LES FROMAGES

Conte à dormir assis : Foume et le fromage qui pue

A cette époque les cadets des familles nobles devaient quitter le donjon famimilal déjà bondé pour chercher aventure ailleurs que chez les voisins.
C'est au tour du jeune Fourme de partir au loin, il n'est pas chaud-chaud.
On est contraint de lui cacher son luth.
Le futur chevalier errant monte à reculons sur son énorme destrier, à ce moment sa mère surgit en pleurs pour lui donner une énorme fourme qu'il coinçe sous son écu* armorié.

Fourme cache soigneusement sa peine sous son casque dur et demande calmement à sa soeur Anne si elle ne voit toujours rien venir par sa meurtrière.
C'est l'instant émotion de notre épopée, après c'est n'importe quoi.

* écu : Sorte de bouclier, l'écu bien rond semble le plus apprécié.

- Tagada - tagada - Des larmes plein les yeux, le petit dernier des Ambert traverse le paysage au triple galop.
" C'est Fourme qui quète ! " commentent les vilains par l'odeur du fromage alléchés.
N'empêche, c'est dur d'être écuyer ; surtout au début quand on ne sait pas où aller.

 

" Je devrais chanter pour me donner du courage ... "
se conseille le cavalier désorienté, il entonne :
" Fourme d'ambert, Fourme d'Ambert.
Ecuyer rusé, vaillant et courageux
De tous les félons, les traîtres et les gueux
En un éclair tu fais du gruyère ...
"


Fourme mime l'action tout en s'égosillant car c'est une chanson de geste.

" Fourme d'Ambert, Fourme d'Ambert
Camembert était le nom de tes aïeux
Et de tes exploits l'écho glorieux
Retentit partout dans les chaumières
Fourme d'Ambert, Fourme d'ambert ...
"

C'est aussi une chanson digeste, après un peit rot, nous recommençerons notre nanarration.
Au trot.
Le soleil tapait dur sur l'écu brillant, la fourme en ressent les effets calorifiques et Fourme ses effluves, une nuée de chiens affamés le suit partout.
En approchant de Fourmies aux balcons toujours fleuris, Fourme piétine distraitement un dresseur de fourmis itinérant qui se mourrait de faim sur le talus.

" Hola mon brave, quelle est ton appellation ? "
" Kaissaouti seigneur. " répond le vilain en se bouchant le nez.
" Un nom pas très catholique, je t'appelerais Kaisse ; il y aurait t'il quelque exploit possible par ici mon brave Kaisse ?
Un chevalier félon à fêler d'urgence, ou mieux, un dragon lubrique et baveux avec sa princesse en mauvaise posture suggesstive ?
"


Kaissaouti réfléchit, longtemps ; au bout d'un quart d'heure il désigne le carrefour suivant :
" Au pied du calvaire, tournez à gauche, continuez pendent 400 mètres jusqu'au petit pont de bois branlant.
Avant de traverser, faîtes bien votre prière car de l'autre côté vous entrez sur les terres polluées de l'affreux dragon Trouduque, c'est là qu'il garde la princesse Citrane au beaux tétons devenue toute verte, de peur sans doute.
Mais de noble lignage, son père n'est rien moins que le baron du Pavé Dauphinois.
"
" Est-elle encore pucelle, chaste et pure Kaisse ? " demande l'écuyer sourcilleux en calculant de tête la dot (ou la rançon) envisageable.
" Que je ne verse pas mon sang si bleu pour quelque ribaude aux genoux mal serrés ... "
" Je ne pouvions point le dire, mais le dragon est vraiment amoureux et il ne la relâcheras jamais ! "

 

Le rêve de Fourme : ravir la princesse Citrane à Trouduque.

La princesse :
" Pffou ! J'en ai marre d'être enlevée pour un oui pour un non ! "
Bien enlevée mais pas ravie au lit donc.

" Fourme je suis, oncques ne sert ! " crie soudain l'apprenti-écuyer, il pique des deux éperons en plastique et se précipite au devant du danger sans plus réfléchir selon la tradition chevaleresque.
Dans sa fougue Fourme a oublié de demander l'adresse, pour retrouver le dragon puant et sa captive parfumée il se fie donc à son odorat mais, galopant dans le sens du vent, il ne sent que sa fourme.

 

Dommage car ça cocotte l'oeuf pourri grave ; heureusement les dragons laissent d'autres traces de leur passage rampant, des crottes rouge vif aimantées et triangulaires.
On ne peut les confondre avec celles du lapin blanc rapide qui sont aussi rouges mais octogonales.

Fourme a une chaude piste mais comment l'interpréter ?
Est-ce qu'il remonte où est-ce qu'il descend ?
Est-ce qu'il avance où est-ce qu'il recule ?
Est-ce qu'il s'approche ou s'éloigne du bestial danger ?

 


Il aura d'un coup la réponse à toutes ces questions en arrivant dans une petite clairière pavée où une vingtaine de chevaliers attendent déjà.

Le comité d'accueil cliquetant, il y a même un évèque distribuant des coups de crosse pour passer devant.
Et tous les chevaliers de la chaise longue qui font un barbecue.

Concurrence loyale peut-être mais désagréable parce qu'inattendue.
" Il va falloir se battre pour pouvoir se battre... " se dit l'écuyer contrarié.

" Alors autant commencer tout de suite ! " décide Fourme en décapitant d'un coup leste le chevalier Fernand qui s'approchait pour le saluer car il connaissait bien son père.
La grosse tête chevaline avait à peine touchée le sol que la mélée devint générale et aussi confuse qu'à l'accoutumée.

 

Combat singulier, comme cette forme d'art.

La lutte dura des semaines, Fourme dut occire les prétendants champions un par un.
Toute échauffée par l'ardeur des assauts, la fourme protectrice empestait totalement.
Sous leurs boites en fer ses adversaires étouffaient, se pinçant le nez en demandant grâce.
Et puis quoi encore ?
- Splatch -
Au suivant !

Trouduque regardait le spectacle en se frisant les moustaches rebelles tout en fumant une énorme cigarette qui enfumait le frais vallon d'épaisses vapeurs de souffre.

Car il était asthmatique comme son grand-père Enculosaurus.

" S'il n'en reste qu'un je serais celui là. " constate Fourme sur un tas de cadavres et d'armes brisées.
Il essuie son épée toute dégoulinante, en vérifie le tranchant puis la range soigneusement dans son fourreau.
Le monstre est d'abord surpris ; après un blanc, son cerveau reptilien recommence à fonctionner : l'autre crétin étant désarmé, c'est donc le moment d'attaquer.
En trois rapides ondulations il est devant notre héros qui, feignant la panique, lui jette son écu dans la gueule, le dragon l'engloutit en même temps que la fourme pourrie.

Les résultats ne se font pas attendre, Trouduque est pris d'un terrible hoquet, ses yeux jaunis, déjà naturellement globuleux, lui sortent de la tête et sa langue bifide se couvre de rigides croûtes pustuleuses.
L'hépatite est du genre foudroyante.

 

La mort,
même d'un vieux dragon lubrique,
ne peut nous laisser totalement indifférent.


Manifestement la bête n'est pas bien, elle se tord de douleurs abdominables sur les pavés inégaux.
Fourme prend son temps, il ressort son épée encore coupante (normal, c'est une Durandal ! ), sectionne le cou souple (dans le sens des écailles, toujours) et s'asperge de la tête au pied d'un sang violacé étrangement froid.

 

L'écuyer a triomphé mais sa coupe victorieuse est pleine de tristesse : la princesse Citrane a disparu, elle s'est enfuie depuis longtemps fatiguée de toutes ces tueries fastidieuse et interminables.

Elle pense sérieusemnt à entrer au couvent se mettre à l'abri.

Et puis Fourme n'était pas son genre, trop jeune, trop niais.
" Il sent tellement mauvais que lorsque il s'approche je défaille ...
Et il croit que c'est par amour !
"
Courtois.

 

" Moi qui croyais lui faire plaisir ... " se lamente le héros amer convert de blessures, de gloire inutile et de plasma mauve indélébile.


Et Fourme n'est pas au bout de ses peines ...

 

 
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