GISELE
Le 7 mai à Larresinge

" Tu montes chéri ... " questionne cavalièrement l'ange liftier.

Pas facile de conduire avec des béquilles ... mais c'était vraiment une formidable journée de printemps.
Où tout est parfaitement à sa place, le ciel par dessus les toits et les toits au dessus des maisons.
Bertrand s'était arrêté à l'entrée de Larresinge, au creux d'un petit vallon plein de cerisiers en fleurs du Japon.

Aujourd'hui rien ne le pressait comme d'habitude, il se dit qu'un petit dodo lui ferait du bien, il s'allongea dans l'herbe et s'endormit aussitôt.
Quand il ouvrit les yeux tout était devenu blanc, blancs les nuages qui passaient dans le ciel, blanches les milliers de fleurs de cerisier et blanche la robe immaculée de l'ange qui était penché sur lui.
Comme la divine créature s'inclinait pour mieux l'observer il constata (mais ne tâta pas, un vieux fond de religion ?) que cet ange était du genre qu'il préférait : le féminin.

Gisèle, c'était le nom de la séraphine, s'adonnait mollement et distraitement à une tâche humble, fastidieuse et répétitive, la vaisselle quand elle avait entendu se garer le break de location du jeune homme.

Elle l'avait vu s'extraire péniblement de son véhicule avant de se coucher dans la luzerne.
N'écoutant que sa indiscrètion, elle était venue, l'avait vu mais n'avait pas encore vaincu sa féminine curiosité. Gisèle avait con-fondu Bertrand avec un céleste et surnaturel envoyé des cieux faisant la sieste.
A moins qu'il ne soit tombé du ciel par un trou dans les nuages.
Elle voulait en avoir le coeur net, de son côté Bertrand avait nettement senti, à la vue de la céleste créature, une flêche lui percer le coeur.
Etait-ce les prémisses à une union mystique ?
Depuis la visitation de Sainte Nitouche, il se posait de curieuses questions.

Faisons une courte pause afin d'éclairer notre petite lanterne cartésienne.
Le vent de l'esprit souffle où il veut ce matin, ce qui ne facilite pas l'opération.

Réflexions
croisées
:

W.S.R :
" Tu m'embêtes ! "

Gisèle :
" Tu souffres de jalousie, alors ? "

Voila, dans les ténèbres de l'ignorance une minuscule lueur d'espoir brille maintenant.
Zut, elle vient de s'éteindre.

 

 

Continuons dans le noir comme si de rien n'était.
Et d'abord qu'est ce qu'une " union mystique " ?
Il serait plus facile de la définir par ce qu'elle n'est pas : une union mystique est complètement différente d'une union normale, autrement dite charnelle car dans cette configuration ce sont des esprits qui se rencontrent, s'attirent et s'interpénètrent (ah quand même !).
Innocent 1 : " Sans les mains, juste les esprits ? Et que font-ils de leur sexe ? "
Les anges n'ont pas de sexe, tout le monde le sait !
Innocent 2 : " Et que se passe t'il pendant leur union s'ils ne font rien ? "
Rien ! Ils connaissent juste une forme surnaturelle du bien-être ainsi qu'une totale complétude.
Innocent 3 : " Et ça dure combien de temps ? "
Un éclair ... ou une éternité, à ces moments tout est égal, le temps n'existe plus.
Innocent 4 (1195-1254) : " Ces pratiques ne me plaisent pas du tout ! "

L'union mystique

Innocent 5 regarde gentiment ailleurs mais Innocent 6 coupé G.T.I (Grande Terreur Intégriste) con damne en bloc la chose comme strictement impossible, sans intercesseurs agréés et jalousement certifiés, ni précautions d'usage interne.

 

C'est pourtant la lumineuse expérience que venait de faire con-jointement (justement non, vous n'avez rien compris), alors disons ensemble, Gisèle et Bertrand de façon inopinée (surtout pas !), mettons inattendue, à Larresinge au beau milieu d'un champ.

Comme deux feux-follets, les âmes conjuguées se ... se, se tripotent ?

Et ils en étaient là de leur mutuel émerveillement quand une goutte de pluie s'écrasa sur le gros nez du garçon (c'était son principal complexe), d'autres énormes gouttes ne tardèrent pas à suivre et une violente averse inonda bientôt le pré fleuri.
" Faîtes de beaux rêves ... " avait murmuré Gisèle avant de s'envoler en laissant flotter un léger parfum de paradis et quelques plumes duveteuses.

La visitation

Lapin.Blanc.Rapide reprit ses béquilles et se hâta de rejoindre son grand véhicule, un sourire extasié illuminait son visage ruisselant.
Il se coinca le doigt dans la portière sans presque ressentir la moindre douleur :
" Quel con ! " soupira l'amoureux transi par l'ondée.
" Tu ne l'as même pas vu ! " ajouta en ricanant son petit diable portatif qui s'agitait, pendu à son rétroviseur.
" Oh toi moule ton cake un peu ... " répliqua le garçon.
" Et son fion ? Et ses nibards, ils sont comment ? "

Le ravissement ascentionnel.

" Je t'interdis cochon, respecte mon ravissement ... "
" Oh, oh, oh ! " dit simplement l'autre impertinent.
" Vas, geins si tu veux mais reste tranquille, démon de midi* ! " conclut Bertrand toujours dans la joie de cette tactile visitation.
Et il voulait que sa joie demeure.

* midi : Il était midi, pile.

Il envoya dans le ciel à nouveau bleu, par la vitre entrouverte, de petits nuages laiteux supplémentaires.
Au dehors un immense arc-en-ciel se déployait en majesté.
Ce fût sa véritable première communion.

Maintenant Bertrand savait que tout ces beaux et grandioses nuages sont des particules de semence divine.
Son esprit s'était ouvert ... un petit peu trop.
Et on ne rit pas, soutenons le plutôt en entonnant pour lui un chant de louanges
circonstanciées, un hymne à sa joie pure en réaction de grâces :

 
 

 

" Un-deux-trois :
Les anges dans leurs trompettes vantent les plaisirs des cieux
Ils tournent en trottinettes pour attirer les curieux*

Refrain
Les anges dans leurs causettes, sont parfois bien séditieux
Normal, ils sont pompettes de dix, vingt nectars délicieux

Refrain
* Les anges dans leurs pipettes* font des mélanges audacieux
Ils vous roulent des clopinettes qui vous font croire au bon dieu

 

 
 

 

C'est charmant, c'est de qui ?
L'auteur préfère garder l'anonymat pour lui tout seul.
Tu m'étonnes.

* curieux : C'est le patron qui leur a demandé de faire du bruit, il trouve que c'est un peu trop calme, ma foi.

* pipettes : Petites pipes, mais graduées d'après Robert, mon cultivé et sensuel voisin de chaise.

* Refrain : On connaît le refrain.

Bertrand n'aime pas trop être dérangé pendant son extase, en fait il n'aime simplement pas être dérangé du tout.
Pourtant il l'est, en permanence.
Ca chante un peu faux mais le choeur y est ; Oreillette, au triangle pubien et Ventricule, à la viole de jambe, nous donnent le rythme cardiaque.
Tonnez sambours et mésonnez rusettes, surtout ne vous arrêtez pas car cette liqueur de larme est rouge !

 

Rapport médical

L'évocation finale, si elle ne manque pas de souffle, est totalement hermétique.
Pour ne pas dire plus car je reste poli.
Le sujet, suite à son union mystique (et le choc émotionnel conséquent), a perdu le fil de sa pensée qui va trop vite, il n'a plus devant lui qu'une pelote dense et emmêlée de possibles.
Qu'il examine systématiquement, même (et surtout) les plus surprenants.
Tout ça lui prend du temps et le fatigue beaucoup.
Dans ce cas il lui faut les pillules bleues, avec un verre d'eau bénite.
Si les symptômes persistent, doublez la dose jusqu'à leur extermination.
On verra bien qui résiste le plus longtemps.

 

Aperçus

A Larresinge, je m'entête d'épingle.
A cheveux cassants
Changer de pellicules

 

 

 

 
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