LAURE
Le 7 avril à Blaignac

 

Pour Bertrand, un sexologue est celui qui dispose d'un pouvoir sexuel.
Il s'imagine ainsi attirant les femmes par la seule puissance de son esprit, pour l'instant il n'y a que des mouches voraces et surexcitées qui lui tournent autour.

A Blaignac il y a un grand aéroport qui prend toute la place et la petite cité vit en tremblant de toutes ses fenêtres au rythme des mouvements d'aéronefs.
Malgré le vacarme, une vie sociale tente de subsister derrière les triples vitrages ; la preuve, ce jour là était organisée dans le hall de la mairie une dédicace du tout dernier ouvrage de la célèbre sexologue Laure Guasme.

Pour les beaux yeux de Laure, la municipalité fait accrocher dans l'entrée une grande peinture d'un autre sexologue méritant : Peldugland*.

" C'est tout en son honneur ! " nous confie le premier adjoint aux services techniques de la sous-direction des affaires culturelles locales.
Les ouvriers mettent la dernière main (au derrière ?) des géantes tout en discutant le bout de cellulite.

" C'est un orgasme collectif ... " nous explique la communicante en lisant son petit papier " ... cette peinture a plus d'un titre, celui choisi pour aujourd'hui est :
Les demoiselles du con tavenaissin*."

* tavenaissin : De Tavenaisse, c'est juste à côté.

 

Réflexions croisées travailleuses

Nicolas : " Didier ! Quand es-tu rentré ? "

Didier : " Pas d'ironie, tu veux Nicolas ! "

* Peldugland : Sur les brochures distribuées, on apprenait que le sieur (une vraie huile) Peldugland organisait tous les étés un séminaire-sauna en Finlande.

Tout ça à l'air sérieux (surtout les prix) et semble assez bien organisé, l'affluence est grande et malgré que les nuits y soient très courtes, ça ne désemplit pas, certaines inconditionnelles couchant même devant la porte du sauna.

Alors évidemment, on essaye de resquiller, surtout les françaises, mais les dévoués lapons veillent.
A gauche, la numéro 4958 s'impatiente, au bord de la crise de nerfs :
" Trois jours que je suis là à grelotter, sans compter les affreux moustiques ... et mes propres élans fougueux ! "
Ses consoeurs impitoyables :
" A la queue, comme les autres ! "
Ce n'est pas moi qui l'ai dit.

 

Mais le sexologue en voulait toujours plus (de quoi ?), en plus de son estival suaire*, il voulait organiser le 8 décembre prochain un " Luminaire sexuel " à grand spectacle, une première.
Et sans doute une dernière, l'avait prévenu la police.

* suaire : Endroit où l'on se fait suer ?

Bertrand voulut prendre les coordonnées du futur séminaire lumineux mais il était exclusivement réservé aux femmes (et sur présentation d'un attractif dossier).
" Sexiste ! " râla t'il bien inutilement.

Comme il avait encore quelques questions restées accrochées en suspens au dessus de son vide conceptuel, il décida d'aller écouter le débat.
Et puis entendre parler de sexe c'est toujours intéressant. .
Dans l'ascenseur, il y avait un miroir bien poli, il s'y mira*.

* mira : Si j'avais écrit " il s'y mira beau " on aurait crié à la fatuité.

Depuis 48 heures, l'oeil de Bertrand avait un peu désenflé, mais il restait d'un joli violacé.
Le garçon baillait sans cesse, les successives visites de Vondaire-Woman l'ayant tenu debout toute la nuit.
C'était son état des lieux.
Sains ?
Le tout Blaignac était déjà là,
plus quelques obsédés sexuels dans son genre, et les habitués des pompes municipales qui attendaient patiemment l'ouverture du buffet.
Ils allaient devoir attendre encore car une certaine agitation et des bruits de chaise annonçait l'imminent début de la conférence.
Derriére l'estrade était punaisée un poster grandeur nature de l'invitée en statue de la liberté guidant le peuple tout nu en brandissant un très évocateur flambeau à deux boules.
Sur les cotés, étaient alignées des tables recouverte d'exemplaires de " Coït et poésie " qui attendaient la prestigieuse signature.

Note : Une liste des principaux ouvrages et articles de Laure Guasme est fournie gratuitement en annexe pour tout ceux (et celles évidemment) que le sexe intéresse.
Et ils sont, parait-il, nombreux.
Ne nous remerciez pas, ça nous fait plaisir.


On s'installa et, entre deux décollages, un silence relatif permit le début du débat à haut débit.
Laure Guasme parlait avec aisance et, en vraie professionnelle communicante, elle assurait aussi le spectacle en se penchant souvent pour nous faire admirer son décolleté profond comme le canyon du Colorado.
Au moins on ne s'ennuyait pas, surtout ceux des premiers rangs, d'ailleurs on n'en avait pas le temps car la sexologue parlait vite entre deux atterrissages.
L'analyse était pénétrante et il en ressortait (c'est parfois nécessaire) que les rapports (sexuels ?) entre le coït ininterrompu et la poésie étaient fréquents vu qu'ils se touchaient en permanence.
Bertrand bailla, il était d'accord ; c'est bien car il a rarement une opinion.


La conférencière illustrait son propos en projetant ponctuellement des diapositives, Bertrand s'attendait (vu le sujet) à en voir de vertes ... et de pas mûres.
Il s'agissait en fait d'images (d'e-connes plus précisemment) de femmes au destin hors du commun dénominateur ; et en rapports parfois contraints avec son sujet.

Première série :

la femme dans l'imaginaire.


Siréne de la nuit clapotante et muse variable (avec corne d'abondance! ?)

 

Par contre il avait des questions, énormément, surtout d'ordre pratique, technique presque.
Mais il n'osait pas les poser car il était, avant toute chose, un grand timide.
Une question cependant le turlupinait*, encore plus que les autres, il leva le doigt.
- bruit d'avion -

* turlupinait : Curieux mot, pour le comprendre, il faut le décomposer.
Et ça devient soudain agréable.

Nouvelle série Orientale :
Intérieur - Extérieur .

" Ah, une nouvelle série d'e-connes, après le rêve, les " réalités " : c'est toujours la même oscillation, de la maman à la putain, un balancement aussi rêglé qu'une horloge.
On change juste les costumes quand le temps a passé.

Ce sont quelques archétypes féminins parmi les plus répandus, il y en a beaucoup d'autres, comme toujours ces projections nous informent plus sur leur auteur que sur leur sujet.

On lui donne la parole, il murmure sa question :
" Plus fort, parlez plus fort ! " proteste le public.
Bertrand recommence encore plus doucement, pour se lui faire plaisir :
" Essayez de parler plus distinctement ... ou passez-lui un micro ! " propose la sexologue exaspérée.
Le garçon s'empare de l'instrument amplificateur et, parlant volontairement à côté, il sussurre une nouvelle fois son inaudible phrase.
Cette fois tout le monde crie :
" Comment ? On entend toujours rien ! Qu'est-ce qu'il a dit ? "

Alors Bertrand se lève et posément, dans le micro, il demande très fort en articulant bien :
" Pensez-vous vraiment que la masturbation* rende sourd ? "
Un silence soudain de cathédrale engloutie.
On entend copuler des mouches.
Mais pas les avions.

" Chut, chut ! " firent alors les assistants en le fixant d'un regard courroucé, certains se bouchaient les oreilles avec leurs mains, ou tentaient de les obstruer avec ce qu'ils pouvaient trouver (s'ils n'avaient pas de mains).
" Quoi, qu'est-ce que j'ai dit ? " s'interrogea Lapin.Blanc.Rapide, c'était sa plus grande angoisse, il l'avait exprimée.
Il en avait bien le droit.
Et maintenant il avait des éléments de réponse.
Pourtant si l'onanisme (pas même frénétique) affectait les ouies, il serait depuis longtemps appareillé. Vers des mondes mondes plus sonores, peuplés de lacsives acouphènes.

- bruit de chasse d'eau, ça change -

Une muse passe en sortant des toilettes ; elle traverse rapidement la salle.
" Pardon, pardon ... "
Dommage, Bertrand ne l'a pas vu ; et ça l'amuse dirait-on.


On oublia rapidement le grand masturbateur, pardon, le petit perturbateur.
" Au moins quand on tombe à l'eau, ça fait des ronds ! " constatait Bertrand, un peu déçu du manque de réactivité sur un sujet aussi sensible.

D'ailleurs où sont les toilettes ?
La provocation touche donc immédiatement ses limites, c'est décourageant.

" Dégoûtant ! " lui souffla sa voisine que l'onanisme révoltait (il faut bien se révolter contre quelque chose).

Déjà Laure s'était relevée et descendait de l'estrade sous les ovations.
Mais Bertrand était tenace, il voulait coincer (intellectuellement parlant) la spécialiste ; justement elle paradait au centre de son cercle d'admirateurs, il s'en approcha sur la pointe des pattes.
Et ouvrit ses grandes oreilles.

On y parlait des muses inspiratrices et d'une certaine Laure, bien plus ancienne.

 

Question de muses

Béatrice :
" Alors c'est qui sa muse ? "
Laure :
" Salope ! Tu n'inspires pas, tu aspires. "
Le poète :
" Continuez, je sens que ça vient ... "

A propos des muses, il faut se rappeler que si elle donne au poète de l'inspiration, c'est en lui ôtant le repos.
Si elle le laisse dormir ce n'est pas une bonne muse, elle se doit d'être distante (mais pas trop), cruelle et surtout, injuste.
Perdant toute tranquillité, sans aucun repère, l'inspiré ne va pas tarder à poétiser.

C'est trop merveilleux.
" Il pourrait tout aussi bien se branler ! " songeait Bertrand, il aurait eu des choses à dire de cet onanisme salvateur, sur son extréme ravissement et sa divine surprise quand il découvrit le phénomène.
Et sa si facile reproduction.
On pouvait se donner du plaisir quand on le désirait ; il était sauvé.
C'était d'ailleurs les seuls moments où les muses venaient le visiter ... en nombre.

Il en arrivait de tous les coins de sa mémoire récente, il ne restait qu'à se raconter les histoires qui vont avec.

Le lapin curieux risqua une autre question :
" Laure ... de la maison du café ? "
" De Pétrarque, Imbécile ! "
Bruit d'avion et de muses courroucées.
" Et la Béatrice de Dante ? " demanda un érudit bocal avec une once de servilité.
Bertrand avait bien connu une Béatrice autrefois, mais il préférait ne pas s'en souvenir.
Et les dates ne concordaient toujours pas, il demanda les paupières lourdes :
" La Béatrice* d'Al ?

* Al : Dante, nous sommes en Italie.

Sa question fit le tour du monde présent sans tomber dans la moindre oreille, avant de se perdre dans les limbes républicaines (car nous sommes en mairie, rappelons-le aussi).. "
Il n'y a pire sourd qui ne veut m'entendre ! " se dit Bertrand.
- rebruit d'avion, un gros cette fois -

Laure Guasme était déjà à l'autre bout de la salle, entraînant dans son sillage parfumé sa suite adhésive d'obséquieux rémoras.
Comme un tourbillon* Laure Guasme sort à toute vitesse de la salle des mariages.

* tourbillon : Comme un ouragan serait bien aussi.

Lapin.Blanc.Rapide s'étira, il manquait de culture, c'est certain ; heureusement qu'il lui restait sa nature sauvage presque intacte, pour y gambader sa petite queue en l'air.
Le débat l'avait cependant fatigué (les débats le fatiguaient vite), il ressortit de l'Hôtel de Ville par la grande porte sans avoir appris gand chose, au moins il avait essayé.
Sur le tarmac le mécanique va-et-vient continuait.
Au dessus de lui d'invisibles aéroplanes laissaient derrière eux des sillages floconneux de vapeur blanche.
Leurs hasardeux tracés dessinaient miraculeusement une gigantesque vulve dans le ciel rose.
" Quelle con-densation ! " admirait Bertrand que les phénomènes naturels interpellaient en permanence.

" C'est un signe*, un bel orgasme se prépare ! " en conclut-il se mettant d'emblée en alerte orange.
La conférencière du sexe passait en se hâtant avec sa valise à roulettes pour aller prendre son avion, elle fit un long détour en apercevant Bertrand.
La dégoûtée de tout à l'heure était là aussi, elle n'avait pas l'air pressée, ni si dégoûtée ...

* signe : D'accord, mais de quoi ?
Sans interprétations on naît (pardon, on n'est) guère plus avancé.
Dans ce cas précis, il s'agit évidemment d'un signe suppositoire (qu'on suppose).

La preuve : un éclair, puis un deuxième ...
Plusieurs décharges se succèdent; Lapin.Blanc Rapide rentre ses belles oreilles.
Des lapins courent dans tous les sens sur l'herbe tondue, une vraie panique.
Bertrand prudent décide de s'allonger pour éviter de servir de paratonnerre mais il avait oublié quelque chose (pour une fois) : son sexe.

Le coup de foudre est pour bientôt.

Fièrement dressé et comme inconscient du danger celui-ci se découpait sur les cieux noirs et chargés de particules où flottaient lascives d'insouciantes manches à air rayées.
Le haut de son gland flirtait maintenant dangereusement avec la voute céleste qu'il effleurait parfois projetant des gerbes de brillantes étincelles.
Un peu comme les autos tamponnantes de sa jeunesse tamponnée.
Irrésistiblement (et l'air de rien) l'aventureux prépuce se rapprochait de la vulve nuageuse et gonflée ... une décharge devient inévitable.
Inconscient du danger, le garçon continue son aérienne caresse, la nuageuse vulve se dilate, vire au violet vif et tendre et s'entrouvre lentement ...
Le temps que le garçon s'en rende compte, il était trop tard ... une violente lueur suivi d'un faramineux choc l'enfoncèrent dans l'humus protecteur.

L'accident semble inévitable même si l'on a posé quelques lampes de signalisation.
Le phallus gratte le ciel et se frotte langoureusement
contre la voute céleste en produisant des gerbes d'étincelles roses.

La curieuse est toujours là.
Cette fois il avait pris un bon coup de foudre, normal, il les attire.
Bertrand était tout noirci et une odeur de cochon grillé flottait sur les pistes désertes.
Il était encore en vie, très étrangement calme ... tout autour de lui un cercle calciné témoignait pourtant de la violence du choc électrique.
Comment avait-il survécu ?
Grâce à sa voisine de conférence de moins en moins dégoûtée qui anticipant le drame à venir s'était vite emparée d'un conducteur* bien creux afin d'en faire un écran contre les forces électriques.

* conducteur : N'importe quel con-ducteur de n'importe quoi.

Sans cette providentielle cage de Faraday, il ne serait plus qu'un petit tas de cendres fumantes.
Bertrand la regarda avec reconnaissance, et une pointe (bien dirigée) de concupiscence*.

* concupiscence : Ce mot est un poème érotique à lui tout seul ... mais chut !
N'est-ce pas Concubinage qui s'approche ?
Il y en a qui n'ont pas de chance ...
Il lui devait une fière chandelle.
Et il avait bien l'intention de payer sa dette ...

 

" Par ce signe tu vaincras ! "

Annexe bibliographique

Déjà parus

- LE LAPIN EST IL UN BON COUP ? (épuisé)
Une réédition est en cours complétée de nouveaux et bouleversants témoignages féminins.

- POURQUOI DEUX NICHONS ?
En collaboration (et en équilibre) avec sa consoeur transalpine, A.Mazone.
Un remuant débat bipolaire.

- COMMENT JOUIR SANS SE FATIGUER ?
LE best-seller pour les fainéants des deux sexes.

- MACHO DEVANT
Essai polémique au souffle puissant qui ne manquera pas de soulever les jupes.
Et quelques questions.

- MACHO DERRIERE
Suite logique du précédent ouvrage, une analyse plus en profondeur.

 

Littérature enfantine

PANPAN ET CUCU VONT SUR L'EAU
N'oublez pas les brassières.

Prochainement :

GROFION ET QUEQUETTE FONT DU SKI
Rafraîchissant, à lire avec un gros bonnet. .

 

A paraître :

- LA FESSE DANS L'ART BYZANTIN
C'est très court, mais on en apprend de belles (fesses ?).
Et quelle érudition (de Lyon?)

 

En préparation :

- LAURE GUASME, QUI ETES VOUS ?
La biographie ou la giographie ?
Un étonnant exercice d'autocongratulation.

Illustration

 

Aperçus

A Blaignac, les questions volent bas
Car j'ai le mal de l'air Suzy*
Trop pur ou popollué ?

*Suzy : Peut-être la fameuse Suzy Q.

 

 

 

 
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