EMMA
Le 16 avril à Lapastide-Le-Haut

La route était déjà bien inondée, Bertrand essaie de passer au gué, la digue.

" Ce doit être une jolie région, dommage qu'elle soit toujours inondée ! " se disait maussade Bertrand dans son opel 4x4 Kadett qui l'emmenait vaille que vaille à Lapastide-Le-Haut sous une pluie torrentielle.

Lapastide-Le-Bas était déjà noyé sous deux mètres de flotte marron, seulement occupé par les crocodiles de la ferme d'élevage voisine qui y trouvaient le gîte et le couvert.
" Que d'eau, que d'eau... peut-être une nouvelle histoire d'eau ! " plaisanta le garçon qui avait bien besoin de sourire un peu.
Il était couvert de boue depuis Montsédur et n'avait pratiquement pas dormi, sinon debout.
Dix heures qu'il pleuvait des cordes mouillées et ce temps dégoulinant n'était pas du tout favorable à la vente de ses extincteurs ; difficile d'imaginer que quoi que ce soit puisse brûler sous un pareil déluge* !

* déluge : Catastrophe biblique peut-être déjà due au réchauffement climatique, pensez toujours au cas Noé et préparez vous à faire la planche.

Lapastide, le haut des maisons

Dix heures de continence (un record !) et il n'en pouvait déjà plus, proche de l'ithyphallie totale, il ne tournait déjà plus son volant qu'avec difficultés.
Il enfila péniblement ses bottes (c'est mieux que rien) et décida de dormir sur place malgré (ou à cause) des forts risques d'inondation.
A peine dans l'hôtel, il commença de frénétiques et mystérieux préparatifs qui tinrent les autres pensionnaires éveillés et furieux toute la nuit, au bord de la crise de nerfs.
Mais au petit matin blème, quand l'eau de crue envahit la paisible bourgade encore endormie, il était fin prêt. Bertrand avait assemblé les portes, les planches de l'escalier et les boiseries de l'établissement en un grand radeau qui flotta instantanément sur les eaux boueuses.
Bondissant de leurs couches en costume de nuit (ou d'Eve, tout simplenent) les voisines apeurées vinrent toutes se réfugier sur son radeau ; il repoussa impitoyablement les hommes à coup de balai (désolé !) et acceuillit le mieux possible ses visiteuses humides et frigorifiées.
Sa préférée était Emma (épouse d'un monsieur Bove, maintenant loin derrière eux), elle était très, mais vraiment très mignonne et la mésaventure semblait breaucoup l'amuser.
Pour rester dans une atmosphère marine, nous dirons qu'elle se gondolait jusqu'aux larmes amères.
" Génial, madame Bove a rit ! " Bertrand était super content de lui.

On entendait encore quelques appels au secours du coté de Lapastide puis plus rien, juste le doux clapotis des flots contre l'hétéroclite radeau surchargé.

Réflexions croisées

W.S.R :
" Surprise ! "

Emma :
" Ca ne vous ennuie pas que je vous appelle par votre prénom ? "

Mais surtout pas de méduses, juste une bande de jolies poules mouillées improvisant pour Bertrand un charmant concours de t-shirts humides.

Comme les naufragées commençaient à sêcher, il les arrosait régulièrement.
En bon capitaine, il tenait bon sa barre, gardant un oeil sur Emma qui continuait de rire, nerveusement.
L'oeil rivé sur la ligne de partage ... des eaux, le néo-flibustier réfléchissait :
" Il nous faufrait une plus grande verge (pardon, vergue), ça irait plus vite ! "
Pour y pendre ce pirate d'eau douce ?

Sous le soleil de plomb fondu,
elle commence à avoir très chaud ...
Bertrand aussi.

Sur le radeau le temps s'écoulait très lentement (comme dans un sablier bouché) seulement égayé de petits jeux de société dont la perdante était jetée avec célérité aux crocodiles qui ne quittaient plus l'esquif de leurs yeux fixes dans l'espoir, régulièrement exaucé, d'un tendre repas.

A heure fixe, c'était trop demander.
" Jetez les femmes et les enfants d'abord ! " avait ordonné le capitaine ainsi qu'il l'avait vu faire dans les films de marins, et surtout de flibustiers.
Une autre scène qu'il se plaisait à reconstituer dans son imaginaire était le grand moment de l'abordage qui clôt souvent l'affrontement maritime.
Il aurait du mettre un chapeau, le soleil tapait fort et la réverbération réverbérait.

La sanglante bataille ... et il avait un sacré boulet à tirer !
Un claquement sec de queue de crocodile le sortit de sa chaude somnolence.
Le moment était venu, dans sa courte-vue il apercevait sa proie désarmée, Emma Bove qui se regardait, désemparée, dans le miroir liquide.

 

La jeune femme s'ennuyait maintenant sans ses fraîches compagnes, elle aurait bien voulu changer de vie à nouveau, laisser ces aventures idiotes et retrouver son existence calme d'autrefois : monsieur Bove dans le boudoir, les mégots dans leurs fumoirs, les capotes dans le tiroir (à droite) et les bouteilles dans le buvoir tout neuf (en cacajou équitable du Brésil).

Mais c'était trop tard, elle était sur ce tas de planches pourries avec ce malade crispé sur son gouvernail de fortune et dont le regard vrillait de plus en plus ... bizarrement.

Emma et Bertrand ont mouillés* devant une île déserte.

* mouillés : C'est un terme maritime, ne vous excitez pas inutilement.

La jeune femme ravie fait des signes désespérés pour qu'on vienne la chercher, son ravisseur, vieux filou des mers du sud, en sourit :
" C'est un petit peu tard ... "

Bertrand se sentait bien en capitaine de pirates, dommage qu'il n'est pas son équipage de sacs à pains et de cordes à sauter... qu'importe !
Un sentiment de sauvage bien-être s'empara de lui :
" A l'abordage ! " s'écria t'il en s'élançant dans la direction de la pauvre Emma.
Mais les planches étaient humides et le forban glissa avant de s'empêtrer dans les filins et de passer par dessus bord, droit dans la gueule d'un gigantesque saurien réjoui d'avance ... le contact avec les dents lréveilla Bertrand :

Wet dream

" Quel rêve fantastique, je dirais même plus, fantastrique ! "

Emma n'était plus là, mais sa place était encore chaude.
Mieux, en contemplant l'empreinte laissée sur les draps par ce corps céleste, Bertrand pouvait reconstituer sans peine l'enveloppe* charnelle, surtout le bas.
De mémoire courte.

* enveloppe : Affranchie depuis longtemps mais un coup de tampon supplémentaire ne nuit pas.

Ce qui prouve qu'elle était vraie, cette Emma là que Lapin.Blanc.Rapide avait rencontré la veille au restaurant de l'hôtel des Crustacés.
Esseulée et ennuyée, elle grigotait avec une hautaine distraction la spécialité locale : une pleine assiette d'écrevisses américaines géantes.
Pour s'approcher Bertrand adopta la démarche du crustacé, à reculons.
Afin de lui glisser quelques mots crus et doux en se frottant les pinces d'avance, monseigneur.

Il improvise sur la moquette une petite parade nuptiale, celle dite " Mouille de crabes ", c'est irésistible, paraît-il, surtout avec des violons ; nous verrons.

La jeune femme devint aussi rouge que ses décapodes bouillis.
Entre la poire et le fromage il lui avait déjà fait de fort malhonnètes propositions que Madame (elle avait bien insisté) Emma Beau avait froidement déclinées.
Pour qui la prenait-on ?
C'est vrai mille sabords, pardon, mille excuses.
Bertrand se retira, toujours à reculons.
Mais la délicate avait très peur de l'orage aussi vint-elle bientôt, comme dans une chanson (de gestes ?), demander aide, protection et réconfort contre la tourmente.
Il avait tout cela, en stock.
" Ah Madame Beau varie, tant mieux ! " commenta juste le garçon en s'effaçant.
De nouveau content de lui, il lui fit de la place.

G1 - (problème ?) Touché - G2 - (amours ?) Touché encore ... Pfff ... G7 - Plouf ! A moi : C6 - Touché - C7 - retouché - il est grand votre bateau ! C8 - Touché-couillé* ! - Hihihihi ! Félicitations !
* Touché-coulé : S'il maîtrise, comme on vient de l'entendre, le touché-coulé, le garçon ignore encore tout du copié-collé-serré, voudra t'on un jour l'initier ?

Finalement Bertrand pouvait dire, comme dans son rêve de navigation :
" Si madame Bove a rit, c'est à moi qu'elle le doit (dans son intimité j'entends). "

Dernière vision de la dame, celle d'un nu remontant l'escalier, vite.

Au dehors il pleuvait toujours et Lapastide-Le-Haut sombrait peu à peu dans l'élément liquide avant de glisser doucement et rejoindre dans le monde flottant Lapastide-Le-Bas.
Le crocodile vert de sa chemisette s'étira avant de se pelotonner, et de se rendormir.
Lui aussi dans son rêve.

 

Aperçus

A Lapastide-Le-Haut
Longues coulures en bas
Mais pas plus loin

 

 

 

 
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