dorme
 
  La vie de prince 
        charmant est plutôt fatiguante et il faut veiller à bien gérer son emploi 
        du temps : " Lundi, mardi, mercredi, pfouu !
 Heureusement le jeudi c'est ravi au lit ... mais il faudra penser à lui 
        mettre les bouchées doubles vendredi* "
  * vendredi 
        : Ce qui le contrarie un peu car, depuis tout petit, il ne mange que du 
        poisson le vendredi ; et la moule n'est pas un poisson. Mais la raie si, heureusement ; ainsi il ne pêche pas.
  C'est bien joli 
        de jouer les princes charmants mais me voila franchement en retard ! " 
        Le panneau indiquait : Dorme 12 Km
 Attention, il 
        y en a qui dorment. Ils ont de l'humour, c'est déjà ça ! Son ventre fit entendre quelques gargouillis, il avait trop mangé hier.
 Ces petits bruits de tuyauterie étaient difficiles à interpréter : serait-ce 
        de l'angoisse face à l'épreuve qui s'annonce ?
 
        
          |  | Il mit son clignotant, 
              on était arrivé, Bertrand reconnut les voitures sur le parking, 
              ils étaient tous là ! " Tiens voila cette enflure de ... je ne me rappelle déjà plus, de 
              toute manière ça n'a pas de nom une chose pareille ! "
   A leur 
              dernière (si seulement c'était vrai !) rencontre, l'autre crétin 
              se vantait partout de sa supposée puissance :" J'en ai une grosse, j'en ai une grosse ! "
 " Voiture ! " lui répondit notre charmant lapin.
 |    
        
          |    " Bonjour 
              Bertrand, quel plaisir de se revoir ! " En faits ses collègues veulent tous sa peau, trouée de préférence.
   Ce matin 
              on allait parler boulot, il en était déjà fatigué.Les réunions étaient bien ce qu'il détestait le plus dans son métier, 
              car il était obligé d'y assister.
 | 
 |    
        Le morne consensus qui y rêgnait, les alignements d'évidences et de voeux 
        pieux aussi longs que ceux de Carnac, le volontarisme affiché (et de rigueur), 
        les fausses gentillesses et les vraies vacheries, l'ensemble le déprimait 
        complètement. En lui sortant par les trous de nez en irritant ses délicats sinus.
 Il comprenait alors tout le sens de l'expression : " s'ennuyer comme un 
        rat mort ".
 " Ils font semblant, c'est pas possible ! " finissait-il par se dire.
 Il en profitait pour jouer au mikado ou faire un somme, surtout au moment 
        où l'on analysait (et comparait) les performances des différents représentants.
 " Dont les siennes, qui ne sont jamais brillantes, on sait maintenant 
        pourquoi.
 Et pourtant ce jour là, curieusement, il semblait très intéressé.
 Fasciné même.
 Depuis son arrivée, les longues et fines jambes d'Eolienne, la femme de 
        son patron attiraient invinciblement son regard.
 
 Les deux 
        fastueuses cuisses étaient habilement mises en valeur. Il s'était rincé l'oeil tout le temps de la réunion mais elle touchait 
        à sa fin, et cela le touchait, et il se touchait à travers la fine poche 
        de son costume.
 " C'est déjà fini ! " soupira t'il, c'était bien la première fois qu'on 
        l'entendait dire quelque chose et tout le monde de s'interroger, surtout 
        Roger, le petit nouveau qui lorgnait lui, la place de Bertrand.
 
 
         
          | Allait-il 
            enfin démissionner ? S'imaginait-il qu'on allait l'augmenter ?
 Etait-ce enfin le moment (tant espéré) de son autocritique ?
 Ou de sa contrition ?
 |  | Ses collègues 
            en discutaient encore en sortant de la salle de réunion, il avait 
            créé l'évènement, la sensation et la surprise. C'est assez facile dans un monde où il ne se passe rien ; ça lui faisait 
            une belle jambe, à lui aussi.
 |   Lapin.Blanc.Rapide 
        attendit un moment avant de se lever voulant éviter que les indiscrètes 
        secrétaires ne remarquent son excitation qu'elles auraient difficilement 
        confondue, car elles avaient l'oeil, avec un stylo ou même un téléphone, 
        peut-être un talkie-walkie. Mais il n'en portait jamais.
 Quelques jeunes mâles discutaient dans le couloir, ils parlaient (mal) 
        d'Eolienne :
 
 
         
          | " Quelle 
              dynamo ! C'est vrai qu'elle doit produire du courant ? " " Et faire des étincelles ! "
 " Est-ce qu'elle tourne seulement bien rond ? "
 " Je lui ferais bien faire l'hélice, pour voir ! "
 Tous ensemble " Ah,ah,ah ah,ah, ah ! "
 " C'est dégoûtant ! " protesta Bertrand en passant au milieu des 
              immatures.
 Lui aussi était en mal d'Eolienne, et ce n'était pas du vent du 
              Sud.
 Mais de l'énergie renouvelable.
 |  
 |  
              Réflexions croisées
  W.S.R : " Pourquoi vous ne répondez pas ? "
 Eolienne : " Mon mari arrive ... "
 |  
 
        
          |  |  D'ailleurs 
              quand on parle du loup, on lui voit la ... là effectivement, on 
              la voyait presque. Un ange avance effleurant sa moquette.
 Eolienne est passée, tout le couloir est parfumé.
 C'est bien aussi quand elle passe en été.
  En fait 
              c'est bien tout le temps ; dés qu'il entend le pas rapide et nerveux 
              de sa patronne, le lapin flagorneur se précipite (s'il est réveillé) 
              hors de son bureau pour faire de pressantes photocopies*.  * photocopie 
              : Insupportable machine qu'il détraque à chaque fois. |  |  Le seul fait de 
        ne pas introduire là où il faut mettant ces mécanismes en transe. C'est justement ce qui lui était arrivé pour la énième fois juste avant 
        son départ pour le sud-ouest, sauf que le feuille était restée obstinément 
        coincé.
 Impossible de la sortir sans l'aide d'un bricoleur et ses collègues accourus 
        avait pu voir, un peu froissé, ce à quoi Bertrand passait ses journées.
 
        
          |  | Le document 
              scandaleux, c'est mignon mais pas très malin.    Tout le 
              monde en faisait un fromage, Eolienne dit simplement qu'elle trouvait 
              cele charmant et qu'elle aimait bien les lapins. Elle rendit au coupable le papier incriminé où elle figurait en 
              bonne place.
 Ce que personne n'avait heureusement remarqué.
 Cette liaison était évidemment dangereuse, le lapin amoureux lui 
              écrivait de longues lettres passionnées qu'il n'envoyait pas, ou 
              alors à une autre quand il les trouvait réussies.
 Car madame Brulaud restait intouchable
 |  Un pot de l'amitié 
        et de la malveillance était organisé sur une terrasse d'un établissement 
        voisin. Eolienne était assise et feuilletait distraitement un catalogue de la 
        société tandis que le boss s'énervait à son portable.
 
 Le théâtral 
        trio, l'amant, la femme et le mari. " Surtout pas de violences ! " prévient Bertrand.
  Notre héros ne 
        savait que faire pour attirer l'attention de la déesse aux cuisses ambrées. 
        Il soudoya l'un des serveurs de petits fours, enfila la veste et vint 
        installer de grandes nappes blanches sur les tables, il pût alors se glisser 
        sous cet abri improvisé et approcher les genoux polis de sa patronne.
 Le patron téléphonait toujours, Eolienne restait là, souverraine, le regard 
        dans le vague et le sourire aux lèvres.
 Qu'elles avaient d'ailleurs plutôt petites.
 De dessous la table parvenait l'écho assourdi d'éternuements répétés.
 Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ici bas 
        jusqu'au moment où un serveur trop zélé décida qu'il était temps d'enlever 
        les nappes.
 
 Bertrand prétendit qu'il cherchait des champignons.
 On ne lui connaisait pas cette mycologique passion et tout le monde pensa 
        qu'il était devenu fou.
 Sauf Eolienne.
 " Il en a trouvé jusque sur ma pelouse ! " expliquait-elle à son mari 
        perplexe.
 Lui n'avait jamais rien vu.
 " C'est que vous n'avez pas bien regardé mon ami ! " répliqua la belle 
        évasive.
   Epilogue 
         
 Suite à ce piquant 
        épisode le mari soupçonneux décida de construire de suite un mur autour 
        de sa trop désirable épouse. Les maçons y travaillent même la nuit, Eolienne vient souvent leur tenir 
        compagnie car elle aime bien les ouvriers.
 Elle regarde absente s'empiler les moellons ... nul doute qu'elle a un 
        plan, détaillé : celui de son labyrinthe personnel.
 Un vrai dédale dont Bertrand a perdu le fil ...
 Dommage, il l'avait sur le bout de la langue.
 Lui, il continue de chérir Eolienne qui le fait rire par son extrème détachement.
 Elle seule arrive à faire souffler une petite brise de poésie parfumée 
        sur cette réalité prosaïque et mortifère.
 Rien qu'en agitant ses fines gambettes.
 Le garçon voulait à tout prix lui faire un cadeau mais elle possédait 
        déja tout, en plein d'exemplaires aux normes.
 
 
        
          |  | Son attentionné époux 
              la recouvrant sans cesse de cadeaux. Occupé qu'il était 
              par son travail, d'incessants voyages et d'interminables inséminaires.
   |  Le lapin amoureux 
        réfléchit ... il pouvait s'offrir lui-même, en sacrifice ... non, ses 
        affreux collègues en profiteraient aussitôt ; mais alors quoi ? Il y avait bien ses " loukoums " enchantés en céramique bleue et leurs 
        sept mini-Schéhérazzade en sommeil artificiel ...
 " Vendu ! " s'écria Bertrand, personne ne daigna réagir, il était dèjà 
        parti chercher son présent pour vite l'emballer avant d'aller le présenter 
        à sa bonne fée du travail.
 Eolienne était très entourée, beaucoup trop au goût du Lapin.Blanc.Rapide, 
        de ses petites incisives tranchantes il mordit cruellement les mollets 
        poilus devant lui.
 On s'écarta en hurlant, il en profita pour se glisser à toute vitesse 
        jusqu'à elle, arrivé là, il ne savait plus quoi dire.
 " Il n'y a pas de kikis roses ! " s'excusa t'il, désolé.
 Mais quel plaisir d'offrir.
  
 Avec Eolienne, 
        communication de pensées.  L'objet était si vilain qu'il plût infiniment à la dame, elle déposa sur 
        les joues de Bertrand deux grosses bises appuyées qui laissèrent une jolie 
        et bien nette empreinte rouge de chaque côté.
 La classe ... et quelles merveilleuses décorations !
  * décorations 
        : Il n'en désire pas d'autres, ni la grande croix de bois, ni la petite 
        avec les rubans ... peut-être la médaille bronzée du mérite en chocolat. 
          Sur le parking, 
        ses chers collègues finissaient d'étouffer de colère et de jalousie devant 
        leurs voitures de fonction. Bertrand enjamba prestement leurs cadavres 
        encore tièdes, ce petit exercice lui rappela le proverbe oriental : " Assieds-toi au bord de l'oued, tu y verras passer le corps de ton ennemi. 
        "
 Bien dit, et bien fait ! .
   
        
          |  | Aperçus 
                A Dorme, 
              je la retireDans mes appartements
 Chauds de vent
   |      |  |