MARIE-FRANCE
Le 3 mai à Biziers

Bertrand est le seul joueur qui ne salit jamais son maillot car il a horreur de la boue.
Il ne s'empare non plus comme un buteur (pardon, un butor) du ballon, il préfère le demander poliment ; et on le lui donne :
" Merci, c'est gentil ; maintenant si vous pouviez arrêter de me suivre ... "
A lui après de courir jusqu'à un endroit tranquille où on essaiera plus de lui prendre.
Il pourra ainsi tranquillement le manger.

Bertrand devait passer impérativement à la poste pour y rêgler quelques sombres et ennuyeux problèmes d'extincteurs impayés.
Il s'en morfondait à l'avance, en plus il y avait une queue longue comme celle du marsupillami.
Heureusement la grande femme qui le précédait avait un popotin absolument remarquable et il eût tout le temps de le détailler vu qu'un seul guichet était ouvert, comme de coutume nationale.
Le désir est transmissible dit-on, ce devait être le cas car la dame en question se retourna plusieurs fois pour juger de celui du jeune homme.
Manifestement, elle sentait quelque chose dans son dos.
Marie-France était biterroise (ce qui en soi est déjà tout un programme), il l' apprit de sa totale indicrétion quand elle passa enfin au guichet.
" C'est malin, maintenant ma bite est roide ! " se dit Bertrand en langue d'oc, il abandonna ses affaires urgentes et cessantes pour suivre la belle à sa sortie de l'agence surpeuplée.

Au bureau de poste.


Elle marchait vite et pour ne pas la laisser se perdre à tout jamais dans la foule, il décida de tenter une interception.
Son radar lui indiquait la direction, la vitesse et la trajectoire probable de son objectif alors, tel un missile à tête chercheuse, un vrai P.A.F aptère, il fit à toute vitesse le tour du pâté de maison avant de se retrouver tout essouflé, mais l'air de rien, pile-poil devant elle à l'angle de deux rues.
Marie-France ne parut ni surprise, ni effrayée.

Elle était dans l'éclat d'une cinquantaine épanouie et Bertrand se sentit redevenir petit garçon ; sous le chaud soleil héraulltais, il fondait à vue d'oeil.

Tout en sueur il invita la dame à prendre un rafraîchissement bienvenu, en acceptant sa proposition intéressée, l'intéressée sauva la situation du canal du Midi.
Une fois assis à l'ombre, ils purent enfin discuter, Bertrand était en forme et fit souvent rire sa vis-à vis grâce à sa réserve de plaisanteries fines, et son jeu de mollet.

Il a toujours le gros mot pour rire.
Et plus c'est salé, mieux ça marche ... sacré Bertrand, quel con* vivant !

* con : Bon et con ce n'est pas la même chose.

On remarquera qu'il fait surtout rire les blondes, à part celle de droite qui ne comprend jamais les histoires.
Même pas celle de la blonde qui s'aperçoit soudain qu'elle est brune ?
" Vous pouvez répéter la fin, s'il vous plait ? Quelque chose m'a échappée ! "
" Tout vous échappe, très chère, en permanence. "

Bref, Bertrand faisait son intéressant et la grande biterroise le laissait faire, amusée.
Puis vint le moment délicat tant attendu et toujours redouté :

" Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? "

En vraie fille du sud-ouest qui n'a pas froid aux yeux (ni ailleurs) et adore le rugby, Marie-France suggéra à mots couverts une petite mélée, mais pas à quinze, seulement à deux.
L'idée tranporta de joie Lapin.Blanc.Rapide qui ne put que balbutier :
" D, d ... d' d'accord mais c'est à moi l'introduction ! "
" Evidemment ! " d'acquiescer son futur adversaire qui connaissait parfaitement les rêgles du ballon ovale.
Et qui promettait, vu sa grande taille, d'être une redoutable sauteuse, surtout en touches courtes.


" Je dois faire attention à ne pas me laisser surprendre... " se disait Bertrand concentré, déjà dans son match, tout en sautillant sur le palier tandis que Marie-France, elle aussi nerveuse, ouvrait la porte à trois points.
Le lieu de la rencontre serait son coquet appartement heureusement situé juste à côté (par simple facilité fictionnelle) ; elle aurait donc l'avantage de jouer à la maison mais Bertrand aurait le vent*dans le dos.

* vent : En fait un léger courant d'air bien agréable, les conditions étaient vraiment idéales.

Mélée fermée ouverte.

A peine arrivés, Bertrand donna immédiatement le coup d'envoi.
La partie fût très engagée et les deux adversaires se livrèrent à fond.
La pelouse en très bon état quoiqu'un peu humide, ce qui favorisait le jeu à la main et les attaques en profondeur.

Après plusieurs offensives infructueuses, Bertrand put enfin effectuer une percée de grande classe avant d' aller en terre promise, au beau milieu des longues perches, pour y marquer l'essai de sa victoire temporaire.
Qu'il transforma de suite avant de s'écrouler sur le flanc rebondi de sa partenaire.
Mais gràce à ses longues mains, Marie-France avait un merveilleux toucher de balles et surtout beaucoup d'expérience, ce qui est précieux dans ce genre de confrontation, elle contre-attaqua immédiatement avec ses lignes arrières si remarquables.

Mauvaise introduction, il doit reculer de dix centimètres, qu'importe, Bertrand s'empare du cuir et file le long de la touche après un (léger) renvoi aux 22.
Il refuse d'être plaqué encore une fois alors il crochète habilement, petit coup de pied (à suivre ?) pour lui-même suivi d'une belle feinte de fesse avant de s'écrouler hagard derrière la ligne de hanches.
Essai ?


Non, il n'est pas accordé car il n'a pas bien aplati, dommage, une si belle action !
Les esprits s'échauffent un peu, notre sportif lapin écope d'un avertissement pour plaquage trop haut, à hauteur de nichons.
Du coup il est furieux :
" Trop haut ou parfois trop bas ... on ne sait plus comment les prendre !
Avec des pincettes peut-être, pourtant elles ne sont pas en sucre* ! "

* sucre : Dors-je ?
Si oui, réveillez-moi à la mi-temps.

Bertrand était partout sur le terrain moelleux : trois-quart aile et un quart-cuisse ou alors un demi de mélée et l'autre moitié à l'ouverture où il faisait des miracles.
" Ecarte, écarte ! " lui criait le coach, c'était vraiment la clef du match.

En mélée, chacun poussait de toutes ses forces,
le résultat étant miraculeusement ... l'équilibre.


Arc-boutée sur ses deux infatigables piliers, le nez sur sa pelouse fétiche, Marie-France ne lâche rien.
Et Bertrand non plus qui ponctuellement tente un drop, en vain.
" Damned, encore à côté ... ça va bien finir par rentrer ! "
Eh bien non, et on dut aller jusqu'aux prolongations.
Sans parvenir cependant les départager tant la partie était serrée et les deux camps proches de leur meilleur niveau.
En tout cas ce fut une bien belle con-frontation, sans vainqueur, ni vaincu, et sans aucun mauvais geste à déplorer de part et d'autre.
Marie-France saluait les supporters biterrois le torse nu car elle avait bien " mouillé le maillot " comme on dit."
Et pas seulement le maillot ! " confia t'elle, épuisée mais radieuse, au correspondant local du Biziers Libéré.

Bertrand qui venait d'apprendre qu'il était nommé - Etalon d'or - de la partie (c'est rare pour un visiteur, et à domicile en plus !) déclare au même journaliste :

" Nous ne sommes pas là par hasard car pour faire une bonne partie de jambes en l'air il faut être deux, l'adversaire était à ma hauteur et je suis allé jusqu'au bout d'elle-même ... "
Marie-France intervient :
" Je tiens à rendre hommage à mon visiteur, viril mais correct, même s'il poussait parfois un peu de travers ! "

Bertrand rougit, il ne sait plus où se mettre, il tient encore à en placer une :
" Je voudrais aussi remercier notre divin coach, mes gentils parents, les jardiniers et ce merveilleux stade ultime ... "
Là il est manifestement ému, vidé et fatigué, il craque et ne sait pubien (pardon, plus bien) ce qu'il dit.

Laissons le reprendre son souffle car il a beaucoup donné, en fait ils ont tout donné, et donné aussi ce qui ne leur appartenaient pas, en propre.
Même si la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a, avant d'abandonner.
Comme il est de coutume dans ce merveilleux sport, les deux adversaires s'étreignirent longuement après le coup de sifflet final.

L'interview improvisée " à chaud ".

La fameuse troisième mi-temps fut longue, tendre et toute empreinte d'une maternelle douceur.
Bertrand caressait amoureusement son trophée :
" Etalon d'or ! ", il n'en revenait toujours pas, c'était sa première récompense sportive (et sans doute la seule avant longtemps).
Un petit vent frais soulevait les rideaux, Bertrand voulait communiquer sa joie :
" Marie-France, je vais la mettre en vitrine ... sauf que je n'ai pas de vitrine assez grande ! "
Une voix ensommeillée lui répondit doucement :
" Je t'en prie étalon, dort .... " .

 

Aperçus

A Biziers, quelle bonne estouffade !
Se taper dans le ballon
Aidera à digérer

 

 

 
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