LOUISE
Le 24 mai à Barnonne

Bertrand faisait un si doux songe : celui d'un monde où on s'occuperait de lui avec gentillesse et où il pourrait vivre en harmonie, en toute sécurité et en toute indépendance.
Et puis quoi encore ?
Et tout ça sans payer ?
Parfois on rêve vraiment n'importe quoi !
Il était encore dans ses limbes quand son réveil sonna, il crut d'abord à une plaisanterie.
Le lapin endormi dut se rendre alors à l'évidence (je me rends !) avant de vite aller aux toilettes,
il était l'heure de se lever et d'enclancher le processus vital, en mode multidirectionnel.
Le garçon avait un peu mal au crâne (le Bergebraque ou Miss clitorini ?) et se sentait grognon, vu son départ imminent.
Mais pour l'instant c'était l'heure des soins du corps, de la douche et des ablutions.
Refermons la salle de bains et retrouvons Bertrand se rasant devant la glace où il s'observe, se jauge, se guette, s'épie, s'interroge, se séduit, se désespère ou se fait des grimaces.

Tagada-tsointsoin-tagada-tsoin-tsoin
C'est la ridicule sonnerie de son portable, il le retrouve au fond du carton où il range ses préservatifs, il en avait encore une quinzaine de boites :
" Il va falloir que je m'excite un peu plus, sinon je vais finir par dépasser la date limite d'utilisation ... et de consommation.
Tagada-tsoin-tsoin /
Allo, ici Bertrand Biquet /
Allo, ici monsieur Brulaud (Damned, son patron !), écoutez-moi : au vu de vos piteux résultats commerciaux, de pire en pire chaque année, j'ai décidé de prolonger votre tournée d'une semaine, à vous de profiter de ce temps pour redresser la barre (d'accord !), mon épouse a beaucoup insisté pour vous donner une chance supplémentaire de faire vos preuves /
Merci monsieur Brulaud de votre confiance qui me fait horreur (pardon, honneur), bonne et heureuse journée ! "
Bertrand n'osa pas lui demander des nouvelles de sa femme.


"Chère Eolienne, grâce à toi j'ai une semaine de plus à passer dans ce charmant pays, comme quoi un bienfait n'est jamais perdu ! "
A ce moment, on frappe trois petis coups à la porte de la chambre 55.

Afin de mieux comprendre l'implacable enchaînement des causes et de leurs conséquences, une petite présentation des lieux s'impose. Le décor du futur pseudo-drame esquissé, il convient d'en présenter les acteurs involontaires :
Bertrand est en vert (et contre tous)
Louise, l'infatigable soubrette en rouge
Les policiers sont normalement en bleu
Les autres employés de l'hôtel en jaune

Vous pourrez ainsi les suivre plus facilement dans leurs déplacements d'air sur tous les plans.

Distraitement bertrand répond d'entrer sans réaliser qu'il est nu comme un ver et qu'il a, comme on dit vulgairement, la gaule.
Dont sont issus nos ancêtres, rappelons-le aux jeunes générations.
Qui oublent tout avant de l'avoir appris.
La porte s'entrouvre et entre Louise la soubrette de l'hôtel, les bras chargés de draps.
A la vue du garçon rose, sorte de lombric lubrique, la femme de chambre abandonne sa charge textile et s'enfuit en criant :
" Dominique, nique, nique ! " dans les couloirs et les escaliers de l'établissement.
" Pas de panique, moi c'est Bertrand ! " essaie de la rassurer Lapin.Blanc.Rapide.

Louise est déjà loin, Bertrand hausse les épaules, referme soigneusement la porte et revient se poster devant le miroir, non par narcissisme mais pour enfin se raser.
En chantant quelques matinales idioties.


" La Gaule aux gauloises... " tout en se ressavonnant avec application.

Shave on you ou after shame ?
Ah comme il est heureux de se voir si beau en ce miroir si vilain !

" Boum-boum-boum-boum ! " cette fois on cogne pour de vrai dans l'entrée, et à coups de poing.
De surprise le jeune homme se coupe, la joue toute ensanglantée il retourne ouvrir. .
Deux gendarmes pas commodes (plutôt armoires) sont sur le palier, Louise est derrière eux, elle désigne Bertrand et s'écrie :
" C'est lui, l'agresseur sessuel, arrêtez-le tout de suite ! "
" La preuve, il saigne ! " nota de suite le gendarme Fainlimier.
" Les apparences sont contre vous ! " observa simplement le gendarme Vubasse en désignant du doigt à Bertrand sa bandaison suspecte.
Le personnel de l'hôtel rassemblé dans le couloir le fixait d'un oeil soupçonneux, et vindicatif.
" Allez Louise attaque ! " lui crient-ils.
" Prévenons Vincent Drillon à Doloron ! " conseilla la déléguée du personnel.

Pendant ce temps la soubrette faisait une crise de nerfs sur le bidet de la salle de bains.
Elle ne cessait de répéter : " Sessuel, sessuel, sessuel ... "
" C'est bon, c'est bon, on a compris ! " finit par lui dire un des fonctionnaires présents.

" On va faire une main courante ! " crut-il bon d'ajouter pour la rassurer.
Louise se mit à crier encore plus fort au viol, collectif cette fois.

 

Le gendarme Vubasse lui expliqua que main courante ne signifiait pas main baladeuse (la fameuse pogne), on en était là quand son collègue Fainlimier, qui remplissait les réglementaires papiers, demanda :
" C'est quoi la différence entre un viol et un rapport consenti* ? "
" Ben ... le contentement, pardon, le consentement ? "
Juste, gendarme Vubasse

* consenti : Con-senti, c'est un minimum ; con-sentant, c'est selon les goûts.
Et les parfums en vogue.

Une vraie tête de coupable,
tout à fait celle de l'emploi.

 

Mais Bertrand n'avait pas envie de plaisanter, il essayait avec peine de reprendre ses esprits en main.
" Que va dire maman quand elle l'apprendra ! "
Il se voyait déjà, menotté, une serviette sur la tête, sortant à toute vitesse d'une estafette entouré d'un escadron de policiers encagoulés entre deux rangées de barnonnois en fureur.
Et l'indiscrète télévision* ?
Il ne pouvait que se répéter :
" Pourtant, je suis innocent (enfin presque) ! "
" Sessuel, sessuel ! " entendait-on en écho.
Une semaine qui commençait si bien ...

* télévision : Cette lamentable histoire eut une suite, toute aussi lamentable, sur le petit écran, vous pourrez la suivre (en clair et sans déconneur) juste après la publicité.

 

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Réflexions croisées

W.S.R
:
" Tu iras demain, pour le moment, repose-toi. "

Louise :
" C'était mieux quand cet amour n'était qu'imaginaire ... "

Finalement nous avons échangé la publicité gratuite contre une lubricité payante, plus dans le ton sur ton de cette sale histoire.

 

Finalement nous avons échangé la publicité gratuite contre une lubricité payante, plus dans le ton sur ton de cette sale histoire.
 

Nous sommes en direct du B.I.E.N (Biennale.Internationale.d'Erections.Naturelles), une spectaculaire compétition qui attire les moules (pardon, les foules) du monde entier.

La flamboyante affiche de l'édition 2012

 

Cette année le concurrent français a de bonnes chances apprend-on de sources mûres*.

* mûres : Nos raffinées organisatrices.

Mais pour l'instant le champion du monde en titre est toujours et encore écossais d'ailleurs quand on le voit marcher on comprend pourquoi les calédoniens ont inventé le kilt.

Dans son pas bon français Mac Oeufdur a bien voulu nous rejoindre pour répondre à quelques questions sensées, il s'assoit comme toujours avec précautions :
" Mac, vous êtes déjà vainqueur des deux éditions précédentes et vous venez pour un troisième sacre, quel est votre secret ? "
" Le whisky, seulement de la Ecosse ! "
" Etonnante et éthylique réponse, mais enfin Mac, pour atteindre de telles distances (66 mètres au premier jet !), vous devez vous entraîner durement ? "
" Comme tout la monde je lancer troncs d'arbre et rochers pour m'amuser après je sauter (plouf) dans l'eau glacée des lochs profonds.
Ensuite je boire plusieurs whiskys ... jamais avant coucher de le soleil*. "

* soleil : Qui parfois dans ses rudes contrées ne se lève même pas, préférant rester au coin de son feu thermonucléaire.

Mac a laissé ses cheveux pousser démesurément ; et si c'était le secret de sa formidable puissance ? "
Votre plus redoutable adversaire Mac Oeussdraisse est aussi un compatriote, cette lutte fraticide ne provoque t'elle pas en vous des sentiments contradictoires ? "
" ??? Je pas comprendre la question. "
" Tant pis, et trop tard car c'est maintenant l'heure de - La victime de la semaine - l'émission qui ne vous laisse aucune chance de vous en sortir.
Bonne chance à Mac Oeufdur ainsi qu'aux autres champions kiltés ! "

 

L'EMISSION

Allons retrouver la plaignante sur le plateau de l'émission hebdomadaire de l'insondable Jean-Pierre Focul :
- La victime de la semaine - dont la lauréate est notre bonne Louise.
Pour l'occasion, et devant la pénible insistance des producteurs de l'émission, elle a du revêtir son costume de soubrette.

L'animateur.

A sa grande surprise, le souriant Jean-Pierre en déchira de grands morceaux avant de l'envoyer au maquillage.
Quand Louise en ressortit, on aurait pu croire qu'elle venait d'échapper à trois semaines de séquestration chez des bandits balkaniques particulièrement désoeuvrés.
Ou à une nuit d'amour avec Godilla, le gorille qui parle tout seul dans la brume.
Elle faillit pleurer devant la glace car toute sa famille était venue pour la voir et l'encourager, croyant sans doute repartir avec les cadeaux dans la vitrine.


Mais la jeune femme refusa énergiquement les fausses dents cassées, la coquetterie ne perd jamais ses droits.
C'est ce qui est merveilleux dans ce récit.
Ainsi déparée, notre chère victime se présenta sous les projecteurs en clignant, toute éblouie, de ses deux grands yeux bleus au beurre noir.
Jean-Pierre Focul se précipita, l'air catastrophé et avec toute son empathie de façade vitrée, il lui demanda, la voix (déjà) brisée par l'émotion :
" Ma pauvre Louise, vous êtes dans un triste état ! "
" A qui la faute ? " répliqua la bonne de mauvaise humeur.

Jean-Pierre rebondit (c'est sa principale, et à notre connaissance, sa seule qualité, la réactivité*) et prit la balle au bond avant de tendre à son interlocutrice subjuguée une perche énorme :
" Peut-être à ce Bertrand - BIP - dont on dit partout le plus grand mal ? ? ? ? "

* réactivité : Ajoutez-y un manque total (et remarquable) d'inhibitions et vous avez un présentateur télévisuel ; après chacun son style, celui de Jean-Pierre est mielleux-fondant et pire que tout, compatissant.

Louise tient la vedette mais elle reste normalement digne, même pas une petite larme, ou le moindre sanglot étouffé, elle est cool.
Le réanimateur est furieux; la victime de la semaine dernière était bien mieux; si pitoyable qu'on avait envie de l'achever.
Mais Jean-Pierre est trop fort en compassion, rendons-lui l'antenne télescopique, après tout c'est son émission :
" Parlez-nous un peu de lui, évoquez-nous cet inquiétant personnage, Louise, je sais que c'est pénible ... dîtes-le !
Même très pénible, bon allez insupportable et on n'en parle plus.
Oui, c'est vraiment affreux ce qui vous est arrivée mais pour bien comprendre votre détresse extrème, votre dégoût de l'existence, et de vous-même ... si, si j'insiste, et de vous-même.

La victime.

Mais pour ressentir (avec vous) cette terrible humiliation il nous faudrait plus de précisions ... les circonstances non-atténuantes, le pourquoi, et surtout le comment de votre atroce aventure, vous voyez ... plus de détails, quoi !
/ Ah, on me signale que Bertrand - BIP - est en ligne, en direct pour - La victime de la semaine - "

Jingle :
Vos malheurs nous intéressent !

" Ouh, ouh ! " fait la foule au signal.

" Bonsoir cher Bertrand, c'est gentil de nous rejoindre, donnez-nous votre version des faits scabreux, c'est important et rappelez-vous, nous ne sommes pas là pour vous juger.
Bertrand, mademoiselle ici présente aurait-elle eu une attitude équivoque à votre égard, des gestes qui pouvaient prêter à con-fusion ? "

Dans un grésillement, on entend la voix furibarde de Bertrand qui hurle :
" Espèce de trou du cul, je vais venir te péter la / "

La foule se met à rire, aux larmes citoyen !
Le préposé aux panneaux a du se tromper.
Jean-Pierre se rétablit en vrai pro du P.A.F. :
" Dommage, un problème de communication sans doute.
Entre temps sa victime de la semaine avait disparue.
" Sacrée soirée ! " conclut l'animateur.
" Ouh, ouh ! " on s'est encore trompé de panneau, j'en connais un qui va se faire engueuler.
Jingle :

Transformez votre plomb en argent !

 

Louise est déjà dans le hall, entourée de sa famille recomposée qui fait " coucou " avec les mains, la nouvelle vedette discute avec les journalistes.
En soufflant des baisers sur les écrans les plus proches.
On lui propose d'être la marraine du télé-thons local, d'écrire ses mémoires, de vendre des pansements, de dénoncer d'autres gens, de poser nue* ou de faire un disque.
Toutes choses bien plus excitantes que de changer les draps.

Réflexions croisées
(mezza-voce)

Louise :
" Il est aussi très bel homme ... intéressant pour tout dire.
Tu ne m'en avais pas parlé ! "

W.S.R
(en duplex depuis le poste de police) :
" Pardon. Tu n'avais pas le moral et je ne fais rien pour te le remonter !
Mais attends ...
j'ai une idée. "

 

Elle est une victime, elle est LA victime, elle est quelque chose. C'est la télévision qui le dit donc c'est vrai.

* nue : Pour montrer sa cicatrice ?

 

Finalement tout ce flan* majestueux nappé de sentimentalisme audiovisuel, c'était plutôt un mal pour un bien.

* flan : Un beau flan, vraiment, en plein centre de Barnonne

 

 

 

Et une expérience de plus, puisqu'il faut positiver.
Bien que ce mot - expérience - n'ait pas braucoup de sens pour Bertrand qui n'apprend jamais rien de ses - expériences - justement, et surtout pas à éviter de les reproduire.

La reproduction étant plutôt sa planche de salut, son tremplin olympique ou sa piste d'envol suivant les périodes.
De reproduction* à l'identique, il progresse par bonds, comme un bon petit lapin blanc.
Même dans le mauvais temps.

* reproduction :
D'abord, se reproduit-on vraiment ?
A l'identique ça n'a pas beaucoup d'intérêt, et Bertrand est volontiers prêt à laisser la place à des êtres plus évolués et plus intelligents que lui.
Si c'est une véritable loterie, il prétère ne pas jouer avec la vie des autres.

 

Jungle (pardon, jingle) Ne soyez plus égoïstes, faîtes nous partager votre détresse !
Envoyez vite vos drames sur www malheur.com
L'histoire la plus épouvantable sera toujours la bienvenue.

Aperçus

A Barnonne, des derrières flottants
Et lui devant
Qui porte le drapeau ... blanc

 

 

 
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