VENUS
23 avril à Ragen

Cette fois il en est sûr, il préfère les femmes.

Bertrand avait quitté les Landes par des chemins forestiers, vite et tout droit, pour ne pas risquer de repartir en arrière encore une fois.
Il allait en direction du Lot* où il comptait bien trouver une raison de vivre plus longtemps.

* Lot : Et Garonne dans tout ça ?
Il s'en occupera après s'être débarbouillé vu qu'il sentait toujours le chamalo cramé, et maintenant la résine de pin ; il s'acheta une livre de pruneaux (pour compenser).
Comme il était collant !

Quelques heures plus tard le garçon, frais et disco, entrait précipitamment au musée de Ragen ... pour y chercher les toilettes car il avait mangé trop de pruneaux depuis son arrivée.
Il s'y enferma à toute allure le temps de se lâcher ... dans une fastueuse et salutaire débâcle.
Voila une histoire qui commence de manière peu délicate, patientez car la suite est culturellement correcte.
Super, il avait soulagé son ventre mais qu'en était-il de son esprit ?
Toujours pareil, stationnaire dirait-on ; il errait comme une âme en peine à la recherche de l'âme soeur qui voudrait enfin mordre à son hameçon charnu.
Son leurre qu'il agitait déjà, attendant la touche ...
Mais les salles étaient désespérément vides et il ne voyait à enfiler que des couloirs tapissés de tableaux poussiéreux oubliés ici depuis longtemps, ou de sombres corridors menant à d'improbables cagibis administratifs.

Enfin quelque chose lui parle (à défaut de quelqu'un) :
" Vive la peinture régionale ! " s'exclame le mateur-dard ambulant.


Il s'arrêta un bon moment dans une sorte de chapelle désinfectée :
de grandes images de femmes y pendaient aux murs comme des tapisseries fines, dans la région on les appelle des paveintavures*.
" Ca tient aux murs ! " vérifia t'il en tirant dessus..

* paveintavures : Leur auteur, Pelliganus, était qualifié (après prolongations) de post-illusionniste* dans les revues spécialisées.

* illusionniste : L'illusionnisme est autant une école fermée de peinture qu'une maladie universellement répandue, au choix.

 

 

 

Sa visite non-guidée continuait, il passa par la Mésopotamie avant d'arriver chez les romains via la Phénicie aussi, soudain, un flash et c'est l'illumination, si éblouissante que Bertrand doit se couvrir en partie les yeux.
Devant lui, comme suspendue dans un espace à X dimensions, une extraordinaire paire de fesses brille sous les rayons piquants et durs d'un soleil oblique comme une invisible bicyclette.

La vision suspendue, il détaille, il déraille avant de défailler.


Les decrire serait difficile, il faudrait pour cela être un pouet*, les dessiner serait encore mieux mais là il faudrait être un vrai artiste.
Ou alors s'en saisir et les emmener ravi pour son petit bonheur ; il l'aurait fait volontiers sauf que ces fesses étaient, et resteraient de marbre blanc, même veiné de rose sensuel, l'ensemble devait peser plusieurs dizaines de kilos (sans le socle).

* pouet : Poète en occitan.

L'objet fascinait tellement Bertrand qu'il resta longtemps avant d'avoir l'idée d'en faire le tour.
Le garçon redoutait sans doute d'être déçu mais au fur et à mesure du lent contournement, son émoi ne fit que croître, il avait devant lui la beauté nue, sans toutes ses coutures.
Harmonie des volumes, proportions parfaites, son nombre d'or.
Il en tomba amoureux de suite et ne quitta la pièce que lorsque le musée, fermant ses grandes portes, une impatiente gardienne vint pour le mettre dehors.
Bertrand ne pouvait se résoudre à partir, il agrippa des deux mains le cul majestueux.
Il n'était pas froid du tout.

Les vaillants agents du patrimoine veillent à son éternel con-servation.

L'agente du patrimoine faillit s'évanouir :
" Touchez pas s'il vous plait ... mais arrêtez, ne la touchez pas comme ça ... vous êtes malade, arrêtez-vous donc ... au secours, au secours, il y a un fou qui touche la statue, alerte ... alerte ! "

Elle revint quelques minutes plus tard, accompagné de ses collègues venues en renfort, Bertrand avait disparu.
" Il a filé, tant mieux, on n'en veut pas de pervers comme lui à Ragen ... et en plus il a pété* partout dans le musée ! "

* pété : C'était malheureusement vrai !

Le musée endormi

Et le patrimonial groupe de regagner ses quartiers, les voix s'éloignent, les portes se referment :
" Combien de visiteurs aujourd'hui ? "
" Trois, dont un exonéré ... et l'obsédé sexuel ! "
" C'est beaucoup pour un dimanche ... "

 

Bertrand prend sa pause.

On éteint une à une les lumières et le silence s'installe.
Le calme est revenu, plus rien ne bouge ... soudain un fragment de haut-relief se détache et glisse en souplesse vers le sol.
Prodige de la gravité ou émule de Belphégor ?
Non, c'est encore un tour du Lapin.Blanc.Rapide qui s'était rapidement déshabillé avant de grimper et de prendre une place vacante sur une mythologique représentation grandeur nature d' " Hercules contre la grande enculade ".
Un treizième travail qu'il n'avait jamais fini.

C'était inconfortable mais il s'en était tiré sans dommages (pourtant Hercules était juste derrière lui !).
Bertrand rentrait son ventre et dissimulait son érection à la manière du célèbre " Panseur " de Radin*, ses lunettes auraient pu le trahir mais elles ne l'ont pas fait.
Remercions-les au passage.

* Radin : Sculpteur si économe qu'il laissait souvent ses statues incomplètes.

 

Ainsi il était seul, et certain de n'être pas dérangé pour enfin vivre avec sa femme de pierre, cette Vénus romaine dont il voulait être le Mars (la barre chocolatée ?), son plus étrange moment d'amour.
Ce qu'il fit, ce Cucupidon ?
Les caméras de vidéo-surveillance l'avait enregistré au rythme fractionné et saccadé d'une image par seconde, on aurait juré un vieux film muet aux comiques cascades.
" Là, c'est Mars ... et ça repart ! "

L'extase muséale


Ses fantasmes assouvis, il salua bien bas l'impassible déesse toujours souriante, s'habilla avant de sortir par une issue de secours.
Au dehors, il était encore dans un état second et même le spectacle des belles ragenaises déambulant dans les rues piétonnes n'arrivait pas à le distraire.
De sa distraction.
Il aimait une statue et il en était sûr, elle l'aimait aussi.
Mais de façon pierreuse, c'est tout.
Ce qui expliquait la lenteur de sa démarche.
Bertrand s'était littéralement cassé les couilles, rapé les burnes, éclaté les roustons et mis le zob en accordéon.
Tout ça sur un bloc de marbre* !
Il fallait être fou, il l'était, fou d'amour fou d'amour fou etc ...

* marbre : Cette Vénus était faite (bien) d'un cipolin particulier qui s'amollissait en s'échauffant, il fallait pour cela un certain temps (tout comme le fût du canon).
Mais il en eu phallus beaucoup plus.
C'était la partie fastidieuse, après une étreinte devenait possible, mais vite pour profiter de cet attendrissement passager.
Après son tdole redevenait aussi minérale que l'eau des volcans.
Mais pendant ces (courtes) chaleurs, ce n'était pas une Vénus de mélo !

 

Réflexions croisées

W.S.R :
" Je suis content que tu sois là. "

Vénus :
" Cela te fera du bien qu'on s'occupe de toi. "

 

 

Aperçus

 

A Ragen, c'est la guerre des pruneaux
Beaucoup de noyaux épars
On dirait des truffes

 

 

 

 
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