CECILE
Le 11 avril à Castelemou

A la vue de la poulette esseulée, l'enthousiasme du garçon est manifeste.

Bertrand avait depuis son réveil le coeur au bord des lèvres suite à ses agapes médicamenteuses et survitaminées de la veille.
Mais le 11 avril est jour de fête à Castelemou et ça tombait très bien après une après-midi d'âpres négociations et d'interminables marchandages avec des clients méfiants, tatillons et radins, Bertrand avait bien besoin de boire un coup.
" Qui gagne sa vie la perd ! " affirmait déjà en son temps lointain un agitateur sémite et il avait bien raison ; les flonflons de la kermesse lui parvenait de loin, encore étouffés, le garçon se sentait indiscutablement de mauvais poil, même pas pubien.
Il s'approcha prudemment.
La fête en l'honneur des dindes* battait déjà son plein de visiteurs titubants et l'hécatombe de phasianidés était conséquente.
Accrochés par rangées entères la tête en bas, c'étaient bien eux les dindons de la bonne farce.
" Pourquoi faut-il sacrifier d'autres êtres à notre plaisir ? " se demandait Bertrand en fixant une peite tête aux yeux morts et au bec sanguinolent.

Il ne devrait pas se poser de pareilles questions qui n'ont bien souvent qu'une seule et tautologique réponse : parce que (sous-entendu " c'est comme ça ", sans oublier le meurtrier et sempiternel " depuis toujours " qui conclut en le refermant sur lui-même, le non-raisonnement).
Aujourd'hui en tout cas il était bien content d'être un lapin.

* dindes : Vraies ou fausses, il faut se les farcir !

 

Bertrand avisa une guinguette lampionnée, et assise dans la guinguette une charmante poulette qui semblait s'ennuyer à merveille ; il se sentit de suite beaucoup mieux.
Il redevint renard mais sa proie, cette appétissante cocotte était cernée de coqs costauds, avinés et potentiellement agressifs.
Il fallait trouver une ruse pour les éloigner, dans ces situations tendues (et il l'était beaucoup) Bertrand n'était jamais à court d'idées.
Dans l'estaminet voisin trônait un grand poste de télévision, en douce il l'alluma, comme d'habitude il y avait un match de football *.
Bertrand rêgla le son à fond avant de sortir.

* football : Curieux, ça n'est jamais finit comme si on rererefaisait le match en continu.

Comme il l'avait prévu, en quelques minutes toute la clientèle masculine fût scotchée à l'écran animé, la voie était libre.
La poulette n'avait heureusement pas bougé, elle s'appelait Cécile, était jolie comme dans la chanson ( Ah ces cils !) et se faisait suer avec beaucoup de grâce.
Et de fossillité.
Pris d'une poussée poétique fièvreuse, Bertrand lui proposa d'aller cueillir et effeuiller les marguerittes ou chrysanthèmes des prés (ce soir, il était inspiré).
Cécile voulait bien bouger de là, il la souleva de ses bras maigrichons pour lui éviter de salir sa belle robe dans les bouses de vache.
lls sortirent péniblement de Castelmou (heureusement, c'est vite fait) sous les lumières polychromées et clignotantes.

Le discret éloignement

C'était l'heure du gavage des oies blanches ...
Les flonflons et les échos de la fête au village leur arrivaient tout assourdis et, vu de loin, Castelemou illuminé leur apparaissait comme un gâteau d'anniversaire géant oublié par un ogre distrait.

Ce petit raidillon les avait amener nulle part.
" Il est grand temps de se rapprocher, humainement parlant ... " dit vite Lapin.Blanc.Rapide en apparté à Bertrand.
" Fais lui peur ! " suggéra l'animal en lui.
" Bonne idée ! " acquiesca le si vil séducteur et il poussa discrètement de gros cailloux dans les épais fourrés.
" Là, il y a de grosses bètes qui s'approchent, sûrement une troupe de sangliers furieux ! " annonça Bertrand, alarmiste.
" Maman ! " s'écria Cécile en se blotissant contre lui, le garçon referma ses bras protecteurs sur sa proie future, sa victime désignée.
" Ne crains rien, je suis là, et là, et là aussi ..."
En fait, il était partout, jetant régulièrement d'autres pierres alentour tout en imitant le cochon lubrique :
" Rrrhon, rrrhon, rrrhon ..."
Il faisait très bien le goret en rut dont il avait d'ailleurs tout le lascif comportement, et aussi le tempérament farceur.
Tout, sauf la queue en tire-bouchon.
" Ce soir, pour changer, c'est le cochon qui se fera le boudin ! " pensait-il sérieusement.
Il fit rouler encore quelques rochers, Cécile s'agrippa.fort à lui.
Bertrand aimait la sensation et émit quelques grognements de satisfaction supplémentaires.
" Rrrhon, rrrhon, rrhon* ! "

* Rhhon : Traduction proposée : Je suis des truies.
Une erreur a pu se glisser entre nos soies entrelacées.

Cours de sciences naturelles en direct :
1) Bertrand (B) et Cécile (C) se rencontrent ino-pine-aimant.
2,69) B et C font conne-essence
3 +) C'est le grand moment, on se culbute dans les humides bosquets.
4) Après on se sépare comme on peut.

Attirée par ces curieux cris, une troupe de laies les regardait faire.
" Le malheur des truies fait le bonheur des autres ! " soupira la première.
" Oui, mais il ne faut jamais faire aux truies ce qu'on ne voudrait pas qu'elles nous fassent ! " dit une autre cochonne qui avait des idées bien arrêtées.
Il en faut.
" Ils ne sont pas laids ! " ajouta fascinée la plus jeune que ce spectacle en ombres chinoises ravissait complètement.
Sans délai et à leur imitation, deux petits mocassins* se frottaient le groin, comme ça, pour s'amuser dans le sous-bois, tant qu'on est jeunes.

* mocassins : On reconnaît le mocassin à son élégance et le marcassin à son contraire.

Réflexions croisées :

W.S.R :
" Que fais tu ?! "

Cécile :
" Tu recommences encore, la barbe !
Tu dois m'expliquer autre chose ! "

" Dans ce cochon, tout est bon ! " soupirait Cécile.
" Lay, lady laie ... " chantonnait Bertrand qui avait complètement changé de disque.
Enfin on verra ce con verrat car entre reproduire et se reproduire, il y a un grand écart de conduite.

Ils sont si gracieux que toutes les bêtes viennent les regarder, même les petits rats des villes.

Question du jour :

Dans cette histoire Bertrand est-il :
a : un lapin rapide ?
b : un cochon lubrique* ?
c : un biquet gentil ?
d : un violeur à lunettes et idées noires ?

Les 100 000 premières (et bonnes) réponses
recevront de l'aide.
Promis.

 

* lubrique : En ce cas, dans quel sale type de lubrique le classeriez-vous ?
Lubrique réfractaire, d'emballage, au thon ou à braque ?
Ce duo d'amour sylvestre se prolongea d'un fougueux et acrobatique* pas de deux.

* acrobatique : Bertrand y gagna son surnom de " casse-noisette ".

 

Les petits rats des champs plus prévoyants continuent d'amasser des provisions pour la mauvaise saison des amours.

Avec une étoile montante, c'est plus facile.

" Et hop, je m'envole ! "

Sur les pointes il ne tient pas longtemps, ce garçon est meilleur dans les entrechattes.
Bertrand ne peut s'empêcher de regarder sous le vaporeux tutu blanc de sa partenaire ...
" On va finir par se péter la gueule ! " lui dit la ballerine inquiète.
" Et on finira dans le petit lac des cygnes mauvais et querelleurs ... "

" Attention, maintenant ils leur faut de la place, reculez les blaireaux, encore plus loin ... et on ne brâme pas pendant cinq minutes s'il vous plait, pareil pour les crapauds ! "
Nos étoiles filantes ont bien pris leur élan, elles arrivent à la vitesse de leur lumière - Vvouieee -
" Poussez-vous, plus rien ne peut les arrêtez maintenant ! " - Vvouieee -
" Projetons-nous ! " crie Bertrand en avalant quelques moustiques.
Mais la pesanteur a ses lois.
Plouf ... plouf ...
Une inconsolable lectrice veut intervenir :
" C'est bête que ça finisse comme ça parce que jusque là c'était émouvant.
Après beaucoup moins, quel dommage ! "

L'auteur ne veut surtout pas faire de peine :
" Enfin, personne n'est mort, ou ne s'est fait mal !
Leur histoire d'amour et juste tombée à l'eau, elle y fera peut-être quelques ronds, si quelqu'un veut l'acheter ... au fait, c'est comment votre petit nom, si sensible personne ? "


Aperçus

 

A Castelemou, le fond de l'air est doux
Et bizarrement mou
Aux extrémités

 

 

 

 
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