MISS CLITORINI
Le 23 mai à Bergebraque

 

Bertrand avait pris pension en chambre d'hôte à Bergerbraque, sa tournée dans le sud-ouest touchait à sa fin et il allait devoir rendre des comptes sinon à la justice, au moins à la société qu'il employait, pardon, qui l'employait.
Deux perspectives proches qui ne l'enchantaient guère.

* chambre d'hôte : Nettement plus con-viviale que l'hôtel, dans un cadre de vrai bois raffiné et agréable, vous profiterez de prestations de qualité, parfois surprenantes.
Comme ce confit d'oie au petit déjeuner ... sans suppléments.

En attendant il se cherchait une place pour le dîner, c'est tout un art de la table.
D'abord il faut repérer les femmes disponibles (ou supposées telles), bien laisser bien faire les impatients, leur précipitation les perdra ; les timides se neutraliseront tout seul.
Savoir attendre, au besoin en relaçant ses chaussures* ... et puis s'asseoir vivement, avec un brin de désinvolture à la boutonnière, en prenant l'air agréablement surpris.
Bertrand réussit parfaitement toute l'opération.

* chaussures : Lapin;Blanc.Rapide nous livre gentiment un de ses nombreux " trucs " de séducteur, super le plan des chaussures !
A quand les fiches pratiques ?

" Vive la choucroute ! "
a envie de crier Bertrand.

Elle se faisait appeler Miss Clitorini*, et avait comme principale activité (et unique passion) l'écriture.

 

* Miss Clitorini se prénommait en fait Mariane, comme la République, ce qui, pour Bertrand, ajoutait du piment à la situation, et de la décadence en supplément.

A la paisible table d'hôte, il se précipita fort impoliment en jouant de ses coudes pointus pour s'installer à côté d'une jolie blonde, lectrice et apparemment solitaire.

Le marathon verbal a débuté.

 

Réflexions croisées

W.S.R :
" Tu as toujours peur de faire une rechute ? "

Miss Clitorini :
" Le prince charmant, ici les filles seraient capables de tout pour l'accaparer.

L'idée d'une ultime amourette avant de retrouver son ordinateur, ses classeurs, sa place de parking, son burau et sa triste routine avait tout pour séduire le représentant de commerce charnel, il décida de faire le siège de la Miss esseulée.
Il lui proposa une veillée dans la salle commune pour parler littérature autour d'une bouteille de sirupeux Bergebraque.
Bertrand était vraiment gonflé (on l'avait déja remarqué) car il ne connaissait que deux noms dans le monde des lettres : Leprix-Goncourt et Madame de Sévigné, plus Les 101 dalmatiens dont il ne se rappelait plus l'auteur.
Il se demandait ce qu'il allait bien pouvoir raconter cependant (d'oreilles ?) ses inquiétudes étaient vaines car Miss Clitorini était insupportablement bavarde.
Et elle aimait parler toute seule, intarrissable, prétentieuse, narcissique, une vraie plaie d'Egypte !
Pourquoi ce flux* ?

* flux : II n'aurait été que mensuel, passe encore.

Parce que Miss Clitorini s'ennuyait, tout le temps, matin, midi et soir, elle s'ennuyait même la nuit en dormant, c'était terrible et autour d'elle, tout le monde en profitait.

 

Son mari précédent n'avait tenu que trois semaines, il avait du renoncer.
Depuis il était en maison dite " de repos ",
et il ne veut plus en sortir.
Sauf pour divorcer.

Celà faisait déja trois heures qu'elle racontait ses rêves les plus fous, ses opérations, ses illusions perdues, ses vacances ratées, ses déceptions nouvelles, son oeuvre future, son dernier achat, ses problèmes passés, ses malheurs*présents et son intemporelle névrose.

"Cheri, qu'est-ce que tu as dit que j'ai dit de ce que j'ai dit que tu as dit ?"

 

* malheurs : Quand à ceux (ou celles, de Guérande*) que les logorrhées introspectives de la miss intéressent, ils pourront retrouver l'intarissable dans le numéro 1 de la revue " Ta Mouille* " sous le titre ô combien alléchant :
" Miss Clitorini raconte sa vie ".
Ce monde virtuel est décidemment très bien fait !

* Ta Mouille : La revue qui publie tout ce que les autres raisonnablement refusent.

* Guérande : Nous y avons au moins une lectrice découverte par internet sexplorer.
Profitons-en pour la saluer :
" Hou, hou, elle est assez salée cette histoire ? "

Le mari fort marri qui précédait le précédent (c'est Barbe-Bleue cette femme là !) avait, à bout d'argument et de nerfs, tenté une petite lobotomie.
A sec, il recherchait le ou les centres du langage afin de pouvoir fermer le robinet comme il l'avait vu faire pour Karl, le sournois ordinateur.

C'est trop vague, notre héros pique du nez dans son verre toujours vide.
Bertrand s'était mis depuis longtemps en pilotage automatique en se disant qu'il aurait la miss*à l'usure, qu'elle finirait bien par se fatiguer ou qu'elle n'aurait peut-être enfin plus rien à dire.

* miss : " Miss tringlette ... " se répétait le garçon pour ne pas succomber mas ses paupières sont lourdes...

Cette femme avait aussi une sorte de tic très agaçant, elle passait toutes les vingt secondes la main gauche dans ses jolis cheveux blonds dans un geste qui devait avoir une fonction, ou une signification (intellectuelle, érotique, ou ce qu'on veut) mais qui devenait vite insupportable.

Un compagnon précédent à bout (carré ?) avait plusieurs fois essayé de la noyer aux sports d'hiver en la poussant dans le lac glacé.
Mais même bien attachée, la Miss remontait toujours à la surface, elle semblait posséder aussi cette curieuse qualité : être insubmersible.
En plus d'être insoluble.

Elle était de cette espèce de femmes, souvent d'origine très diverses, mais que l'on peut regrouper sous le titre générique d'emmerdeuses.
Un qualificatif un peu grossier certes mais qui rend assez bien compte d'une réalité : celle de l'existence de ces créatures qui semblent être venues sur terre uniquement pour vous pomper l'air que vous respirez.
A défaut de vous pomper autre chose.
Ne présentant pas de signes particuliers, on ne peut donc les repérer au milieu de leurs con-soeurs.
Et c'est bien dommage car on gagnerait un temps précieux tout en s'épargnant bien des désagréments et une fatigue certaine.


Somnolent, Lapin.Blanc.Cassé guettait un signe de faiblesse, un moment d'abandon propice mais rien ne vint qu'un début de mal de tête provoqué par le vin trop sucré et l'intarissable haut débit.
Pour se tenir éveillé, il tentait parfois de fines allusions du genre :
" Miss Clitorini, vous connaissez le 69 ... je veux dire le département ? "
Rien n'y faisait, l'infernal blablatage continuait...

En d'autres temps, les choses auraient été plus simple, le fameux :
" Tu veux ou tu veux pas ? " devenant une formule délicate, fleurie, presque attentionnée.
Son très lointain ancêtre lui préférant un radical et unilatéral :
" Tu veux ou je t'assomme ? "
Les jours de grande délicatesse, notre ancêtre velu se fendait d'un timide :
" Tu veux ... ou bien* ? " en désignant son fameux gourdin.

* ou bien : Formule dont il est restée une trace profonde dans le parler de nos amis helvètes ; c'est incroyable après tout ce temps !

C'est trop magnon, mais en attendant c'est lui qui était assommé.
Il était tard, Bertrand était épuisé et pour une fois, il dut s'avouer vaincu.

Il dit poliment bonsoir, prit deux aspirines et monta se coucher.
Quelques minutes plus tard, des petits coups retentirent à sa porte, c'était Miss Clitorini qui avait oublié de lui dire quelque chose de très important.
Tel un Priape en pyjama, il se précipita sur elle.
Le viol (ou au moins sa tentative) lui paraissant la seule issue possible à cette sacrée soirée.

Appendice caudal

Elle l'énerve tellement qu'il en voit double.

Lapin.Blanc.Rapide est sur Miss Clitorini (qui ne comprend pas trop ce qui lui arrive) et s'apprête à lui faire des trucs.
On frappe de nouveau, cette fois très fort.
" Et merde ! " s'écrie Bertrand, d'habitude si poli.

 
Il lâche sa proie pour l'ombre, éteint donc la lumière, ouvre de nouveau et se trouve face à un curieux individu en casquette à visière et pantalons de golf.
" Where is my wife ? " lui demande le clown qui n'était autre que Mister Clitorini en personne.
Pour une mauvaise surprise, c'était une mauvaise surprise, un vrai os de seiche.
Depuis deux mois, Bertrand avait su habilement éviter maris, fiancés, frères, parents, grands-parents, petit-amis, jaloux, curieux, même (et surtout) les terribles " copines ", bref tout ceux qui peuvent contrarier et compliquer la vie d'un séducteur.

Là, il était coincé mais il était adaptable et ne manquait pas de sang-froid à la moindre occasion :
" Elle est passée par ici, elle repassera par là ! " répondit-il en montrant la fenêtre restée béante.
L'intrus s'y précipite, on entend un bruit mat, comme un oeuf cassé.
" Et voila ! "

Bertrand se fotte les mains et rallume, la Miss en avait profité pour se sauver, soulagé il referme la fenêtre et s'apprête à se retoucher (pardon, se recoucher).
" Enfin seul ! " soupire t'il d'aise dans ses draps encore parfumés.
C'était mal la connaître.
Toc, toc, toc !
Devinez qui c'est ?
" Monsieur Tiquet (?), j'ai peur qu'il y ait un petit malentendu ... après une si charmante soirée je ne voudrais pas rester sur une mauvaise note ! "
Il ne l'a même pas notée ; de nouveau le sang-froid de Bertrand lui donne une solution toute faite, en modifiant le triangle vaudevillesque classique.


L'amant dans l'armoire, la femme au lit et le mari devant la porte devenant le mari dans l'armoire, l'amant dans le lit et la femme devant la porte.
Il ouvre, Miss Clitorini entre, Bertrand lui explique que son mari est dans l'armoire, l'épouse étonnée rentre à son tour dans l'armoire que le lapin agile referme prestement à double-tours.
Avant d'aller tranquillement se coucher dans le lit de la belle.

Maintenant chacun peut faire sa nuit sans réveiller l'autre ...
Trop fort Lapin.Blanc.Rapide !

 

Aperçus

A Bergebraque, les bas bleus
Sont trop collants
Alors j'emporte sa culotte .

 

 

 

 
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