SCHEHERAZZADE
Le 11 mai à Sauleterre

Rotation

Bertrand ne s'intéresse pas spécialement aux vieilles choses, disons qu'il préfère les jeunes choses, mais à Sauleterre les distractions sont rares alors pourquoi ne pas traîner au soleil entre les stands de cette foire à la brocante dominicale.

" C'est vrai qu'ici les distractions sont rares ... et les femmes aussi ! " se disait Bertrand légèrement maussade. Tableau Savane de Brossare Imitant le connaisseur, Bertrand examinait d'un oeil soupçonneux une peinture à l'ancienne, intitulée " Savane " et oeuvre d'un certain Brossare. " Un roi de la brosse ! " lui affirma le marchand. Il aurait pu aussi l'appeler " Ciel, mon méhari ! " songeait le garçon quand soudain, par dessus le cadre doré, entre deux potiches vertes glacées, il aperçut une silhouette qui réveilla d'un coup sec ses sens interdits encore endormis : " Ah, en voila une qui n'est sûrement pas une antiquité ! "

Pour se donner une contenance et pouvoir s'approcher l'air de quelque chose connu, il se plongea dans un examen approfondi et minutueux des vieilleries proposées.
N''y connaissant rien, il disait à peu près n'importe quoi, mais à ces instants il était capable d'improviser :
" Cette commode est, comment dire ... bien commode, sans doute de l'art coco, du fornica peut-être ... ou style empire, en pire ... " il délirait, l'oeil rivé sur l'objet réel de sa convoitise et de toutes ses intentions, l'antiquaire elle-même.
" Quelle merveille ! " appréciait langoureusement notre héros en caressant les fesses de plâtre d'une Vénus de Mélo.
Mais la nature se révélera toujours supérieure à la culture, même la plus raffinée.
C'est du moins ce qu'il put constater, les pupilles dilatées, quand l'accorte brocanteuse se pencha pour fouiller dans ses cartons.
" Combien pour ce ... truc ? "

La belle se retourna et Bertrand reçut le choc de deux yeux noirs et persans (pardon, perçants).
" Une orientale ! " se dit le jeune homme, épinglé comme un papillon.
" Monsieur est connaisseur ! " répondit gracieusement la gazelle qui avait depuis longtemps remarqué son manège enchanté, que dis-je, sa fantasia immobile, son cirque permanent son numéro gagnant, ses pointes courbes et ses entrechats rapides (facile pour lui !).
Presque trop rapides cependant, sa dernière réception (en l'honneur de l'ambassadeur) fût limite-limite.
Ayant manqué de peu de finir dans un rustique buffet, Bertrand décida de se calmer et d'engager la conversation, ou des négociations, pour parler.
" Euh, vous n'avez rien de plus oriental, bafouilla l'amateur, un tapis volant, un nanarghilé, un certain charme (non, ça vous l'avez !), un désert sous vide, une lampe, à pétrole bien sûr avec le buste d'un dictateur (connu si possible ; mort, ce n'est pas grave) artisanalement soudé ... ou des assiettes qui s'accrochent avec des chameaux et des palmiers, comme chez ma tatan ? "
" Le poisson a mordu et il est ferré ... constata la jeune femme qui était aussi (et surtout) une bonne commerçante ... profitons de nos appats pour l'emmener doucement dans l'épuisette, puis dans mon petit panier sans trop le faire souffrir* "

Schehérazzade lui proposa pour 300 euros un lot d'affreux loukoums en céramique turquoise, à vomir plusieurs fois, Bertrand fonça au distributeur et revint à toute allure son argent à la main.
Pris d'une subite impulsion, Lapin.Blanc.Rapide glissa les billets tout neufs dans le corsage rebondi de l'antiquaire stupéfaite comme il l'avait vu faire dans les comédies musicales égyptiennes.

Il rentra en fin d'après-midi à son hôtel et comme il avait de longues nuits de sommeil en retard, Lapin.Blanc.Rapide se coucha tôt, et s'endormit aussi tôt.
Avant de fermer ses yeux déjà rêveurs, il regarda une dernièe fois son achat, son " coup de coeur " du jour, ses loukoums bleus et brillants que la lumière de la pleine lune caressait, les rendant légèrement phosphorescents :
" Finalement ce n'est pas si moche, sous certains éclairages ce serait même ... pas si moche ... "
Il repensait à Schéhérazzade, bien décidé à lui en faire voir de toutes les couleurs de l'orient durant la nuit songeuse où ils avaient l'obligatoire rendez-vous.
Bertrand éteignit la lumière, s'installa confortablement et bailla, la séance allait bientôt commencer.
Il en aurait largement pour ses 300 euros !
" 1OO1 nuits avec elle ... " se plaisait-il à s'imaginer, perdu dans les gazes et les mousselines.
" Ca fait quand même 1001 jours aussi (comme il est intelligent !) ... ça fait réfléchir ! "
Bertrand rentra en fin d'après-midi à son hôtel et comme il avait une longue période de sommeil en retard, se coucha tôt.

Avant de fermer ses yeux déjà rêveurs, il regarda une dernièe fois son achat, son " coup de coeur " du jour, ses loukoums bleus et brillants que la lumière de la pleine lune caressait, les rendant légèrement phosphorescents :
" Finalement ce n'est pas si moche, sous certains éclairages ce serait même ... pas si moche ... "

Il repensait à Schéhérazzade, bien décidé à lui en faire voir de toutes les couleurs de l'orient durant leur confidentiel et secret* rendez-vous.

* secret : Lui seul était au courant.

Bertrand éteignit la lumière, s'installa confortablement et bailla, la séance allait bientôt commencer, c'était le générique.

Rêves d'exotisme, le décor est planté cependant un canapé volant, c'est plus confortable qu'un tapis.
Il en aurait largement pour ses 300 euros !

" A nous deux Schéhérazzade.... " furent ses dernières paroles, puis il s'endormit comme un bébé adulte ; il se bercerait tout seul. Ses rêves furent, comme à l'accoutumée un vrai souk, ou le grand bazar où s'allient Babar et les quarante violeurs..
Le garçon se réveilla en sursaut et en sueur, il faisait anormalemnt chaud dans la pièce, la lune énorme et blafarde était à l'aplomb de sa fenêtre et ses rayons heurtaient avec un bruit cristallin l'assiette aux sept loukoums.
Sous la spectrale caresse les friandises se mettent à frssonner jusqu'au moment où les cocons rectangulaires s'entrouvrent et que sept petites houris d'une dizaine de centimètres en jaillissent dans un nuage d'encens.
Bertrand est sous le charme ... est-il en plein mirage ?
Il interroge doucement la danseuse la plus proche qui parle (heureusement) français :
" Comment t'appelles tu ? "
" Schéhérazzade ! "
" C'est joli, et toi ? "
" Schéhérazzade ! "
" Bien, c'est pratique, et toi ? "
" Schéhérazzade ! "

Bertrand avait compris, ces houris s'appelaient toutes Schéhérazzade, à moins que cela ne signifie bonjour dans leur langue minuscule.
A la loupe il avait pu constater qu'elles avaient de bien beaux atours, et des tatouages au henné.
Jusque sur les nénés.

Les 2x7 boules de cristal.

Lapin.Blanc.Rapide s'installa commodément entre les coussins pour jouir de son spectacle.
Dés la sortie de leur sarcophage sucré, les houris s'étaient mises à danser, tourner, virevolter en poussant de stridents youyous tout en tapant sur leur petit tambourin.
" Vous allez continuer longtemps ? " demanda t'il abasourdi.
" 365 minutes (un peu moins maintenant), c'est le temps qui nous est compté à chacune de nos réanimations de Lyon, après nous éclatons comme des bulles de savon ... alors nous en profitons au maximum, youyouyouyou ... "

Bertrand arrangea ses deux boules (Quièce ?) en les regardant se trémousser, ce soir c'était lui le pacha :

" Dansez sur moi ! " leur demanda t'il très fort à un moment.
Quel délicieux massage que celui de leurs petits pieds nus.
" 365 minutes, ça ne fait jamais que 6 heures ... un peu plus bas, s'il vous plait ... "
Il se croyait dans le désert et il était leur dune.
L'orientalisme est une curieuse maladie, mentale. " Youyouyouyou ...
" On aurait dit un mariage. "
Super ces boules ! "
Bertrand n'entendait même pas les hurlements des V.R.P concurrents et motivés qui remplissaient l'hôtel du Saule ... et qui n'aimaient pas tous la musique orientale.
A ce qu'il semblait.

Aperçus A Sauleterre, j'évite le cimetierre Où je suis très attendu Aux tourments.