SIEGE ET EVACUATION

 

Un beau jour (ou peut-être une nuit), le caisson fût ébranlé par des coups insistants et répétés tandis qu'un vague remue-ménage agitait tout l'immeuble, c'était les promoteurs qui passaient à l'attaque en terrorisant les locataires.
" M.M.I* " annonçaient-ils en tambourinant sur les portes, semblant s'étonner que vous n'ayez pas déjà disparus à leur approche.

* M.M.I : Mer.Montagne.Intérèts, société immobilière helvétique, grosse mangeuse de plus-values bien épaisses.

 

 

Les premiers contacts furent rudes et le discours musclé : le plastichien devait rapidement quitter son caisson chéri, et sans discuter parce que la loi le disait.
C'était simplement impossible, psychologiquement et matériellement, il décida d'ignorer la loi et de rester, en faisant le mort et la sourde-oreille.
Les ennuis ne tardèrent pas.

 

La porte est étanche, heureusement car elle limite les contacts avec le monde extérieur trop sec.

La porte

Si on ôte la porte*, que reste t'il ?

* porte : Ce fragile panneau de bois joua un rôle important car au moment de son illégal enlèvement des dessins étaient punaisés dessus, le plastichien put donc porter plainte pour vol et attaquer à son tour.
Ce qui prouve bien que la peinture est une arme défensive ET offensive.

 

 

 

 

Sûrs de leur force et tout gonflés de l’illusion de leur puissance financière, ils arrivent en conquérants.
Mais attention à la malédiction* du caisson !

* malédiction : Sortilège qui punirait ceux (ou celles) qui troubleraient la tranquillité du caisson.

Vous n'y croyez pas ?
Peldugland voudrait aussi ne pas croire à des choses pareilles mais il fût (l'involontaire) témoin de faits troublants dont il nous fit le récit circonstancié encore tout émotionné et mort de rire :
" Ce matin là, madame Cadouche faisait visiter l'immeuble à d'éventuels acheteurs, le plastichien le savait car il épiait les faits et gestes des promoteurs tapi silencieux et immobile dans l'espoir de percer les secrets de ses ennemis cravatés.
En passant devant la porte toujours obstinément close du caisson, madame Cadouche ne put s'empêcher de lancer quelques perfides et méprisantes réflexions d'autant plus qu'elle soupçonnait la présence du locataire rétif de l'autre côté du panneau de bois.
Ne pouvant faire visiter l'intérieur, l'agente immobilière en était réduite à emmener les possibles acquéreurs au grenier où ils tournaient en rond dans la suie en imaginant leur plateau futur.
Pour se faire ils devaient gravir un petit escalier de bois très raide et plutôt branlant, ce que madame Cadouche venait de faire suivi de son client potentiel.
De l'étage en dessous Peldugland les entendait marcher au dessus de sa tête, à travers le plafond il leur envoyait plein de mauvaises vibrations.
L'imprécateur suivait ainsi aisément leurs déplacements, il remarqua que les pas de ses visiteurs du matin s'approchaient à nouveau de l'escalier, sans doute allaient-ils bientôt repasser et le plastichien rejoignit vite son poste de guet habituel.

Madame Cadouche et ses multi-sbires patrouillent dans l'escalier.


En effet madame Cadouche s'apprétait déjà à redescendre tout en continuant son bagout commercial.
Le client lui conseilla de faire attention aux marches abruptes, avertissement que la dame, toute à l'idée de sa grasse commission, ignora superbement.
La suite était prévisible, un grand vacarme puis le bruit de quelque chose de lourd dévalant l'escalier (et ce n'était pas le grand nu) avant de finir sa trajectoire obligée en s'écrasant contre le mur, juste devant son palier ; puis un court silence et la voix inquiète du visiteur demandant du haut des marches :
" Vous ne vous êtes pas fait mal au moins ? "
De nouveau un silence, divers frottements, défroissements et gémissements difficiles à interprèter et enfin la voix blanche, douloureuse, et très irritée, de madame Cadouche :
" Non, non, ça va aller, ouille ... je vous assure, juste une petite glissade ... on va se relever, aie ! "
Quelques semaines plus tard le plastichien croisait à nouveau dans l'allée madame Cadouche une jambe plâtrée et le bras en écharpe.
Comme sa maman lui avait appris à ne jamais se moquer du malheur des autres, il retint (difficilement) son hilarité ; mais depuis ce jour il s'interdisait de penser à cette femme de quelque manière que ce soit.
Il avait trop de pouvoirs.

 

Comme les vaillants belges en 1914, dans un ultime acte de résistance, le plastichien décida d'inonder* le caisson.
* inonder : Mais jamais il ne fût question de se faire sauter (le caisson bien sûr).

Pendant l'opération, il peut toujours descendre dans son caisson étanche.

 

 

Contre toute attente, le plastichien gagna son procès, il pouvait donc négocier une sortie joyeuse et honorable, le caisson avait résisté à tout.
Il entreprit son démontage et sa transplantation car tel un fraisier en bonne santé, il avait fait un stolon qui pris racine à Lapalisse dans l'Allier où son installation allait redonner vie à cette cité moribonde, au royaume de l'évidence.


Dès la mise en eau, les poissons reviennent, ce qui fait la joie du pélican.

 

Contre toute attente, le plastichien gagna son procès, il fit appel de cette étonnante décision, laissant ses adversaires de plus en plus perplexes.
Que voulait-il donc ?
Du temps, simplement du temps, une année supplémentaire pour entreprendre le démontage* de l'invincible caisson dont il sortit en temps voulu, la tête haute et avec tous les honneurs de la guerre économique.

* démontage : Nous avons parfois dans l'existence l'occasion (et surtout la nécessité) de faire preuve de volonté et de courage.
Le moment où Peldugland entreprit le démontage de son caisson fut de ceux là, premier problème : par où commencer ?

Le plastichien s'assoit pour réfléchir.
" Ici ! " s'écria t'il soudain en désignant un imaginaire point exactement situé en 3.E.H.G suivant le plan.
Il monta sur son tabouret pour décrocher délicatement les premiers objets, les poser sur la table, les étiquetter en notant soigneusement leur place dans ce puzzle en 3D grandeur nature.
Un an plus tard, il avait presque fini.
 

 

 

 
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DELOCALISATION