FONDATION GELLIPANE

PROGRAMMATION

Expositions hors les murs

- Ouine " Post-moderne automnal "

 

 

Ouine devant une de ses atroces peintures de la série " illimitée ".

Tout a commencé par un banal coup de téléphone :
" Allo Ouine, ça vous dirait une exposition pour la Toussaint ? "
Le programme de Ouine est déjà très chargé mais une exposition à la Fondation Gellipane (même hors les murs) cela ne se repousse pas du pied gauche.
" D'ailleurs le Père Noël sera commissaire d'exposition ! " renchérit le sous-directeur adjoint du comité central aux arts néo-plastiques en Rhône-Alpes du nord* (pour vous y retrouvez, consultez l'organigramme de la Nouvelle Bureaucratie Artistique).

* nord : Pour le sud, l'est, l'ouest et le grand nord il en existe un autre sous-directeur.

 

Le fonctionnaire artistique, on remarque de suite sur le dessus la réserve d'idées multicolores et brillantes.
Sur le mur une discrère aquarelle de Cheminé et sur la table, surveillant les piles de dossiers, une sculpture récente de Ouine.
Ne vous trompez surtout pas de bureaux, on vous soupçonnera aussitôt.

Dans ces conditions, comment refuser ?
Car le cadre est prestigieux, rien moins que le château de Fracula* à Lamoule-sur-Azergues.

* Fracula : Dans la famille Ula ils étaient trois frères :
Drac le noctambule, Crac le funambule et Frac le mandibule plus une petite soeur délurée Nymphoc qui ne nous intéresse pas aujourd'hui (hier c'était tout différent).

- Le commisaire dans tous ses états, il déballe, examine les oeuvres puis donne ses instructions.

- Puis il prend son fouet pour surveiller la suite des opérations.

Dans les sombres et interminables couloirs le Père Noël faisait claquer son fouet en permanence.

- " C'est vraiment une ordure ! " se plaignaient les vacataires couverts de zébrures.

- " Quand est-ce qu'on aura une pause ? "
" Dans vos rêves la pause, vous croyez encore au Père Noël ! " rétorqua le féroce barbu.

- " Et pour notre petit cadeau ? "
" Venez donc sous mon bureau, ils sont dans la hotte ... "
Mensonge, les sous-prolétaires culturels ont tout fouillé, la hotte, le traîneau, le chapeau ridicule et jusqu'aux rennes domestiques : pas le moindre présent.
And no future par la même occasion.

On travailla donc d'arrache-ongles dans le sang, la douleur et les larmes ; quelques heures plus tard l'exposition était prête à l'emploi précaire.

Cette année Ouine a encore fait très fort.
" Comme c'est moche ... " admire son critique habituel, jamais blasé alors qu'il frôle les 12000 vernissages au compteur, et pas même une cirrhose, chapeau !
" Et vous n'avez encore rien vu ! " nous assure sa communicante en rangeant les catalogues.
Nous voulons bien la croire.
Pour l'avoir.

L'opinion des lamoulaisiens fût pour une fois unanime :
" Je n'ai vraiment rien croisé d'aussi déprimant depuis ... Depuis la défaite et l'exode mural ! "
" Quelle horreur boréale... Du coup j'ai acheté ça ! "

" Combien ? "
" Trois euros, j'ai oublié le nombre de zéros. "
Ouine était aux anges du mal.

Fête des morts oblige, ces derniers sont venus nombreux, appréciant la petite promenade et l'air frais.
" Les spectres, les vampires et les goules aiment mon travail, quelle consécration de Lyon !
Seuls les morts-vivants continuent de faire triste mine, tout ce qui intéresse ces connards c'est la résurection !
"
" Quelle tuerie ! " finit par articuler péniblement White Zombie en tendant une main squelettique à l'artiste vivant.

Ouine préfère éviter j'inévitable accolade qui sent le renfermé et le caveau étroit.
Tous ces compliments finissent par monter à sa tête décharnée d'autant que sur son blog les ouiners* se déchaînent comme ces sympathiques sectionnés de Bourges qui envoient ce petit message :
" Comme tu casses la baraque Ouine ! "
Les martyrs de Melun enfoncent le clou :
" C'est extra tes restes, signé M.et M. "
Un vrai buzz d'outre-tombe !

La concurrence à l'oeuvre.

 

* ouiners : Partisans de Ouine, ils s'affrontent régulièrement aux inquiétants louzers (fanatiques de Louze*).
A chacun sa chapelle, moi je préfère celle du Gland

* Louze : Ex-ami de l'artiste Manqué, ses nombreux disciples l'appelent affectueusement " le père Louze " depuis qu'il peint avec son caca.
Il y trempe sa barbe en guise de pinceau.

 

Au vernissage on ne servait que du sang bien frais, un peu trop pour certains qui y rajoutaient de l'eau tiède.
Sinon ça chipotait autour des chips en cendres ou des os à la fraise.
Ouine les babines bien carmines est tout excité, les yeux injectés il répond à son portable qui sonne sans cesse :
" Allo Ouine, allo Ouine ... "
" Vous aimez Lamoule ... Sur Azergues ? " lui demande presque innocement une funèbre créature dont les os ronds s'entrechoquent déjà.
" Buvez avant que ça coagule ! " répondit aimablement ce séducteur* post-mortem (et post-moderne) avec son plus beau sourire, bien fermé à cause des dents creuse trop apparentes.

* séducteur : Je confirme, ce n'est pas une tata Ouine.

 

C'est ça la vie d'artiste.
Et la mort d'artiste c'est comment ?
Pareil.

 
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