BENEDICTE
Le 12 avril à Bazamet

" Grande exposition mycologique Salle polyvalente de Bazamet "

Le message s'affichait en points jaunes sur le tableau électronique noir.
" Allons-y gaiement, il y aura peut-êtres quelques sales polyvalentes ... " se dit Bertrand à qui décidemment les calembours véreux ne font jamais peur.
Il trouva rapidement l'endroit semblable à tant d'autres dans sa fonctionnalité bicolore ; à l'intérieur c'était, le moins qu'on puisse dire, tranquille.

Une poignée de bazamétains circulaient lentement entre les vitrines en murmurant de rares commentaires ; Lapin.Blanc Rapide s'intéressait plutôt aux bazamétaines mais les quelques représentantes du beau sexe présentes avaient déja atteintes un âge canonique* qui les mettait définitivement à l'abri des entreprises de l'immaculé lagomorphe.

* canonique : Cet adjectif ne signifie pas qu'elles étaient des canons (ou des boulets), elles le furent sans doute il y a un certain temps ; tout ça est bien triste.


Entrée de la salle polyvalente.

L'apparition d'un groupe d'écoliers (et surtout de leur institutrice) réveilla l'attention vacillante du jeune homme :
" Ah voila qui nous change agréablement des moisissures ! "
Avec sérieux, la jeune femme expliquait tout sur les champignons , leurs spores favorites, le rôle de l'asque, et celui, encore plus curieux, de la facétieuse baside ... ;
Bertrand buvait ces paroles, jusqu'au bord des lèvres érudites.
" Je devrais lui demander de me montrer ses bons coins ! " rêvait le garçon tandis que la jolie maîtresse*, penchée sur les virtines, tentaient vainement d'éveiller la marmaille aux mystéres de la création.
Et de la fécondité.
" Nous y ferions la cueillette ... " pensait Lapin.Blanc.Rapide en fixant le pédagogique postérieur.
Les gamins riaient ; lui, comme il aurait été sage !

* maîtresse : Joli et souvent, premier mot d'amour.
Premiers émois (et moi !) et premières interrogations :
Qu'est-ce qui se cache sous sa jupe ?
Le début des mystères de l'ouest ?
Ou la fin ?

Toujours penchée sur sa vitrine, l'institutrice demanda :
" Alors les enfants, avez-vous vu et apprécié toute cette beauté ? "
" Oh que oui ! " s'écria Bertrand.
La dame se retourne et le regarde, étonnée.

La beauté c'était elle sauf ... sauf qu'elle devait avoir le même chirurgien que Bambi.
Son of a biche !
Son pauvre nez... quel dommage, et quel massacre en blouse blanche !
Maudits soient ceux qui s'ingénient (et parviennent) à nous persuader que nous sommes vilains, ou imparfaits et que nos particularités sont des défauts.
Bertrand n'est pas beau, son miroir le lui répète tous les matins, mais bizarrement il plait, plutôt il intrigue, suscite l'étonnement, la curiosité ou l'envie de rire, ce qui est encore mieux.
L"important étant de suçoter (pardon, susciter) quelque chose.
La classe verte était repartie el le silence retombé sans faire le moindre bruit.

 

Le garçon observait de plus prés un magnifique spécimen sêché de Morchella Pézizalus* quand la porte du gymnase municipal contigu s'ouvrit avec fracas pour laisser le passage à une autre création de Dame Nature.

* Morchella Pezizalus : Quel joli nom, vous n'auriez pas ces coordonnées ?

Toute ruisselante de sueur, les pieds nus, son kimono blanc ouvert laissant entrevoir une gorge toute palpitante sous l'épais tissu (Bravo, ça c'est érotique, félicitations !), une vision de soleil se levant tôt, la naissance de Vénus version kung-fu.

La fougueuse judoka dans son kikimono (Bertrand aurait préféré un monokiki, ou mieux, une karatékaka).

Sa passion mycologique fût instantanément balayée et les arts martaux occupèrent dés lors tout son esprit, car la nature a horreur du vide.

La karatéka saluait ses homologues, masculins pour la plupart, selon la tradition, ce que fit aussi Bertrand qui s'inclina trois fois à son passage.
Cela surprit la jeune athlète, encore toute bouillante des assauts précédents, elle lui proposa de suite une combative séance : " Nous travaillerons au sol (d'accord !), l'immobilisation, puis les différents types d'étranglements ! "

Lapin.Blanc.Rapide frissonna
" Pour le kara, o.k mais d'abord allons prendre un rafrachissement, vous en avez besoin ..." puis il se dirigea vers ce qu'il croyait être la sortie.
Et qui n'était qu'une grande glace occupant tout le mur opposé, le garçon se retrouva assis, légèrement groggy, il n'était pas passé de l'autre côté du miroir.

 

Bénédicte le regardait, sans rire, elle semblait se poser quelques questions à son sujet.
Il tenta alors une humoristique approche en se massant l'occiput :
" Personnellement je préfère le aïkidodo ... "
La martiale jeune fille ne comprenait manifestement pas la plaisanterie, mais elle voulait bien boire quelque chose. Le bedonnant Bertrand pense t'il sérieusement pouvoir apprivoiser ou tenir tête à cette excitée qui saute en permanence aux quatre points cardinaux ?
Oui, car il ne doute de rien.
Ils allèrent s'asseoir.

Bénédicte prit un mélange survitaminé, elle parlait de ses combats, de discipline de fer, d'ascèse, de privations et de maîtres lointains aux noms imprononçables, Lapin.Blanc.Rapide écoutait vaguement.
Sans répondre car il n'y connaissait rien, les seuls champions qu'il admirait étaient les golfeurs qui pouvaient se faire dix-huit trous en quelques heures, lui, il lui fallait au moins trois semaines !
La conversation se languissait un peu quand Bertrand se retourna discrètement pour regarder passer une beauté locale, à cet instant, un coup violent sur la nuque le fit dégringoler de sa chaise en plastique.
Il se releva en se massant l'arrière du crâne, Bénédicte le regardait d'un air furieux et le garçon comprit qu'il avait affaire à cette sorte de femme que d'habitude il fuyait absolument : une jalouse.
Bénédicte était en effet maladivement possessive, l'ayant compris Lapin.Blanc.Rapide aurait pu (et du) prendre le large en quelques bonds.
Il choisit de rester pensant l'amadouer par des délicatesses sucrées, de doux propos et quelques fines allusions notamment sur la fameuse " planchette japonaise* " dont il prétendait être un adepte résolu.

* japonaise ; Comme l'e-pon nippone ; l'e-pod lui, se fait avec les pieds en dedans.

Bénédicte finit par se calmer et devant l'intérêt persistant du jeune homme accepta de lui donner une leçon particulière sur son tatamimi perso dans sa maison tiute proche.


Ce n'était vraiment pas une bonne idée, en quelques minutes le garçon fût sur le flanc.
La fille le poursuivait dans les différentes pièces, le terrassant immanquablement avant de s'asseoir et de le regarder tout en se caressant le minou (là ça allait).
Le garçon était aussi moulu que Jacques Vabre et commençait à en avoir sérieusement marre.
Bénédicte restait devant la porte d'entrée, sautillant sur place tout en faisant de grands moulinets avec les bras.
t en poussant d'affreux cris qui n'avaient rien d'amoureux.

 

 

Art partial : la terrible " prise de tête "

Pendant tout ce temps, Bertrand restait tranquillement assis, en attendant que ça se passe.
Que " ça " se fasse il n'y pensait même plus, il aurait eu trop peur.
Il joignait régulièrement les mains en signe d'apaisement.
Avec son plus large sourire.
D'ailleurs la seule prise que Bertrand connaissait (et pratiquait régulièrement), sa terrible " prise de tête " n'aurait eu aucun effet sur cette fille de Bazamet, elle n'était simplement pas au courant.

 

Des photographies d'hommes chauves s'alignaient dans le vestibule, vu leur grand-âge (et leur sérénité) il y avait peu de chances pour que ce soient les amants de sa jeune et fracassante hôtesse.


Qui sait, elle l'aurait peut-être préféré avec une longue barbe ?
Tout les goûts sont dans la nature et il était bien placé pour le savoir.
Il eut une crise subite de spiritualité comme une poussée de fièvre ascendante, il quitta (oh légèrement !) le sol.
Cet infime prodige n'échappa à l'oeil aiguisé de Bénédicte.
Comme il lévitait, elle ne l'éviterait plus mieux elle deviendrait sa fidèle* disciple, elle se prosterna longuement.
Dans la glace placé derrière elle, Bertrand les yeux mi-clos observait le postérieur dressé.
Sa Bandéité appréciait, quelle offrande !

* fidèle : Pas trop quand même.

Sa Positivité soulève le garçon, irrésistiblement.
Une incroyable transformation, mais somme toute logique car comme tout bon séducteur, Bertrand se doit d'être pragmatique (et obstiné) afin de s'adapter en temps réel à toute nouvelle exigence, ou demande express, ou caprice de gamine.
Pour cela, il faut rester souple et protéiforme.

 

  La nouvelle situation promettait d'être des plus satisfaisantes, sa dévouée disciple étant aux petits soins pour lui.
Pour la remercier de son hospitalité, il était prêt à lui à lui révéler certaines choses ... encore secrètes.
Tout en jouant avec la ceinture noire de la lunatique jeune fille, il lui promettait un nirvana tout proche, à portée de ses petites mains aux ongles coupés ras.
" Ce sera la Grande Initiation (espérons-le !) ... " murmura t'il d'un ton en dessous de la ceinture, un peu plus bas.
" Jusqu'à quand gourou ? " demanda la disciple, soudain égarée.
" Le changement d'herbage réjouit les veaux ! " lui répond mystérieusement le faux-maître (mais vrai obsédé) en s'insinuant comme un serpent dans le kimono béant.

Sa Lubricité himself

Ce nouveau maître spirituel est très exigeant.


Sa Verticalité se sentait pleine à ras-bord d'une immense énergie spirituelle, allait-elle déborder ?
Comme du lait sur le feu ?
Non, ou plutôt si ... trop tard !
Mais Sa Sensualité se réveille bientôt, elle stimule sa sexualité, et sa curiosité à nouveau ... "
Excusez ma stupide question, Votre Relativité, mais qu'en est-il de la communion promise, et de sa simultanéité annoncée à grands coups de trompes ? "

" J'y arrive, restez bien con-centré surtout, Sa Félicité s'occupe de tout ! " assura Bertrand, c'était à son tour de se prosterner.
Et de la célébrer.
 

L'endroit s'y prêtait, sur le balcon les petits autels se succédaient, signe évident de mysticisme.
" Et tous verticaux, hum,hum ... " remarqua en passant Sa Spécicécité, pardon, Sa Spécicifité, merde, Sa Spécificité !!!

Son Exentricité ne se sentait plus de joie.
" Et après la prosternation, la pénétration ! " annonça t'il fièrement.
" Euh, il n'y a rien entre les deux, Vôtre Obscénité ? Etes vous vraiment sûr de n'avoir rien oublié ? " s'inquiétait la scrupuleuse Bénédicte que la simplicité de ce rituel étonnait.
" C'est la voie rapide ! " s'impatientait le lapin gourou*.
" Après on mettra de l'encens partout ! "

* gourou : A quand le toucan gourou ?

Sa Lubricité défit la sombre ceinture ; à son (grand) étonnement, sous le premier kimono, il y en avait un autre à ceinture dorée ... et dessous encore un autre, avec une ceinture couleur chair de poule.
" Je me damne* ! " murmura Sa Voracité, radieuse.

* damne : Le septième.

Il venait de découvrir un petit corps d'ivoire* tout blanc, et lisse comme une statuette esquimaude ...

* ivoire : De la défense de morse, sans doute ; mais sont-ce les bonnes morses ?
Enfin on a beau dire, la défense d'ivoire c'est ce qu'il y a de mieux.

Contre les curieux.

 

L'initiation finie, profitant d'un assoupissement de sa plus farouche disciple (devenue une belle endormie), Sa Spécificité se faufila par la fenêtre de la cuisine qu'il laissa grande ouverte, enjamba soigneusement les bégonias doubles avant de se retrouver dehors.
Avec la seule compagne qui lui convienne vraiment : la liberté inconditionnelle.
Sa bondissante geôlière pensera qu'il s'était envolé.
Et Sa Lubricité était satisfaite.
Bazamet comptait un maître spirituel de plus, mais la ville semblait complètement l'ignorer plongée qu'elle était dans sa quotidienne anesthésie télévisuelle.
Tant pis pour elle, et sa tranquillité.

 

Aperçus

A Bazamet mucho
Et besa me macho
Sous mon épais poncho

 

 

 

 
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