CLAUDIA
Le 10 avril à Figelac

 

Bertrand était exténué, un collègue représentant croisé sur la route lui avait confié que depuis le premier avril il n'avait pas débandé.
" Moi non plus ! " répondit le garçon tout pâle.
Mais si le bon dieu s'arrête pour se reposer le septième jour, Lapin.Blanc.Rapide a bien le droit à une petite pause, un break commercial, un interlude ou plutôt un inter-coït.
Il dégota un hôtel E-bis rouge au pied du contournement qui longeait la bretelle de Figelac, s'y enfermit et dorma trop longtemps.
Il se réveilla en sursaut : cinq heures de l'après-midi ... et il était toujours aussi fatigué, son bras levé retombait sans cesse quand à son ..., vous m'avez compris.

Une petite cure de vitamines s'imposait, le temps d'aller à Figelac* pour y trouver une pharmacie ouverte et se refaire la santé.

* Figelac : " Voir Figelac et mourir ... " disait le panneau, Bertrand avait survécu.
De justesse.
En fait, il est difficile de voir Figelac, la glomération étant en grande partie recouverte par un complexe entrelacement d'échangeurs, de voies express et de coûteux péages.
Vu d'avion on peut voir le petit lac (en bas à droite) et une partie de la ville encore à l'air libre (à gauche).

Le garçon fit provision de remontants, de stimulants, d'excitants et de vaseux dilatateurs, puis, prenant à part le pharmacien, il lui demanda avec un sourire niais (mais complice) :
" Il me faudrait aussi du Tchicatchic, douze boites. "
" Vous savez que c'est pour les animaux ? " questionna l'apothicaire intrigué ; Bertrand fit signe que oui.
" Vous avez une ordonnance ? " demanda encore l'homme en blouse blanche.
" Non ... mais j'ai une photo de ma femme ! " inventa le facétieux garçon.

C'était risqué car il n'avait pas de femme, il n'avait donc pas de photo* non plus, mais ça avait marché.
Il avait bien une photo dédicacée de Claudia Choufleur (toujours !) sur lui, mais on ne l'aurait pas cru ... et puis elle est si inhumainement belle ; c'est d'ailleurs aussi son travail.


D'autres le sont moins, parfois beaucoup moins ...
Bertrand ne sait pas dire laide.
La laideur étant pour beaucoup dans les yeux de celui qui la voit, sinon cela s'appelle la réalité.
Pour un crapaud, rien n'est plus désirable (donc plus beau) qu'une pustuleuse et gluante crapaude ; au point que dans sa folie génésique il pourra même noyer la charmante et baveuse amphibienne en lui montant à cinquante dessus.
" La vraie beauté est intérieure ! " se récita encore, pour s'en convaincre, le garçon qui l'avait lu* quelque part.
Le problème étant qu'il ne la voyait pas bien, ébloui qu'il était en permanence par les signes extérieurs de la féminité.

* lu : Peut-être dans - Les mémoires de la femme à barbe bleue - ?

 

 

  Lapin.Blanc.Rapide va t'il boire tout le flacon de potion magique ?
Oui, car qui peut le moins peut le plus et d'ailleurs qi'importe le flacon pourvu qu'on est l'adresse.
Du fabricant.

 

Il revint à l'hôtel avec ses deux grands sacs plastiques et remontit de suite à sa chambre pour y commencer sa cure de jouvence chimique.

Bertrand mangea un peu de tout, avec des chips et du Fanta*; après il se sentit mal et s'allongea un moment.
Pour digérer le tout, et faire son rot.
Il en fit plusieurs, énormes avant d'être pris d'un insupportable hoquet, ensuite il sombra à nouveau régulièrement secoué.

* Fanta : La boisson de tous les fantasmes.

 

Quand le lapin rouvrit ses yeux rouges, le hoquet avait disparu mais il ne savait plus bien où il était, ni qui il était, ou s'il était seulement quelque chose.
Bertrand venait de faire un affreux cauchemar où les filles se transformaient en curieux hommes ... changeons vite de programme.
Il appuya sur les boutons de la félécommande
comme il aimait le faire dans ces endroits où tout fonctionne merveilleusement.


La télévision s'illumina et des milliers de lapins australiens surgirent du sable brûlant, sans même un chapeau ; ce documentaire animalier présentait les ravages que causait leur incontrôlable prolifération, les conséquentes hécatombes et la nouvelle barrière électrique de protection.

Les pauvres lapins paniqués couraient de partout.


" Ce n'est pas de leur faute, ils n'ont pas demandé à aller là-bas ! "
Lapin.Blanc.Rapide était outré, il voudrait se transformer en - Rongeur masqué - celui qui protège ces inoffensives bestioles.
Qui en auraient bien besoin, car sur le petit écran, ça ne s'arrangeait pas pour elles (foi de bébé phoques).
" Ils sont vraiment dingos ! " conclut notre féléspectateur, avant de zapper ces images d'épouvante.

 

Il ne gagna guère au change, se retrouvant sur ANAL + pour assister désolé à la quotidienne retransmission de
" La Grande Enculade " le jeu félévisé vedette de la chaîne qu'animait le si présentable Jean-Pierre Faucul.
Justement celui-ci regardait, avec la fausse commisération (et le vrai mépris) qui le caractérise, un pauvre ballot de candidat se demander si " éjaculation précoce " signifiait :
- a) qu'on avait commencé trop tôt (avant dix ans) sa vie sexuelle,
- b) qu'il fallait évacuer le bâtiment rapidement (en ce cas critique éjaculer devenant un équivalent d'évacuer).
- c) qu'il allait bientôt pleuvoir du sperme de la Vendée au Cotentin.

Paniqué le crétin sollicitait l'aide du public, avant de répondre " b ".
Et de gagner son poids en liquide-vaisselle.

 

Le malheureux candidat.

No comment, Bertrand eut un haut-le-coeur et changea encore de programme.
Il vit alors apparaître Manix*, l'homme qui occupe tout l'écran en laissant juste un bout de ciel bleu et le haut d'un palmier dépasser de chaque côté.
Notre buffet charmeur et hâlé, après avoir encore secouru la veuve et l'orphelin, se tapait la veuve sur la table*du salon sans ôter*son stetson gigantesque ni même poser sa pétoire encore fumante à côté de la bible, toujours ouverte.
De sa main toujours libre, il caressait les boucles blondes de l'orphelin d'un geste affectueux mais attention, viril.
Pendant l'acte il regardait vers le lointain, et les grands espaces.

 

Attention Mannix !

* Manix : Manix est aussi sa marque de préservatifs favorite, la seule, l'unique pour lui qui doit les faire fabriquer à sa confidentielle mesure, les fameux Man-X.
Ou des Super-Man XXX, pour les fêtes.

* table : Dans ce curieux et puissant pays, on utilise pas (ou rarement) les tables pour manger, on préfère y faire l'amour toujours avant la pub.
Un coup d'éponge et ça brille à nouveau.

* ôter : Autre performance hollywoodienne, on ne baisse ni son pantalon, ni sa culotte et ça marche, hands up, it's magic ... yes, we can !

 

Lapin.Blanc.Rapide était depuis toujours très amiratif de la rapidité et du rythme des étreintes dans les séries nord-américaines.
Le temps d'aller se chercher une bière et le couple qui discutait tranquillement quelques secondes auparavant était déjà en pleine frénésie génésique sans qu'on comprenne bien pourquoi ; ni quelle mouche les a piqués de sa flêche amoureuse.
Ou alors ils s'arrosent de plomb chaud, c'est selon ; statistiquement, on a donc une chance sur deux d'y rester.
Comme chez les araignées.
" Ce doit être leur nourriture ? " s'interrogeait Bertrand en grignotant ses noix de cajou.

 

Manix était en difficultés, il ne voulait pas voir ça et s'agita encore la télécommande ...
Une icône blonde, patinée et platinée plusieurs fois, envahit l'écran plat :
" Claudia Choufleur, son idole, sa pine-up, la femme de ses rêves les plus flous ... "

Il préféra couper le son, ne garder que l'image, et quelle image !
Avant de plonger, tête la première, au doux* pays des fantasmes ...
" Ah Claudia, si tu m'aimais ... "

* doux : Pour lui, car pour ses oniriques partenaires, ce n'est pas de tout repos.
Quand il lâche ses instincts à bride abattue.
L'imaginaire est innocent, dit-on, il faut espérer.

 

Bertrand rêve de vacances avec la déesse glacée :
" La Turquie en 24 heures, voyages compris ... ça m'a l'air intéressant tous ces siècles d'histoire empilés ! "
Et vous êtes de retour pour le dîner, parfait. 24 heures c'est court évidemment, mais ça peut aussi être très long ...
Il aurait du choisir le Danemark (6 heures seulement, voyages compris !).

Sa belle de nuit défilait justement à moitié nue entre deux rangées d'objectifs clignotants.
Elle savait y faire, aller et venir sans presque toucher le sol, l'oeil vague et distrait, comme inconsciente d'elle-même et des pauvres microbes à ses pieds.
Offerte et inaccessible, que demander de plus ?
Peut-être une augmentation.
Elle était réellement resplendissante, et même éblouissante tant les flashs illuminaient la brillante surface du mannequin*.

* mannequin : Elle en a l'insensibilité, la froideur et l'immatérialité.

Nous enverra t'elle un signe de vie ?
Péter par exemple.
Vous n'y pensez pas, que ferait alors Bertrand de sa vénération ?
Rien, pour l'instant il regarde, la bouche ouverte et la langue pendante.
" Défiler c'est bien ! " commenta le garçon.
" Enfiler c'est mieux ! "
Qui a dit-ça ?
Sûrement pas lui car il a beaucoup trop de respect voire de terreur sacrée pour cette idole ondulante, vestale de la mode plaquée or.
La présentation était terminée, on faisait semblant de s'aimer beaucoup, bientôt viendrait le moment inévitable :
celui de la publicité*.

* publicité : Ne râlons pas trop, c'est elle qui paye tout le bazar.

Bertrand coupa le son et laissa l'image qui lui tiendrait lieu de compagne pour ce soir.
Comme on n'est jamais si bien servi, et donc aimé, que par soi-même, Bertrand se fit l'amour longtemps.
Et à sa guise dans la lueur bleutée du petit écran.
Etait-ce seulement agréable ?

Pour lui, oui, mais pour ses oniriques partenaires, ce n'est pas de tout repos.
Quand il lâche ses instincts à bride abattue.
L'imaginaire est innocent, dit-on, il faut l'espérer.
Il s'endormit blotti dans ses bras au petit matin en se répétant doucement :
" Ah Bertrand, si tu m'aimais ... "

 

Encart Performances

Lapin.Blanc.Rapide put juger des effets de sa cure dés le lendemain matin au petit déjeuner.


Attention cependant à ne pas renverser son bol de céréales.
Il allait pouvoir se faire Cerise* sur le gâteau sans tarder..

* Cerise : Un ex transalpine restée fan ; signe particulier : aime les petits-pois, verts.
" Elle est toujours, toujours là pour moi ! " constatait Bertrand, assuré.
C'est un peu lassant, mais bon pour le petit égo (qui attend ses parents à la garderie).


La forme était donc revenue et il allait en avoir besoin, ses partenaires devenant de plus en plus exigeantes.
Et la science vient (pour une fois) à leur secours en leur donnant les moyens matériels, et surtout objectifs, d'évaluer, de juger puis de classer leurs amoureux.
Ainsi un certain nombre de femmes commençaient à se faire équiper de capteurs, compteurs et analyseurs sensuels.
Ces petites saloperies enregistrent tous vos tentatives, initiatives et efforts (même les plus désespérés) et les comptabilisent stictement.


Un tableau donnera le barème correspondant et vous aidera à mieux vous y retrouver ; et à ne pas vous faire avoir car en amour aussi, les bons comptes font les bons amis.
Mais ils sont rarement justes.
Tout dépend de votre forfait : nuit chaude, torride, de rêve, câline ou seulement froide (avec dégelée matinale).
Ne le dépassez pas, ou évitez car sinon on vous en demandera toujours plus :
" Mon chéri, j'ai fait ton petit total, hum,hum, la courbe de ton désir fléchit dangereusement, c'est beaucoup moins bien que la semaine derniére ... la faute à la sécheresse dis-tu ?
Oui, et aux travaux de la voirie sans doute, franchement je ne vois pas de rapport sexuel ! "
Nous non plus.
" La conjoncture ? Ah douleur ! Je savais bien qu'il y avait une autre femme dans ta vie rêvée ! "

Aucune contestation (demi-vérité ou mensonge) n'étant plus possible, votre désir est ainsi dûment comptabilisé.
Ce qui ne présente pas que des inconvénients, vous pourrez y gagner une carte de fidélité, de nombreux avantages-clients, une gratification buccale en fin de " bonne " semaine et même quelques jours de R.T.T* supplémentaires par an.

* R.T.T : Réduction du temps de Trombinage.

Mais gare à vous si les minimas ne sont pas respectés (respectez au mons les minimas !).

Ils sont vraiment choux ces genoux ... mais pas touche, sinon ça sonne.

L'engouement pour cette nouveauté ne connaît, comme à chaque fois, plus de limites, on s'installe (ou fait installer) des capteurs n'importe où, à des endroits aussi improbables érotiquement que les trous de nez.

Mais il est vrai que sur le corps féminin les emplacements favorables ne manquent pas, surtout en tête de gondole.
Ou à Venise (Lien Journal plastichien) directement.
Prête pour une nuit d'amour, son compte sera bon.

Le fastidieux comptage.

 

 

Réflexions croisées

W.S.R :
" Quelle barbe, hein ? "

La remplaçante de Claudia qui n'a pas pu se libérer (complètement) :
" Gaelle* aimait ça ? "

 

* Gaelle : Qui est-elle, d'où vient-elle et où va t'elle ?
Nous n'en avons pas la moindre idée.
Bonne chance quand même.

 

 

" 349 - - - - 379 ! "
" Dans ce sens, ce n'est pas compté pareil ... il faut tout recommencer ! "
" Et tu ne pouvais pas le dire plus tôt ... O - 1 - 2 ... Pfff ! Double travail ... "

Bertrand songeait à se faire installer un compteur sur le bout du sexe (camouflé en piercing ? ).
Mais ça lui servirait à quoi ?

Il avait son truc, son piège à filles perso, l'incroyable système éponge-ventouse :
Dont nous ne saurons rien ... car il est vraiment secret.

En attendant* il avait fait l'acquisition d'une paire de boules magnétiques* nouvelle génération, ou dernier cri de joie.

* attendant : Quoi ?

* magnétiques : Leur chant (pardon, leur champ) est si puissant qu'il attire les femelles dans un rayon de 12 mètres, malheureusement toutes les femelles de toutes les espèces ...
Il avait longtemps hésité entre ces sphériques aimants et un charmant duo de boules à facettes un peu voyantes mais qui surtout faisaient trop de bruit quand il devait monter les escaliers.

 

Aperçus

A Figelac, sa fige, son lac
Et le gros cable
Qui vous fait de l'ombre

 

 

 
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