SAINTE NITOUCHE
Le 4 mai à Genous

A Genous, comme partout, la vraie ville est ailleurs, juste en dessous.

C'est jour de pénitence pour Bertrand à Genous, accablé par un remords général, le poids de ses fautes et l'horreur de ses mauvaises actions, il est tombé face contre terre et n'en bouge plus.
Au bout d'un moment, il remue cependant une oreille. Il devait aller à con-fesse (non, surtout pas !) pour soulager sa conscience et se pardonner à toutes celles qu'il avait offensées, en pensées, en paroles et en actions.
Mais qui, pour la plupart, l'avaient bien voulu, cherché, provoqué, et souvent organisé.
En fait il n'était qu'une victime.
Latérale bien souvent, mais de bonne composition.
Jusqu'à un certain point qu'il vaut mieux ne pas connaître.

" Allons à l'église* où sonnent les cloches ... " finit par décider Bertrand pour sortir de son marasme et pour avoir l'impression de faire quelque chose. * église : Il lui restait de son enfance catholique et des laborieuses séances de catéchisme rural quelques morceaux épars de religiosité qui flottaient tels de fins cheveux sur sa soupe matérialiste trop épaisse. Même avec du beurre de missel ? . Et pourtant Bertrand a eu une catholique éducation.

La petite chapelle était normalement déserte, il y rêgnet une douce fraîcheur, un silence et une demie obscurité reposante.
Bertrand y entre avec précautions et ce qu'il faut de recouillement, pardon, de receuillement.
Autant pour moi.

L'intérieur de l'édifice était recouvert d'images, sans doute des ex-votos en remerciement à un saint local.
En fait, il s'agissait d'UNE sainte, comme le découvre bientôt notre curieux en déchiffrant quelques émouvantes inscriptions :
" Merci Sainte Nitouche qui m'a sauvé du démon de midi et quart. "
" Si belle et bonne Nitouche, grâce à Vous, je n'ai plus faim, jamais. "

Ul léger grincement, la porte du confessionnal s'ouvre, un long curé en sort pour se dégourdir les jambes. C'est l'abbé Chamel, l'occupant désoeuvré des lieux saints : " C'est gentil d'être venu nous voir ... il n'y a pas un chat ce matin ...

" Il a envie de causer expliquant au garçon encore distrait à quelle sainte il va se vouer :
" A Genous on adore (ou plutôt on adorait) Sainte Nitouche, sa statue était toujours à la même place depuis des siècles et les pierres en dessous sont toutes usées - regardez ! - par le frottement des milliers de genoux qui s'y sont succédés jusqu'à nos jours sans ...

Un soupir, puis l'abbé continue ... Nitouche fût recueillie bébé dans un chou par un vieux hibou plein de poux qui cassait des cailloux tout près de Genous, j'abrège, la jeune fille resta jeune fille longtemps avant d'opter définitivement pour une radicale chasteté ..."

" C'est déjà un martyr en soi ! " soupira Bertrand et il mit ses genoux légèrement cagneux dans les empreintes pierreuses, bizarrement, il se sentit de suite beaucoup mieux. "
Pour être martyrisée elle le fut, poursuivi l'homme d'église, et à de nombreuses reprises, je ne vous en ferais pas le détail, ce serait fastidieux.
Mais elle se comporta toujours en sainte ! "
" Enceinte Nitouche ? " intervint Bertrand qui par moments ne comprenait rien à rien.
Le clerc de Genous ignora miséricordieusement la remarque et reprit son édifiante histoire ;
" Sachez seulement que pendant tout le temps que durèrent ses tourments, Nitouche ne cessa jamais de sourire avec bonté ce qui finit par décourager même les plus acharnés de ses tortionnaires, à qui elle pardonna d'ailleurs bien volontiers leurs pauvres égarements... et ce avant même d'être arrivée au ciel !

L'arrivée remarquée.

Ou elle fût, inutile de le dire, très bien acceuillie par une véritable " standing ovation " paradisiaque et résolument moderne.
L'homme d'église s'interrompit un moment, il paraissait un peu gêné, mal à l'aise ... se penchant à l'oreille de Bertrand, il reprit tout doucement sur le ton du secret :
" Enfin ce que je vous ai raconté est la version officielle, canonnique ... "
" Pardon ? " demanda Bertrand qui ne connaissait pas tous ces mots.
L'ecclésiastique continua :
" La réalité est bien moins cruelle, et tout aussi édifiante, écoutez plutôt :
Notre histoire se déroule dans les derniers temps du paganisme, Nini (c'est notre future sainte) servait comme vestale dans le grand temple c'est à dire qu'elle y effectuait queques tâches ménagères tout en se préparant pour les jours de grandes fêtes vénusiennes.
A ces occasions elle et ses petites collègues se livrent à une forme de prostitution sacrée*.

* sacrée : La différence avec la prostitution, disons normale, c'est que la prostitution sacrée s'inscrit dans un rituel, un calendrier, un cérémonial précis.
Sinon c'est quand on veut, et surtout quand on a les sous.

Un texte antique gravé sur une stèle renversée nous en donne une idée fixe : Hymne à Vénus*, aussi appelé : Hymne à la fille de joie. Elle donne aux hommes de l'amour Elle donne aux hommes de la joie C'est une grosse pomme d'amour C'est une belle fille de joie . * * Vénus : Et son fameux mont dont l'escalade est recommandée à tous âges. Nini était donc offerte (pas vendue, nuance, ce qui ne veut pas dire que c'était toujours agréable) faisant religieusement le don de soi à la communauté et réalisant (peut-être) une forme d'idéal féminin, être totalement ouverte.

Lors de la destruction du temple par les chrétiens triomphants, on abattit les idoles (même celles des jeunes) et on barbouilla les autels de marbre sanguinolents avec des slogans vengeurs comme - Hercules on t'encule - Hermès : gros sac - Appolon, ton compte est bon - Jupiter, à terre - etc ...

Le temple de l'amour (enfin les sous-sols), il y a du passage.

Jupiter sonnant et trébuchant lui-même ne pouvait rien faire pour protéger son petit monde. Les beaux jours du paganisme étaient comptés, chichement.
Nini devenu simplement Nitouche (sous-entedu : plus) échangea ses transparentes falbalas et ses amulettes cliquetantes contre un sobre voile bleu marine.

Au début, ça lui a fait bizarre (elle se sentait toute nue) mais on s'habitue à tout, même à la chasteté ... " Nombreux murmures de protestation ... manifestement tout le monde ne s'y habituait pas. Mais on ne vous demande jamais votre avis. Après ces révélations sulfureuses, Bertrand était tout songeur : " Et la pureté*, la virginité, l'innocence ? " questionna-t'il les yeux au ciel. Là nous le soupçonnons de se moquer du monde, d'en faire un peu trop car ce qu'il pense vraiment, c'est que ce n'est pas son problème. * pureté : Dont il n'a d'ailleurs rien à faire n'en ayant qu'une immaculée conception, pareil pour la virginité, quand à l'innocence ... il faut voir.

" Allez je vous laisse en bonne compagnie, j'ai mes burettes à remplir ! " conclut l'abbé Chamel avant de s'éloigner et de disparaître derrière la sacristie.
Mais le garçon n'était déjà plus seul, la sainte était venue le visiter, car elle avait eu pitié de lui.
Et puis maintenant, il savait des choses sur elle .
" C'est vraiment gentil de sa part, moi je l'aurais précipité direct en enfer s'y faire rôtir les testicules ! " râlait un ange gardien des bonnes moeurs.
Mais Nitouche avait bon coeur et malgré son irréversible (?) chasteté, elle comprenait ceux que la luxure et la volupté égarent du nord.

Allez je vous laisse en bonne compagnie, j'ai mes burettes à remplir ! " conclut l'abbé Chamel avant de s'éloigner et de disparaître derrière la sacristie.
Mais le garçon n'était déjà plus seul, la sainte était venue le visiter, car elle avait eu pitié de lui.
" C'est vraiment gentil de sa part, moi je l'aurais précipité direct en enfer s'y faire rôtir les testicules ! " râlait un ange gardien des tradtions et des bonnes moeurs.
Nitouche avait bon coeur et malgré son irréversible chasteté, elle comprenait ceux que la luxure et la volupté égarent du Nord.

Purple Haze* ou Purple Rain, qu'importe cette lacrymogène céleste fit beaucoup tousser Bertrand, pleurer même et ses yeux irrités étaient rouges et gonflés.
Il les frottait machinalement l'un contre l'autre, et ça faisait des étincelles.

* Haze : Son confrère le lièvre préfère les hases pourpres, c'est bien son droit.

Il avait un besoin pressant de se soulager la conscience, il se précipite vers le sombre confessionnal : occupé !
Par une momie agenouillée et grimaçante ...
Le garçon en perd son latin et tombe fesses contre terre, sur son cul.
Mais monter en chair, ce n'était vraiment pas le moment !
" Surtout pour s'encenser ! ", c'est ce que semble lui dire Saint Ptôme dont la polychrome statue le fixe, Bertrand a les foies (à défaut de la foi).

* Surcoise : Ce saint n'a donc rien à faire ici, à Genous. Il a un oeil supplémentaire derrière la tête pour bien surveiller ce qui se passe, dans son dos.   On le reconnait facilement, il a un oeil supplémentaire derrière la tête pour bien surveiller ce qui se passe, dans son dos. Tout le monde aura donné son avis. Cependant Lapin.Blanc.rapide en a marre de se faire engueuler, ses oreilles lui chauffent. En suivant à tâtons la ligne des bancs, il parvient jusqu'à l'entrée, Il s'en sortait sans aucune pénitence, bien joué !

Le garçon ne pût s'empêcher (par hachis de conscience) en sortant de regarder sous les jupes des autres saintes alignées.
Rien à signaler, que du plâtre, ces voies sont donc impénétrables ...
Ravie de sa fumeuse petit farce, Sante Nitouche le regardait faire en secouant la tête.

C'est vers où la sortie... la lumière ?

A peine dehors Lapin.Blanc.Rapide tout ébloui se pose déjà des questions :
" M'a t'elle vraiment remis mes péchés de chair rose ... et pas seulement à plus tard, ou à quelqu'un d'autre ? "
Qu'importe, il se sent déjà plus léger débarrassé de son fardeau de culpabilités*.

* culpabilités : Dont le poids nous écrase autant que celui de la fameuse dette et avec la même impossibilité systémique de régler ce problème qui gonfle.
Et gonfle jusqu'à nous étouffer.

Sur le parvis, Bertrand tousse et recrache une vapeur colorée, c'est un authentique acte de contrition.
Et un bon point supplémentaire, bravo !
Après il avale un grand bol d'air, nature.
" Une journée entière à Genous nous fera le plus grand bien ! " pensait tout haut Bertrand, les mains jointes et les yeux au ciel, en sainte et bonne posture.
Qu'est ce qui lui arrive ?
Une soudaine conversion, une mystérieuse paroissienne ou l'oeuvre apaisante de Sainte Nitouche (déjà !) ?
C'est une question sérieuse car, suivant la réponse apportée, Bertrand allait se retrouver au paradis* nuageux, en enfer direct ou à son point de départ.

* paradis : Avec tous les seins ?
Non, pas ceux là.
Dommage.

* réponse : Vous pouvez envoyer vos réponses par S.M.S (Sa Majesté Spirituelle) au 36-15 Salut.
Les copains, vous contribuerez ainsi à sauver Bertrand d'un éternel ennui ouaté, ou d'incessantes mais supportables piqures.

Quand à passer le week-end avec Sainte Nitouche ... c'était mieux de ne pas y penser.
Mais Lapin.Blanc.Rapide y pensait quand même, et la bienheureuse n'essayait pas de le dissuader car il lui plaisait qu'on s'occupe d'elle.
Et qu'on célèbre un peu sa beauté, et sa vertu.

" Ca lui faisait une très belle jambe ! " approuvaient les saints, les autres saintes haussaient juste les épaules. " C'est vrai qu'elles sont pas mal ! " vérifia Sainte Nitouche en laissant négligemment dépasser ses gambettes potelées par dessus le cotonneux nuage. Ce qui n'échappa pas à Bertrand, grand amateur de ce genre de signes atmposphériques. Un petit peton se rapprochait insensiblement du sol dans un léger balancement, Bertrand tendit la main, c'était osé car il ne savait pas comment allait réagir celle qui était à l'autre bout.

Allait-elle le réduire en cendres, ou le changer en porcelet ?
Heureusement rien de tout ça, la facétieuse sainte se contenta d'arrêter sa céleste oscillation et de laisser les mains chaudes de Bertrand lui masser religieusement tarses et métatarses.
Puis il remonta jusqu'aux fines chevilles effleurant même le divin mollet, pour une fois il regrettait de n'avoir pas le bras assez long ...
Pendant ce temps Sainte Nitouche chantonnait dans les cieux, l'air de rien, n'osant se pencher plus de peur de glisser de son petit nuage.
Brusquement, elle se mit à rire aux éclats, Bertrand lui chatouillant la plante du pied avec une plume d'oie blanche.

Dans le silence receuilli et l'air raréfié, les échos cristallin de son rire de jeune fille bi-millénaire retentirent loin et fort, toutes les têtes studieusement penchées se retournèrent : ils étaient repérés ! Sainte nitouche remonta vite sa jambe dont la blancheur se perdit dans l'ouate profond. " C'est malin ! '" râla Bertrand en jetans la rémige coupable. Mais plus rien n'était grave car maintenant, il avait une patronne ... qui allait veiller sur lui.

Mieux, qui l'avait à l'oeil ... et lui en faisait quelquefois. Surtout quand il était accompagné. Ces faux-cils vivants et souples balayaient alors la campagne emportant tout sur leur passage irrité (un peu de Colyre peut-être ?). Il n'avait qu'à bien se tenir !

Aperçus A Genous bien* assis Et dûment équipé On attend le déluge * bien : Car mal assi ne profite jamais