LA PITTI - GINA
Le 31 mai à Rompizan.

ILLUSIONS ROMPIZANAISES

Rompizan, vraiment quel beau noeud !

" Rompizan, Rompizan, tout le monde descend ... et plus vite que ça ! " ajouta l'annonceur sur les nerfs.
" Ca va, c'est bon ... respectez les usagés ! " gromella Bertrand qui trouvait ces manières un peu cavalières.
Le garçon venait de se réveiller (ce qui explique son irritabilité) mais ses protestations étaient de pure forme sphérique car, en fait, il était ravi de cette interruption momentanée de son triste programme.
Un providentiel problème technique immobilise ici le train qui devait l'emmener vers son fatal destin : l'entrevue avec son patron à qui il devait remettre un rapport* sur ses activités commerciales, rapport dont il n'avait que la chemise trouée.

* rapport : Il aurait pu évidemment remettre un rapport Sexuel à sa hiérarchie, au moins on l'aurait lu.

La prochaine correspondance était dans plus de six heures, il avait tout son temps.
" Merci camarades, et il salua les merveilleux cheminots à qui il devait cette bouffée d'air tiède supplémentaire.
C'était une journée de plus, un cadeau bonus, un vrai don du ciel agité.
Car il y avait du vent à Rompizan, beaucoup, une bise à décorner les boeufs (qui se font rares), disons à décorner les cocus (qui sont toujours aussi abondants).
Bertrand n'aime pas le vent, cela l'énerve de trop mais il est heureux de n'avoir rien à faire.
Comme tout bon lapin qui se respecte, il adorait l'école buissonnière, se friser les pattes, faire des trous* et courir entre les ceps noueux.

* trous : Ca s'appelle un terrier.

Et copuler bien sûr, au milieu des grappes en formation.
La charmante bourgade de Rompizan est cernée de près (et de toutes parts) par des vignes qui montent jusqu'en haut des collines chauves.
Avant de redescendre vers la coopérative suivante.
C'est aussi un gros noeud* ferroviaire et routier.

* noeud : C'est reparti ... pour une fois qu'on apprenait des choses intéressantes !
Soyez gentil, c'est la dernière histoire ; essayons de ne pas tout gâcher par d'inutiles (et systématiques) grossièretés.
C'est vrai, essayons.

Car l'information n'était pas tombé dans la longue et soyeuse oreille d'un sourd :
" Je connais pas loin un très gros noeud ... de communication ! "
La plaisanterie était soit trop bête, soit trop intelligente (!) ; en tout cas aucun des rompizanais présents ne semblaient l'avoir comprise.
" Ah, ah, ici on a la pêche ! ... de vigne. " insista le comique croupier.

* croupier : Amateur de croupes.

 

Toujours pareil, encéphalogramme plat.
" Vous avez de bons culs ici, je veux dire de bons crus, charnus et sentant la groseille à souhait ! "
" Ohyaou chavrou ah, ah ! Sallaki pulcosse Rompizan tamalou ! " intervint son voisin à casquette en rigolant de ses quelques dents valides.

" Ah bon, je l'ignorais ... " répondit poliment le garçon.

 

Un loquace compagnon local.

Il se sentit bien seul, replongea dans sa bière et sa lecture d'une brochure municipale d'information.
Entre deux gorgées, il en tournait machinalement les pages.
On y présentait des tas de lieux dont il ignorait l'existence, peuplé de gens qu'il ne connaitrait jamais et qui faisaient de choses qu'il ne comprenait pas.
" C'est mon exotisme hexagonal ! " songea Bertrand.
On n'y annonçait également (et légalement) de nombreuses dégustations un peu partout dans le pays, choses qui évidemment lui donnait envie, mais il ne s'agissait que de vin.

Toujours et encore.

On y expliquait aussi un tas de trucs dont il n'avait rien à faire.
S'interrogeant franchement, il se demande les yeux dans ses yeux* : qu'allait-il devenir ?

* yeux : Devant le miroir, réfléchissant.

Une question que le garçon se posait rarement, son avenir se limitant d'habitude à la journée en cours.
Eventuellement jusqu'au lendemain matin, les jours de folles inquiétudes et de grandes marées.
.
Face à son demi mousseux, au comptoir du " Café des amis " où il ne connaissait personne, le blanc était total.
Il aurait eu besoin d'un signe, ou la manifestation d'une volonté supérieure, une indication sur ce qu'il devait faire ensuite, plus tard, après aujourd'hui.

Le voyant se décomposer sur place, la patronne s'inquiétait et lui conseilla entre deux coups de torchon :
" Vous n'êtes pas bieng ?
Allez donc voir la Pitti, elle reçoit tous les matings et elle aime bien les lapings, chez-elle il y en a partout ... pensez à vous attacher à cause du vent ! "
Elle poussa l'amabilité jusqu'à lui faire un petit plan.
" Bouyou quézaque cigalem tagalou ! " conclut l'autochtone en se tenant au bar d'une main, de l'autre il lui indiquait vaguement une direction.

Bertrand remercia tout le monde et se dirigea vers la vieille ville.
Qui porte bien son nom.
Et son âge.
Le garçon voulut consulter son plan, une bourrasque soudaine lui enleva le papier des mains, il se rappelait vaguement de l'adresse et décida d'y arriver tout seul.
La bise faisait claquer les volets et s'envoler tout ce qui n'était pas solidement fixé, le prudent lapin faisait bien attention, un pot de fleurs et si vite arrivé !

Bertrand se perdit rapidement dans ce dédale d'étroites ruelles, de sombres courettes, d'escaliers en tout sens et de passages couverts qui gardaient leurs secrets au fond des nombreux tonneaux vides.
La municipalité socialiste viticole ayant récemment débaptisée, puis rebaptisée, une partie des rues, on n'y comprenait plus rien.
Il se trouvait présentement dans l' Impasse des Bons Sentiments à l'angle de la Rue de L'Avenir Radieux et de la Place des Jours Meilleurs.
L'Eglise du Sommeil Efficace lui faisait face.
Il n'était pas plus avancé car lui, il cherchait l'Impasse de l'Impasse de L'Impasse etc ...
En fait, il était dans une impasse.

Les rafales étaient de plus en plus fortes, rentrant les oreilles, notre lapin perturbé vint se poser devant une longue vitrine pour s'abriter un peu.


Et pouvoir se regarder dedans, comme il aime à le faire :
" J'ai une drôle de tête ce matin ! " constata objectivement Bertrand.
Un méchant reflet gênant sa vision, il fit un pas de côté. BLAOUM !!!

Le garçon sensible sursauta un grand coup, juste à côté de lui, à l'emplacement précis qu'il occupait quelques secondes auparavant, un gros pot de fleurs venait de s'exploser sur le trottoir.
C'était des géraniums pouvait-on conclure au vu des restes terreux.
Bertrand venait d'échapper* à la mort.

* échapper : Provisoirement.

Poussé par le vent violent, le pot avait descendu rapidement quelques étages pour se fracasser au contact de la pierre de ville.
En regardant les morceaux épars, il pensa à sa pauvre tête ... à l'impermanence et au peu de chose que nous sommes.
Son égotisme lui avait donc sauvé la vie, une fois de plus.
Mais il était toujours perdu.
Il aurait voulu demander son chemin seulement c'était l'heure du déjeuner et les ruelles étaient vides*.

* vides : De chez vide.

Il pria encore Sainte Nitouche de lui venir en aide.
Elle entendit facilement son appel car elle avait toujours un oeil sur Bertrand dont elle suivait avec attention les frasques amoureuses, s'en délectant comme d'un feuilleton télévisé, l'air de rien.

Elle pouvait donc bien rendre au garçon ce petit service.
Comme par miracle (et pour cause) Bertrand se retrouva devant la résidence de la Pitti.

 

Pitti's house.

Un curieux édifice de style ... comment dire ?

 

De style proliférant, c'est ça ... et diablement collant car tout ce qui s'en approchait était immédiatement absorbé, digéré, déstructuré avant de se retrouver scotché, pendant aux murs déjà pleins et surchargés.
Ce qui fait que la maison grandissait peu à peu en même temps que l'espace disponible à l'intérieur diminuait.

 

Au dessus de la porte entrouverte, un écriteau indiquait sobrement (mais en lettres d'or) :

Madame LA PITTI
Consultation sur place

Tirez la zobinette* avant d'entrer.

* zobinette : Chevillette* provençale.

* chevillette : Espèce de bobinette*.

* bobinette : Belle zobinette.
De collection, maintenant.

 


Il tira l'étrange zobinette, puis la jolie chevillette (par contre il ignora cavalièrement l'espiègle bobinette).
Avant de pousser la porte, Bertrand avait donc eu tout le temps de se faire son petit cinéma italien :
" La Pitti, curieux nom, sûrement une transalpine ...
Elle ressemblerait peut-être à Lolo Bragidi, la bohémienne aux pieds nus (mais toujours bien propres) de " Notre dame de Paris brûle t'elle ? "
Ou à Marina Piédanlo dans " Il est trop tard pour mourir de rien ! "

 

Le bon temps des starlettes.

 

Avec Anna Tutifrutti en garce repentie traquée par la mafia du vinaigre ?
Oui.

Si elle pouvait seulement m'évoquer (même de loin) Adriana Cornetto dans " Wonderbra* ", notamment la fameuse scène de l'essayage à domicile, ce serait bien pour mon album fantasmatique ... "

 

 

 

* Wonderbra : Son meilleur film, de loin.
A voir en 3 D, avec les lunettes spéciales si efficaces qu'on croirait sentir le bout de ses seins vous frôler le nez, la plupart des spectateurs se baissent effrayés, mais pas Lapin.Blanc.Rapide

. Il n'y a aucun truquage car Adriana n'est jamais doublée sinon elle ne rentre plus dans l'image, c'est écrit noir sur blanc dans son contrat, et ici.
On peut donc ne pas le croire.

Erreur de casting ou pas, toutes ces photogéniques vedettes étant reparties se faire voir ailleurs, dans d'autres fictions intimes.
 


SOUVENIRS A VENIR

 

 
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