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Arrivé devant
le théâtre une première évidence s'impose à l'oeil exercé du critique,
il n'y a pas un chat.
Pas même une chatte, je traverse le hall désert et guidé par mon instinct
primaire et le lointain écho d'une déclamation, je pousse doucement
la porte d'une salle à l'italienne plongée dans le noir, seule la scène
étant violemment éclairée.
Une grosse
colonne plantée au beau milieu en occupe la majeure partie, dans l'espace
restant de chaque côté, se dresse une statue acéphale, masculine à droite
dans la cour, féminine à gauche au jardin.
Un escabeau permet à l'acteur de placer sa tête au dessus du faux bronze
pour l'animer, son corps il en fait ce qu'il veut.
A cet instant c'est Navéravon qui s'y colle :
" QUAVOI, MAVADAVAMAVE ! AVEST-CAVE DAVONC AVUNAVE LAVEGAVERAVE AVOFFAVENSAVE
DAVE M'AVAVAVOIR SAVI LAVONGTAVEMPS CAVACHAVE VAVOTRAVE PRAVESAVENCAVE
? CAVES TRAVESAVORS DAVONT LAVE CAVIEL VAVOULAVUT VAVOUS AVEMBAVELLAVIR
... "
Trois personnages
sont assis au premier rang, Jean culle au centre, entourés de Peldugland
(toujours facilement reconnaissable) et du directeur
Mordicus qui dort comme un bébé.
Je m'approche
discrètement pour avoir les impressions du metteur en scène, profitant
de ce que Peldugland s'en va fumer une grosse cigarette, je me glisse
aux côtés de Jean Culle.
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Le grand philosophe
est furieux comme à son habitude :
" Cet andouille n'articule pas assez ... Un peu de nerf antique
et détend ton anus ! " crie t'il au malheureux comédien, puis
il se lève brusquement et fait un moulinet caractéristique de
ses deux bras, c'est le muet signal du remplacement, le nouveau
Navéravon est déjà en place :
" NAVI QU'AVELLAVE
AVAIT CAVONSAVENTAVI D'AVAIMAVER AVET D'AVETRAVE AVAIMAVEE SAVANS
QUAVE J'AVEN SAVOIS AVINSTRAVUIT QUAVE PAVAR LAVA RAVENAVOMMAVEE."
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Vu la pénibilité
de la performance il faut souvent changer d'histrion, un peu comme
au hockey sur glace.
Poussant l'analogie toujours plus loin, Jean Culle a muni ses comédiens
de patins à roulettes molles ce qui accélère les rotations et réveille
le public.
Sa performance terminé le sortant va taper dans la main des remplaçants
toujours prêts sur leur banc ; un rituel un pen cabotin à mon goût.
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Un bref coup de trompe
retentit signalant la fin de la tirade, Javunavie, qui en profitait
pour se remaquiller, grimpe vite pour donner sa réplique, et c'est reparti
:
" JAVE NAVE VAVOUS NAVIRAVAIS PAVOINT, SAVEIGNAVEUR, QUAVE SAVES
SAVOUPAVIRS M'ONT DAVAIGNAVE QUAVELQUAVEFAVOIS AVEXPLAVIQUAVER SAVES
DAVESAVIRS ... "
Je risque un commentaire :
" Très bien Jean Culle, mais c'est quand même un peu long. "
" Entre neuf et dix heures suivant le rythme, il faut tenir ... cependant
j'ai une idée pour y remédier : comme il y a pléthore de comédiens,
jouons plusieurs scènes simultanément, cela raccourcirait la pièce des
trois-quarts, elle y gagnerait aussi en densité. "
Le théâtre
et son triple.
Nouveau coup
de trompe.
" On enchaîne vite, descend Javunavie et laisse ta place, tu nous
montreras tes nichons une autre fois ! "
" AVIL N'AVA PAVOINT DAVETAVOURNAVE SAVES RAVEGAVARDS D'AVUNAVE FAVILLAVE
..."
Note : Les articles
de Fond sont toujours illustrés de ses croquis hâtivement pris sur le
vif.
Car Fond s'intéresse aussi à la forme.
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